Chapitre 4: Enfermés
Mon angoisse s'agrandit au fil des jours. Je n'ose plus rien faire, comme si j'étais à nouveau prisonnière. Je refuse de sortir de la maison, même aller dans le jardin est devenu une épreuve. Mattias ne va plus travailler à la mairie, il reste dans son bureau à la maison. Il ne cesse d'essayer de me rassurer mais il ne comprend pas la situation. Il ignore que sa vie et celle de ses proches sont en danger. J'ai cruellement besoin de m'occuper et pour cela, j'ai décidé de me lancer dans une nouvelle activité qui m'était inconnue: la cuisine. C'est une véritable passion ! Après des années de privations, je découvre de nouveaux aliments, suit des recettes et les déguste. J'aime avoir les avis du beau brun. Il se régale souvent, sourit lorsque c'est bon et me donne des conseils quand je me trompe.
Je me rends compte que ma dépendance à lui grandit chaque jour. J'ai besoin de le voir, de sentir sa présence à mes côtés, de m'assurer qu'il va bien. Mon cœur bat plus vite lorsque je suis avec lui et je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi. Est-ce que je suis tombée amoureuse ? Est-ce possible ? Et si c'est le cas, est-ce que cela pourrait être réciproque ? Bordel. Je me sens submergée par la magie qui nous lie, une force irrésistible qui me pousse à ses côtés. C'est comme une douleur que je ne peux pas soulager, une torture constante qui ne fait que s'intensifier.
— Tu vas bien ? me demande Nolan en entrant dans la maison, me provoquant un sursaut.
— Oui pardon, je m'excuse, j'étais dans mes pensées. Toque avant d'entrer la prochaine fois s'il te plaît ça m'éviterait de faire une crise cardiaque.
— C'est comme chez moi ici, j'entre et je sors quand je veux ! dit-il en souriant.
Son regard parcourt mon visage comme s'il cherchait à en percer les secrets les plus enfouis. Je sens son regard peser sur moi, son intensité me donnant l'impression d'être mise à nu. Il croise ensuite les bras contre sa poitrine, comme pour mieux contrôler la situation.
— Personne n'osera venir ici, m'informe-t-il alors que je regardais à travers la fenêtre de la cuisine.
— Des journalistes ont pu nous prendre en photo. Quelqu'un pourrait nous observer ou bien avoir une arme de longue portée, je souffle.
— Ça n'existe pas encore, seuls nos révolvers et les lames servent au combat.
— On ne sait jamais, je rétorque en me tournant vers lui.
— En plus, des gardes rodent autour de la maison, la protection a été renforcée. Si je n'avais pas eu la lettre de Mattias j'aurais dû rentrer chez moi.
— Tu ne peux donc pas venir et entrer comme tu veux, dis-je pour me moquer.
— D'habitude si, les temps ont changé.
Son ton est plus grave et je perçois à travers celui-ci une pique qui m'est destinée. Il fait une pause et me regarde pour m'analyser.
— Je suis désolée...je commence, en baissant le regard.
— Pourquoi ? demande-t-il, surpris en s'approchant un peu.
— C'est de ma faute tout ça. J'aurais dû partir dès que j'aurais pu, dis-je en lui faisant face.
— Pourquoi ne pas l'avoir fait ?
Je baisse à nouveau le regard.
— Le confort sûrement, je réponds en haussant les épaules.
— Qu'est-ce qui t'as fait rester ? Ne me dit pas que c'est uniquement à cause du confort parce que ce n'est pas vrai.
Je l'observe à nouveau, plissant les sourcils, tandis qu'il me sourit avec un sourcil arqué, l'air interrogateur. J'hésite un instant, cherchant les mots justes pour ne pas révéler mes sentiments pour Mattias.
— Lui, finis-je par dire.
— Pourquoi ? continue-t-il avec un air espiègle.
— Il ne voulait pas que je parte, je réponds.
— Il y a autre chose, n'est-ce pas ?, insiste-t-il avec un sourire narquois.
Arrête toi-là.
— Non, je mens.
— Je vais te dire pourquoi tu n'es pas partie, dit-il en s'approchant lentement de moi. Je recule instinctivement, mais je suis bloquée entre le meuble de la cuisine et lui.
— Tu l'aimes n'est-ce pas ? me demande-t-il, sûr de lui.
— Non, je réponds rapidement.
Je suis déstabilisée. La façon dont j'ai prononcé le mot sonne terriblement faux. Arrête de parler, ai-je envie de dire. J'ai aussi follement envie de le gifler.
— On ne me ment pas à moi, ça se voit, rétorque-t-il.
— Je ne te mens pas, je proteste.
— Je sais que c'est faux, dit-il en me fixant droit dans les yeux. Je suis gentil et compréhensif, mais je t'assure que si tu es ici pour lui faire du mal, tu le regretteras, ok ?
— Tu veux que je te dise ? je lâche, à bout de souffle. Sincèrement ? Je l'aime et je me déteste parce que je sais pertinemment qu'il en souffrira.
Je suis étonnée d'avoir réussi à le dire à voix haute, je n'y crois pas moi-même.
— Pourquoi en souffrirait-il ?, demande-t-il, surpris.
— Parce que c'est impossible, je réponds, en soufflant, renfrognée.
— Impossible ? répète-t-il, perplexe.
— Tu ne peux pas comprendre, dis-je en baissant les yeux.
— Comprendre quoi ?"intervient alors Mattias, qui vient d'entrer dans la pièce.
Nous sursautons tous les deux à l'arrivée soudaine de Mattias dans la cuisine. A-t-il entendu notre conversation ? Mon cœur bat la chamade alors que je cherche une réponse adéquate. Nolan prend les devants et répond d'un ton décontracté :
— Je lui disais d'arrêter de regarder à travers les fenêtres et elle me disait que je ne pouvais pas comprendre sa peur, répond Nolan en mentant.
J'acquiesce, tentant de dissimuler ma nervosité. Mais Mattias semble perplexe, son regard scrutant nos visages.
— Vraiment ? dit-il, les sourcils froncés. J'ai l'impression que vous cachez quelque chose.
Je sens mon pouls s'accélérer. Comment pouvons-nous cacher le secret de notre conversation à Mattias ? Nolan s'empresse de répondre, enchaînant rapidement sur un mensonge crédible :
— Non, pas du tout. Je taquinais juste Erika au sujet de sa phobie des fenêtres.
— Oh Erika...commence Mattias en me regardant.
— Je sais. Je...Merde laissez-moi s'il-vous plait.
Je pose le bol que j'étais en train de laver pour monter les escaliers et m'enfermer dans ma chambre. Je lâche un soupir de frustration en y entrant. Je suis à bout de nerfs et je sens les larmes monter. Mattias me suit mais je ne veux pas lui parler, pas maintenant. Il attrape mon poignet pour me retenir mais je le repousse sans délicatesse.
— Erika... dit-il d'une voix douce, mais je ne l'écoute pas.
— Non, je réponds froidement avant de fermer la porte de ma chambre sous son nez.
J'entends Nolan parler dans le couloir, mais je n'écoute pas ce qu'il dit. Je me dirige vers mon lit et m'assois, en posant ma tête dans mes mains. Pourquoi les choses doivent-elles être si compliquées ? Pourquoi est-ce que je ne peux pas simplement aimer qui je veux ?
Je sens Mattias s'approcher de moi, il a quand même décidé de me suivre mais je ne bouge pas. Il pose une main sur mon épaule, mais je la retire aussitôt.
— Laisse-moi tranquille, Mattias, je dis d'une voix étouffée.
— Erika, s'il te plaît, écoute-moi, répond-t-il doucement.
Je le regarde alors, les yeux embués de larmes.
— Je ne veux pas te perdre, Mattias, dis-je enfin. Mais je ne sais pas comment faire.
Il s'approche alors de moi et m'entoure de ses bras. Je me blottis contre lui, enfin apaisée. Il ne dit rien et s'assure que je sois calmée avant de redescendre rejoindre Nolan, troublé par mes paroles.
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— Je n'aime pas la voir comme ça, je me confis à Nolan.
— Moi non plus, avoue Nolan en jetant un œil vers l'étage.
— Tu peux venir dans mon bureau s'il te plait ?
— Tout de suite chef !
Il fait un geste militaire et je ne peux pas m'empêcher de sourire. Il a toujours une touche d'humour à placer dans une conversation. Une fois la porte refermée je me tourne vers lui. Comme à son habitude, je remarque qu'il se mord l'intérieur de la joue, il est tendu mais essaye de le cacher. La situation actuelle est complexe et il le sait.
— Les journalistes ? je demande du tac au tac.
— Toujours à l'affût. J'ai bien cru en venir aux mains ce matin.
— Je ne peux pas les empêcher de faire leur métier, je souffle. C'est contre la liberté d'expression. Je vais devenir fou !
— Elle aussi va devenir folle si elle reste coincée ici.
Nous nous fixons un instant et je fronce les sourcils.
— Qu'est-ce que tu veux dire ? je demande, surpris.
— Elle a toujours été enfermée et elle se retrouve encore une fois entre quatre murs.
— Elle ne veut pas sortir, elle ne veut pas m'expliquer ce qui la tracasse.
— Et donc tu vas la laisser dépérir ?
— Je ne la laisse pas dépérir, elle peut faire ce qu'elle veut ! Qu'est-ce que tu veux que je fasse ? je souffle.
Nolan se met à rire.
— Bon, écoute, j'ai une idée sensationnelle ! s'exclame-t-il soudainement.
— Laquelle ? je réponds, septique.
— Je vais organiser une conférence de presse avec Gaelle et Chloé, tous les journalistes seront là.
— Comment tu vas faire pour tous les réunir à un seul endroit en même temps ?
— Ne vaut mieux pas que tu le saches, répond-t-il en souriant.
— Tu me fais peur.
— Peut-être. Mais tu passeras la meilleure journée de ta vie je te le garanti !
— Comment ça ?
— Tiens.
Il me tend un papier que je saisis. Je lis quelques mots et me tourne vers lui.
— Tu es sérieux ?
— Totalement.
— Mais elle ne voudra jamais. Surtout pas en ce moment !
— Alors oblige-là ! dit-il avec fermeté.
— Tu sais bien que c'est compliqué !
— Ça ne t'empêche pas d'essayer. J'assure de mon côté alors assure toi du tien, rétorque-t-il en ouvrant la porte, impatient.
— Attends !
— J'ai du boulot ! Tu as la possibilité de la sauver et d'être heureux, ne gâche pas tout.
— Mais...Attends ! Nolan !
Je n'ai pas le temps de réagir qu'il est déjà sorti. Je reste bloqué sur le seuil de la porte du bureau, bouche-bée. Je ne le comprends plus. Je ne comprends plus rien. Ma vie est devenue un sacré bordel depuis que j'ai rencontrée Erika. Frustré, je m'enferme dans la pièce. Je m'adosse à la porte, souffle longuement et essaye de me calmer. Les battements de mon cœur ne cessent de s'accélérer. Je sens la magie bouillonner en moi, elle ne demande qu'à s'exprimer. Pourtant je ne veux pas la libérer, je n'ose pas. Elle est endormie depuis si longtemps que je n'ose pas la réveiller, je ne veux pas blesser quelqu'un...
— Mattias tout va bien ? demande Erika à travers la porte.
— J'ai besoin d'être seul, je l'informe, la voix éraillée.
— Je l'entends repartir vers la cuisine mais elle revient au bout de quelques secondes.
— Je suis désolée pour tout à l'heure, je ne voulais pas que tu le prennes mal.
— Je ne le prends pas mal.
— J'ai remarqué que quelque chose n'allait pas, continue-t-elle doucement.
— Tout va bien.
— Si tu as le moindre problème tu peux m'en parler.
J'ouvre la porte et me retrouve face à la belle rousse. D'habitude, son regard apaisant a un effet calmant sur moi, mais cette fois-ci, je ressens seulement de la colère qui me consume. Elle fronce les sourcils et recule d'un pas.
— T'expliquer ce qui ne va pas alors que tu ne me dis rien ?! dis-je froidement.
— C'est pour te protéger, répond-t-elle.
— Me protéger de quoi ?! De quoi as-tu si peur à la fin ? Je suis plus dur que je ne l'aurais voulu. Je la vois se crisper.
— Je veux te protéger du danger qui t'entoure toi et tes amis! dit-elle avant de plonger son regard dans le mien, ses yeux sont remplis de larmes. Je refuse qu'il t'arrive quelque chose, je ne me le permettrai pas, murmure-t-elle.
— Je ne comprends pas, pourquoi il m'arriverait quelque chose ?
— Je..je ne peux pas t'expliquer, dit-elle en pleurant.
Sa voix se brise, son regard est perdu.
— Je n'en peux plus de tout ça, sanglote-t-elle dans mes bras.
Je laisse glisser mes doigts dans ses cheveux doux et parfumés à la noix de coco, tentant de la rassurer. Mais son regard, empli de tristesse et de désespoir, me coupe le souffle. Je sens mon cœur tambouriner dans ma poitrine.
— Peu importe ce qui te fait si peur, dis-je doucement, en la saisissant par les épaules pour qu'elle me regarde dans les yeux, je te promets que tout s'arrangera. Nous ferons face à cela ensemble.
Elle secoue la tête, ses yeux emplis de larmes.
— Ne fais pas de promesses que tu ne peux pas tenir, répond-elle d'une voix tremblante.
— Je ne fais aucune promesse, j'insiste, je veux juste t'aider. Dis-moi ce qui se passe, s'il te plaît. Nous pouvons trouver une solution ensemble.
Je la supplie presque, priant pour qu'elle me dise la vérité. Ses yeux s'assombrissent, et elle détourne le regard.
— Je ne peux pas, souffle-t-elle, c'est trop dangereux. Trop risqué.
— Je suis prêt à prendre le risque, dis-je fermement, pour toi, pour nous. S'il te plaît, fais-moi confiance.
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Je n'arrive pas à répondre. Je ne sais pas si j'ai envie de me battre. Le devrais-je ?
— Je n'y arriverai pas, finis-je par dire.
— Mais si ! Bien-sûr que tu peux le faire ! continue-t-il en caressant doucement mes poignets qu'il vient de saisir.
Son contact me fait rougir instantanément, je ne suis pas habituée à une telle proximité.
— Comment ? je ne vois pas comment nous pourrions faire...
— On va trouver une solution d'accord ? Il faut juste que tu me fasses confiance.
Je hoche la tête et il me serre contre lui. Je sens sa respiration chaude sur mon cou et je m'autorise à fermer les yeux. Nous restons un moment ainsi, savourant cette étreinte réconfortante. Quand il se détache de moi, je suis prise d'une envie irrépressible de plonger mes lèvres dans les siennes. Je m'attarde sur son regard intense, ses joues légèrement rosées et son souffle qui s'accélère. Il semble ressentir la même chose que moi, mais nous gardons nos distances, respectant le silence qui s'est installé entre nous.
— Je suis désolée, j'ai besoin de me reposer, je finis par dire avant de monter m'enfermer dans ma chambre.
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Je me pose encore plus de questions qu'avant. Je sais qu'elle a peur de quelque chose mais de quoi ou de qui ? A-t-elle peur que son père vienne la chercher ? Impossible ! De toute façon, il ne pourra pas la ramener de force chez elle ! Pourquoi ne veut-elle pas se confier à moi ? Mes recherches ainsi que celle de mes espions n'ont abouti à rien et je sens la frustration monter en moi. C'est comme si elle n'existait pas. Elle n'apparaît dans aucun registre. Je ne comprends vraiment rien...
Je ne pourrais pas la forcer à tout m'avouer, ni à aller mieux, ça ne marche pas comme ça mais je peux peut-être l'aider et je ferai tout mon possible pour que ça arrive.
Je me surprends à penser à elle constamment, même quand elle n'est pas là. Je suis fasciné par chaque petite chose qu'elle fait et dit, et je ne peux pas m'empêcher de sourire bêtement en y pensant. Je ne comprends pas mes sentiments envers elle, mais je sais que je veux la rendre heureuse. Même si nous ne nous connaissons pas vraiment depuis longtemps, j'ai l'étrange impression qu'un lien nous unit. Les battements de mon cœur augmentent sans cesse lorsqu'elle est dans les parages, et rien ne me rend plus heureux que de la voir sourire.
La voir dans cet état me désole. Nolan a raison, elle se sent seule et elle a besoin de bouleverser ses habitudes. Peut-être que je peux l'aider à sortir de sa coquille, à lui montrer qu'elle n'est pas seule. Je ferai tout mon possible pour qu'elle se sente en sécurité et aimée.
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