Chapitre 22 : Combat final
Depuis ce matin, je sens une boule d'anxiété dans mon estomac. L'après-midi approche et je suis partagée entre l'excitation de l'affrontement à venir et la peur de ne pas en revenir. Je ne peux m'empêcher de me demander si je serai assez forte pour vaincre mon ennemi. Mais une chose est certaine : je suis prête à tout pour en finir une bonne fois pour toutes. Je suis prête à prendre la vie de celui qui m'a détruit, à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour protéger ceux que j'aime et mettre fin à cette guerre insensée. Mes mains tremblent d'anticipation et d'appréhension, mais je suis déterminée à partir au combat.
Nous avançons d'un pas déterminé dans l'allée principale, escortés par une cohorte de gardes et de soldats vêtus des uniformes militaires que nous portions lors de notre première rencontre dans la clairière. Les mains serrées sur les poignées de leurs épées, ils semblent prêts à en découdre à tout instant.
Arrivés devant le manoir, nous voyons des hommes en armure se précipiter à l'intérieur, déterminés et sûrs d'eux. Leur stature impressionnante et leurs épées brandies ne laissent aucun doute quant à leur intention.
Enfin, Derrick sort du manoir, comme s'il avait attendu notre arrivée pour faire son apparition théâtrale. Son regard se pose sur nous, sa colère déformant son visage habituellement si froid. Autrefois, sa simple présence m'aurait glacée d'effroi, mais aujourd'hui, l'adrénaline me fait vibrer, mon cœur battant la chamade dans ma poitrine. Sa mâchoire carrée et sa prestance ne me font plus rien, je n'ai plus peur de lui.
— Vous êtes donc tous venus, déclare-t-il en levant ses mains en l'air, dévoilant une épée accrochée dans son fourreau. Que voulez-vous ?
— Que vous vous rendiez, dit Mattias de façon autoritaire.
— Me rendre ? Jamais, crache mon père. Vous ne me connaissez pas mon garçon.
— Vous voulez vraiment vous battre ? je demande, dépitée. Tout est terminé pour vous, vous n'avez personne avec qui vous allier !
— Je me bats pour vous, ma fille, revenez.
— Vous n'êtes pas en position de négocier, je lui rappelle. Et ne m'appelez pas comme ça.
— C'est dommage, j'aurais voulu ne pas en arriver là, dit-t-il avec un sourire sadique.
— Nous non plus, ajoute Mattias avant de me serrer la main pour me soutenir.
Je sens l'anxiété me submerger alors que nous avançons prudemment de l'endroit où se trouve mon père, sans tout de même être trop proches. Le beau brun marche à mes côtés, silencieux. Je presse ma poigne, ressentant ses yeux sur moi. Que va-t-il se passer ? Mes sens sont en alerte, me préparant à une attaque imminente. Soudain, je sens de nouvelles présences se situant derrière nous, dans les appartements. Je ne me retourne pas mais je sais qu'elles nous veulent du mal, qu'elles se situent aux fenêtres ou bien même sur les toits. Sans réfléchir plus longtemps, je ferme les yeux et me concentre sur les esprits de mes ennemis. Je relâche ma magie et les corps tombent lourdement au sol, dans un fracas assourdissant. Avant, utiliser mon pouvoir de cette manière me laissait épuisée, incapable de tenir debout. Mais aujourd'hui, je suis plus forte, plus déterminée que jamais. Les hommes qui nous accompagnent, ainsi que Mattias, sont stupéfaits. Je fixe mon père d'un regard noir, satisfaite de l'avoir surpris. Enfin, je lui montre que je ne suis plus la petite fille faible qu'il a essayé de manipuler.
— Je vous ai sous-estimée, dit-il d'une voix forte.
— Oh que oui, vous n'êtes pas au bout de vos surprises.
— Amusons-nous un peu alors ! dit-il avant de mettre ses mains en avant.
Un souffle d'air violent s'abat sur nous, mais j'arrive à le contrôler pour le rejeter contre les soldats de mon père qui commencent à sortir des habitations. Certains sont propulsés sur un mur, d'autres tentent de se protéger en se baissant.
C'est le signal d'attaque, tous les hommes sortent leurs épées, certains pointent leurs pistolets sur nous, prêts au combat. Je sens mon cœur battre la chamade, mais je me force à rester concentrée. C'est le moment.
Mattias me jette un coup d'œil et hoche la tête comme pour me dire que tout va bien se passer. Je lui fais un petit sourire avant de courir en direction de mon père, debout sur le porche. Il ne bouge pas, attendant que je me rapproche pour le combattre. Certains de ses hommes essayent de m'entraver le passage, mais je les repousse d'un geste puissant, aidée par Mattias. Il s'occupe de me laisser le champ libre pour que j'aie le temps d'en finir avec notre ennemi.
— Approchez, tonne-t-il d'une voix forte à mon encontre.
Il se redresse avec une lenteur calculée et retire sa cape noire, la laissant tomber à ses pieds dans un bruit feutré. Sa tenue de combat à l'air de lui permettre une certaine souplesse et épouse son corps de manière à mettre en avant ses muscles et ses abdominaux saillants.Avec cette tenue et cette prestance, il cherche clairement à intimider son adversaire, mais je ne suis pas une proie facile. Je suis déterminée à le vaincre une fois pour toutes, peu importe à quel point il peut sembler impressionnant.
— Ahhh !!! j'hurle de rage.
Nous nous tournons autour, évaluant les mouvements et cherchant les faiblesses de l'autre. Nos épées sont sorties, brillantes sous les rayons de soleil qui percent à travers les nuages sombres. Je me mets en position de combat, l'épée devant moi, prête à en découdre. Il veut la jouer à la loyale. Très bien, j'accepte. Je suis prête.
Il attaque le premier avec détermination, visant mon flanc gauche, mais je parviens à parer le coup avec facilité avant de riposter. Cependant, il me repousse sans effort. Est-ce une tactique pour m'épuiser ? Je me demande, alors que je continue à attaquer avec ferveur. Nous reculons tous les deux, essoufflés, dans un cercle de silence au milieu du chaos de la bataille. L'odeur du sang emplit mes narines, les cris des combattants résonnent autour de nous.
J'ai l'impression qu'il ne reste plus que nous, et nous nous fixons intensément. Mon regard ne quitte pas son épée, prête à parer le moindre de ses mouvements. Que va-t-il faire ? Je me demande, cherchant à lire ses intentions dans ses yeux déterminés.
— Je dois avouer que vous n'êtes pas un adversaire comme les autres, admet-il en tournant autour de moi.
— Vous le remarquez seulement maintenant ? dis-je méchamment.
— Mais vous ne faites pas le poids ! hurle-t-il avant de me foncer dessus à nouveau.
Avec un mouvement vif, j'esquive le coup de mon adversaire. Mais au moment où j'essaie de riposter, je me retrouve soudainement immobilisée. J'arrive à rediriger sa lame vers la droite mais pas assez vite pour qu'elle m'évite. Avec un rictus triomphant, il me blesse au ventre. La douleur me vrille les entrailles et je lutte pour rester debout. Le sang coule de ma plaie béante, maculant mes vêtements et le sol en marbre. Je ferme les yeux un instant, respirant profondément pour garder mon calme. Puis, je le projette plus loin d'un coup de pied bien placé, avant de reprendre position. La rage au ventre, je suis plus que jamais déterminée à remporter ce combat.
— Erika ! s'écrie Mattias au loin.
Au loin, Mattias crie mon nom avec inquiétude. J'aimerais me retourner pour le rassurer mais la douleur m'envahit et m'en empêche. Je maintiens ma blessure avec ma main gauche et serre fermement mon épée de ma main droite. Derrick me lance un regard arrogant, persuadé d'avoir déjà remporté la victoire. Mais je ne me laisserai pas déstabiliser aussi facilement. Je lutte pour rester concentrée malgré le sang qui coule le long de mon ventre, dégoulinant sur mes vêtements avant de se répandre sur le sol en un éclatant rouge.
— J'aurai voulu que tout se passe autrement, déclare-t-il avec un sourire narquois.
— J'aurai voulu que vous soyez un père. Un vrai père, dis-je en grimaçant.
Chaque mot, chaque respiration, me plonge dans une douleur insoutenable. Mon père me fixe, mais je ne parviens pas à décrypter son regard. Soudain, un bruit sourd retentit. Des pierres se détachent du balcon, manquant de peu mon père qui les retient en l'air grâce à son pouvoir. Il essaie de les maintenir, mais certaines glissent de ses mains et tombent sur lui, le blessant légèrement. Il maudit sa maladresse avant de braquer ses yeux vers moi. Je sens immédiatement son intention. Je prévois son geste, mais les débris se dirigent déjà vers le champ de bataille. Je suis tétanisée quand je me retourne pour les arrêter, déchirant ma blessure et émettant un cri de douleur. Je lutte pour reprendre le contrôle de mon corps, en proie à une douleur insupportable. Je saisis les pierres en l'air et les projette sur mon père. Il essaie de se protéger en croisant ses bras devant son visage, mais l'impact le projette contre le mur du manoir. Je l'entends tomber lourdement, enseveli sous les débris. Je m'approche en grimaçant, le corps tendu par la douleur de ma blessure, et je le vois bouger, essayant de relever la tête pour me regarder, mais il échoue. Du sang s'écoule de son visage et de son corps.
— Je me suis trompé sur vous, sur tout, marmonne Derrick lorsque je suis assez proche de lui pour l'entendre.
Même si sa voix est faible, je suis quand même parvenue à entendre sa phrase. Je ne sais pas pourquoi mais elle me bouleverse.
Lorsqu'il relève la tête et que nos regards se croisent, une rage incommensurable s'empare de moi. Pourquoi m'a-t-il dit ça ? Je le déteste. Je le déteste plus que quiconque sur cette terre.
— Je ne veux pas de votre pitié, me dit-il en levant la tête.
— Oh je n'ai pas pitié de vous, je réponds en baissant le regard, aggravant son sentiment d'infériorité.
— C'est vrai je n'aurai pas dû. Je n'aurai pas dû agir comme cela avec vous, dit-il avant d'être pris par une quinte de toux.
J'explose de rire. Il ne va pas jouer celui qui a des remords !
— Vous avez été mon bourreau et celui de nombreuses personnes, je crache avec haine.
Je scrute avec inquiétude le champ de bataille, observant avec attention chaque détail. Les cris de douleur et les bruits de métal qui s'entrechoque me parviennent de toutes parts. Le sol est jonché de corps ensanglantés et de membres arrachés, répandant une odeur nauséabonde qui me prend à la gorge. Des soldats gisent au sol, agonisant et implorant une aide qui ne viendra jamais. D'autres, encore debout, se battent avec acharnement, leur visage déformé par la rage et la peur. Tout autour de moi, c'est une véritable scène de guerre qui se déroule, un spectacle macabre et terrifiant. Je suis submergée par la violence de cette réalité, qui me rappelle la cruauté de ce monde et le prix à payer pour survivre.
— Tout ça c'est de votre faute, dis-je d'un ton sec.
— Je le sais, marmonne-t-il entre ses dents.
Des soldats s'approchent de moi, armés jusqu'aux dents, leurs yeux remplis de colère et de détermination. Je lève ma main pour les repousser, invoquant toute la puissance de mes pouvoirs. Les hommes sont propulsés violemment contre un mur, leur corps s'écrasant avec un bruit sourd. Je les observe un instant, immobiles, avant de détourner mon regard. La guerre fait rage autour de moi et je ne peux me permettre de perdre une seconde de concentration.
— Vous les avez tués ? me demande-t-il, la voix rauque.
— Ils sont évanouis, enfin je crois.
— Vous et vos beaux principes, enchaîne-t-il en pouffant.
— Vous et vos tortures et meurtres, je rétorque avec haine.
— Je...
— Quoi ? dis-je avant de m'abaisser pour pouvoir l'entendre en essayant de faire face à la douleur.
— En voulant vous forger à mon image, j'ai créé la personne capable de m'assassiner.
— Et je vais vous prouver que vous avez raison.
—Je n'en doute pas, crache-t-il.
Je sens sa vie entre mes mains, sa respiration se fait plus sifflante. Mes doigts tremblent, hésitants. Mais mes pensées noires prennent le dessus sur ma raison. Je ne peux pas laisser passer cette occasion. La haine que j'éprouve pour lui m'envahit et me pousse à agir. Je resserre davantage ma poigne, sentant chaque battement de son cœur sous mes doigts. La douleur sur son visage devient insoutenable, et pourtant, je ne relâche pas ma prise. Je suis possédé par une fureur incontrôlable. J'entends ses os craquer sous la pression, mais cela ne me suffit pas. Je veux le voir souffrir, je veux le voir payer pour ce qu'il a fait. Il essaie de se débattre, mais il est complètement sous mon emprise.
— Erika ! m'appelle Mattias.
Mattias crie mon nom et s'élance vers moi après avoir donné le coup de grâce à son adversaire. Sa silhouette se dessine sur le fond des flammes qui illuminent la scène de combat. Mes doigts, ensanglantés et crispés sur mon père, se détendent quand il prend mes poignets dans sa main. Je me noie dans son regard, cherchant refuge dans son étreinte.
— Pas comme ça, dit-il simplement.
— Comment ?
Je sens la chaleur de la main de Mattias dans la mienne, celle qui saisit fermement la poignée de mon épée. Nous échangeons un regard entendu, sachant exactement ce que l'autre pense. Ensemble, nous levons l'arme au-dessus de la tête de notre ennemi, prêts à frapper. Son visage se crispe, réalisant sa défaite imminente.
— N'oubliez pas que vous êtes ma fille et que vous avez aussi une part d'ombre en vous, que vous ne le vouliez ou non.
— C'est fini, je conclus froidement.
La lame s'abat avec une force dévastatrice sur sa nuque. Le bruit du métal contre la chair est assourdissant. Une gerbe de sang s'échappe de la blessure béante et éclabousse tout autour de nous, les murs, le sol, et nos vêtements. Mon cœur bat la chamade, mais je ne ressens ni tristesse ni remords. Je suis juste prise d'un violent haut-le-cœur. Je reste figée, le regard rivé sur le corps sans vie de mon père. Sa tête est séparée de son corps et pendent des lambeaux de chair. Mattias saisit la tête de notre ennemi avec un dégoût visible et la brandit fièrement devant les combattants, comme un trophée.
— Votre chef est mort, inutile de continuer de vous battre, rendez-vous ! hurle-t-il victorieusement.
Je scrute Mattias qui lâche la tête de mon père alors que les combats cessent et que les soldats de mon père se rendent. Un sourire naît sur ses lèvres, mais il se fige en me voyant. Mon état semble le troubler. Je suis furieuse. Pourquoi suis-je encore en colère ?La douleur provenant de ma blessure m'envahit. Mon corps est en proie à une souffrance atroce, tandis que je reste hébétée par ce qui vient de se produire. Mes mains sont couvertes de sang et je suis sur le point de craquer. Je me force à retenir mes larmes, à garder la tête haute et les jambes solides.
— Tu es blessée dit-il en touchant ma plaie.
— Ça va aller, dis-je en fermant les yeux.
Mattias pose délicatement ses doigts ensanglantés sur mes joues, alors que je rouvre les yeux. Je peux lire sur son visage un mélange d'émotions : la joie de me voir en vie, le bonheur de me tenir dans ses bras, l'amour qu'il ressent pour moi, l'espoir que tout ira bien et l'inquiétude qui le ronge. Le sang continue de couler abondamment de ma blessure et je sens mes forces me quitter peu à peu. Je m'effondre à genoux sur le sol, sentant la douleur irradier dans tout mon corps. Mattias essaie de maintenir la plaie pour retenir le liquide rouge qui s'en échappe, tandis que je le regarde faire, soudain prise d'une fatigue soudaine. Il est inquiet, je le vois dans son regard, mais je n'ai pas la force de lui dire que tout ira bien. Tout ce que je veux, c'est qu'il m'embrasse, pour sentir une dernière fois ses lèvres contre les miennes, de peur de ne plus jamais le revoir.
— Tu m'as promis de rester en vie, souffle-t-il en arrachant ses vêtements pour me faire un bandage.
—Je ne vais pas mourir...
Le souffle court, je sens la douceur de ses lèvres sur les miennes alors que la douleur lancinante m'envahit. Mes yeux s'ouvrent à peine pour contempler son regard empli d'amour et d'inquiétude. Je ressens la chaleur de sa main posée sur ma joue, tandis qu'il tente de me rassurer. Mes forces m'abandonnent peu à peu, malgré la douleur qui me tenaille, ce baiser est le plus beau qu'il m'ait offert, empli de toute l'affection qu'il éprouve pour moi. Je l'aime.
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