Chapitre 13 : Famille et plan

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Une semaine s'est écoulée depuis son départ. Physiquement, je guéris rapidement. Ma côte endolorie me fait à peine souffrir, mes blessures se referment peu à peu et je peux à nouveau poser le pied sur ma jambe blessée, même si elle est encore en mauvais état. Pourtant, une autre douleur, plus sourde et plus lancinante, s'est installée en moi. Celle de son absence. Chaque jour qui passe, Erika me manque davantage. Et je ressens également un vide en moi, une diminution de ma magie que je n'avais jamais connue auparavant. Elle m'a appris à la maîtriser, à la ressentir de nouveau. Maintenant qu'elle est partie, je me sens incomplet, impuissant face à cette perte. Je voudrais être guéri, prêt à la libérer, mais je dois encore patienter, mûrir une stratégie, m'armer de courage et de détermination pour la retrouver.

— Mattias, m'appelle Gaelle en me sortant de mes pensées.

— Oui ? dis-je en me tournant vers elle pour la regarder.

— Tu n'écoutais pas.

— Pardon, je m'excuse.

— Reprenons, dit-elle en se levant.

Nous sommes quatre, assis autour d'une table en bois massif qui trône dans le centre d'une grande pièce de la mairie. Les murs, peints en blanc cassé, sont nus à l'exception de quelques cadres contenant des photos de la ville. La pièce est plongée dans une semi-pénombre, la lumière des lampes à huile faisant danser des ombres sur les murs. C'est une pièce rarement utilisée, comme en témoigne la poussière qui recouvre les coins et recoins. Mais en cas de danger, c'est là que les responsables de la ville se réunissent pour établir un plan d'action. C'est étrange de tous se retrouver ici, à essayer d'élaborer une stratégie pour faire face à cette situation inédite. Jamais je n'aurais pensé que cette pièce, chargée d'histoire, allait être de nouveau le théâtre d'un conflit aussi important.

— Quel est le plan ? demande Nolan, la mine sérieuse.

Je sens la pression sur mes épaules, l'attente de mes camarades pesant lourdement sur moi. Je sais que je ne peux pas me permettre de les décevoir, encore moins de les mettre en danger. Je prends une profonde inspiration pour calmer mes nerfs avant de m'adresser à eux :

— Il nous faut des détails sur la demeure de Derrick. J'y suis déjà allé mais c'était il y a longtemps alors je ne me souviens plus parfaitement de l'emplacement des pièces de sa maison. Ce serait bien de trouver un plan pour voir où sont les différentes pièces, les endroits stratégiques, j'explique.

— J'y suis déjà allée, affirme Chloé. Je dois avoir ça quelque part chez moi. Ensuite ?

— Super. Bon, c'est là que ça se complique. Je voudrais que les deux chefs de clan aillent parler à Derrick. Ils l'occuperont pendant que nous serons en train de chercher Erika.

— Tu veux rallier les clans ? Tu souhaites une guerre ?

— Elle arriva d'un jour ou l'autre, la situation est critique. Je dois parler aux chefs.

— Concrètement qu'est-ce que tu comptes faire ? Et nous dans l'histoire ?

— Nolan tu seras avec moi. Les filles vous nous attendrez dehors et vous serez prêtes à nous ramener à la maison quand nous arriverons.

— Il faut déjà savoir si le garage est accessible, note Chloé.

— Et ne pas oublier les potentiels soldats, ajoute Nolan en réfléchissant.

— C'est la merde, souffle Gaelle dépitée.

— On va y arriver, je les encourage.

Même moi j'ai du mal à y croire...

— On doit monter un plan qui tient la route, réunir des informations, penser aux moindres détails, explique Chloé. Ça ne se prépare pas en quelques jours...

— Pourtant il le faut.

— Le but n'est pas non plus de nous mettre en danger, rétorque-t-elle sévèrement.

— Oui évidemment !

— Là on fonce plutôt tout droit vers le mur, dit Gaelle en se replaçant correctement sur sa chaise.

— Ramène les plans de sa demeure Chloé. On pourra sûrement mieux en parler ensuite.

— J'en ai pour un moment, je ne sais pas où j'ai fichu le dossier.

— Du moment que tu le retrouves c'est le principal, dis-je avec un maigre sourire.

— Super, opine-t-elle avant de sortir de la pièce d'une démarche assurée.

Elle referme la porte derrière elle et un silence est présent dans la pièce.

— Dans quoi on s'engage encore ? bougonne Nolan en s'étirant.

— Dans la merde, ajoute Gaelle en se levant de sa chaise pour regarder à travers la fenêtre.

— Tu nous emmène souvent dans des plans foireux j'ai l'impression, continue-t-il en me lançant un regard narquois.

— Je ne vois pas de quoi tu parles, dis-je en faisant semblant d'être offusquée.

Nolan éclate d'un rire franc.

— Tu ne te souviens pas du nombre de conneries que tu nous as fait faire ?

— Non pas du tout, dis-je d'un air innocent.

— La fois où on s'est perdus dans la forêt à cause de toi ! s'exclame Gaelle d'un air enjoué en se retournant vers nous.

— Je pensais connaître le chemin, je rétorque.

— Tu nous as tellement enfoncés que les gens ont mis deux jours pour nous retrouver ! j'étais morte de faim !

— Tu manges pour quatre aussi !

— Peut-être mais j'ai quand même un corps de rêve !

— Ah ah !

— Et de la fois où on est entré par effraction chez le chef de clan de l'eau ! s'exclame Nolan en me pointant du doigt.

— Oh oui je me souviendrais toujours de sa tête lorsqu'il nous a surpris en train de voler ses poissons ! je m'exclame en riant.

— Le jour de son enterrement tu as failli t'étouffer avec un bonbon à la menthe et on se retenait tous de rire. Je me souviens encore du regard assassin de son fils, tu m'étonnes que vous ne vous entendez pas entre chefs de clan !

— J'ai avalé mon bonbon à la menthe de travers ça arrive !

— Tu as stoppé la messe ! Tu t'es mis debout en désignant ta gorge et on ne comprenait rien de ce que tu disais. T'étais rouge comme une tomate.

— Je me souviens de la gifle de mon père en rentrant ce soir-là, elle avait piqué toute la soirée.

Mes amis éclatent de rire et je les imite, ressassant nos souvenirs.

Nous sommes un groupe soudé. Même si nos opinions divergent parfois et que nos caractères respectifs peuvent être difficiles à vivre, nous nous entendons bien. Très bien même. On s'écoute et parlons entre nous au moindre problème. L'arrivée d'Erika a déstabilisé notre équilibre et nous nous sommes un peu éloignés mais finalement, nous nous retrouvons aujourd'hui pour monter un plan pour la sauver. Je les aime tellement, ils sont ma famille. Nous continuons de raconter des anecdotes et nous sursautons lorsque la porte claque, laissant apparaître Chloé portant un dossier à la main, essoufflée.

— Me voilà ! s'exclame-t-elle en souriant.

— Ce n'est pas trop tôt, dit Nolan pour l'embêter.

— Je te signale que sans moi, on n'aurait pas ces plans, rétorque-t-elle en tirant la langue. Bref.

Elle laisse tomber le dossier sur la table ce qui provoque un bruit qui résonne dans la pièce. Elle s'essuie ensuite les mains, la tête haute, fière et replace une mèche blonde derrière son oreille.

— Voilà tout ce que j'ai, il y a de quoi faire.

Elle ouvre le dossier et nous observons les feuilles qu'elle étale sur la table, des croquis de la demeure de notre ennemi. Les dessins sont un véritable chef-d'œuvre, d'une précision et d'une beauté époustouflante. Les traits sont fins et délicats, les ombres sont parfaitement dessinées, créant ainsi une profondeur et une vie à chaque élément représenté. Je suis émerveillé par son talent de dessinatrice. Chloé est une véritable artiste. Elle est réputée dans tout le pays et désormais sa popularité ne fait que grimper. Chloé est décoratrice d'intérieur et a créé sa propre entreprise. Malgré son emploi du temps chargé, elle reste sérieuse et trouve toujours le temps de profiter de sa jeunesse à nos côtés. Beaucoup n'auraient pas osé se lancer comme elle l'a fait, mais sa persévérance a fini par payer. L'année dernière, Derrick lui a demandé de rénover son gigantesque manoir et elle a gardé ses plans. Je me souviens encore de sa joie quand elle nous l'a annoncé, nous étions tous tellement heureux pour elle ! Son travail est bien plus qu'une simple passion, il nous sauve littéralement la vie.

— Voyons ça, dit-elle en se saisissant du plan entier de la maison.

— Le hall d'entrée mène jusqu'à un grand salon et une salle de réunion. Il y a d'autres pièces comme la cuisine mais je ne pense pas que ce soit intéressant. J'ai surtout travaillé au rez-de-chaussée. Je pense que Erika se situe quelque part ici au premier étage.

Elle désigne du doigt une série de portes dans un couloir et nous hochons la tête en suivant ses explications.

— Je ne pouvais pas dépasser la porte du bureau dans lequel je travaillais, il me l'avait interdit. Cette porte mène à une salle d'entraînement. Je n'ai pas pu y avoir accès mais je l'ai vue. Et plus loin, juste ici, je suppose que c'est l'endroit où elle est retenue prisonnière.

Elle désigne une porte un peu plus loin dans le couloir.

— La porte n'était pas en bois comme les autres et je me rappelle qu'il y avait un cadenas dessus.

Je me mords l'intérieur de ma joue pour calmer la rage que je sens monter en moi. Comment peut-on être aussi cruel ? surtout quand il s'agit de sa propre fille ? Je n'arrive pas à comprendre.

— Y avait-il des gens qui te surveillaient ? je demande pour chasser mes idées.

— Oui il y avait en permanence trois soldats autour de moi et trois soldats devant la fameuse porte.

— C'est sûrement là alors... Te souviens-tu s'il y avait des tours de gardes ?

— Oui mais je ne me souviens plus du temps qu'ils passaient avec moi, me répond-t-elle en continuant de lire les plans.

— On trouvera, dis-je fermement. Continue.

— Le garage est juste là et tu peux y accéder via cet escalier. Il traverse le rez-de-chaussée aussi, il ne faut pas se faire repérer.

C'est risqué, je pense immédiatement. Nous allons devoir traverser une partie de la maison sans devoir nous faire remarquer.

— J'espère que Erika sera en mesure de courir parce que sinon ça va être difficile, souligne Nolan en se grattant les cheveux.

— Il y a autre chose, ajoute Chloé, tendue.

— Quoi ?

— Si vous passez par là pour descendre et que la porte du grand salon est ouverte, on pourra vous voir.

— Et merde fait chier ! je m'exclame en découvrant la nouvelle.

— C'est du suicide, finit par dire Gaelle en soufflant longuement.

— J'espère qu'on s'en sortira, continue Nolan en triturant son t-shirt.

— Je ne vais pas vous emmener vers la mort, ce n'est pas mon but. Je n'ai pas non plus envie de vous perdre. On va y arriver, je vous le promets.

— Tu peux avoir toute la volonté du monde j'ai du mal à croire que nous pourrons y arriver, continue Gaelle en observant les croquis. N'oublie pas que le garage doit être ouvert et qu'une voiture soit disponible. L'endroit sera sûrement surveillé. Il faut savoir où se trouve l'étable au cas où il n'y a pas de chevaux.

— Une calèche est toujours disponible. Impossible qu'il n'y en ait pas, dis-je.

— Imaginons que la calèche soit déjà prête à partir, elle sera sûrement surveillée. J'ai du mal à me dire que nous devrons affronter plusieurs hommes qui voudront notre mort. Je sais me battre mais je n'ai aucune envie de tuer.

— Je m'en doute, nous nous engageons dans un terrain risqué...Etes-vous sûrs de vouloir participer ? je demande soucieux, après quelques secondes de silence.

— Je suis partant, déclare Nolan en hochant la tête. Elle fait partie de notre famille désormais.

Un maigre sourire s'esquisse de son visage et nous regardons les filles.

— Moi aussi répond à son tour Chloé.

Gaelle tourne la tête vers Nolan avant de hausser les épaules et d'affirmer son soutien pour la mission.

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