Rouge | Teanuanua (par 2xDoo)

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J'avais eu une enfance heureuse, protégé par l'amour que me portait ma mère, de son prénom Manava et que j'appelais évidemment affectueusement Mama. Je sortais peu de chez moi quand j'étais petit, ma mère me disant que le monde autour nétait que violence et décadence. Je ne comprenais pas ces termes à cette époque là, ma vie paisible avec elle en était bien éloigné.

Je n'avais pas connu mon père, ma mère m'avait toujours dit que j'étais le fruit de l'amour mais elle ne me parlait jamais de lui. Elle me disait juste qu'il était grand et fort comme moi mais que je deviendrai mieux que lui. Je l'imaginais en chevalier en armure protégeant les dames et les enfants des mécréants quand je jouais avec mes personnages en me racontant des histoires.

J'aimais bien aussi regarder ma mère s'habiller, se maquiller, danser, l'entendre chanter, la regarder peindre. Elle m'a donné le goût de ces activités artistiques. Quand j'ai su écrire avec l'aide de Lorda, une de ses amies, une femme énergique au regard affuté et aux mots directifs, qui gérait une école clandestine pour orpheline, je me suis mis à composer des poèmes. Au départ, avec beaucoup de maladresse, des vers hasardeux et des rimes pauvres, mais leurs yeux rayonnaient quand je les déclamais debout sur mon lit en essayant de leur donner prestance et puissance.

A cette époque là, j'adorais aussi me déguiser avec ce que j'avais sous la main. Cela pouvait être des cartons pour interpréter un robot, ou les robes de ma mère pour me faire des capes et des toges comme à l'ère Romaine que j'adorais. Il m'arrivait en cachette de lui emprunter aussi son maquillage pour donner plus de consistance à mes personnages tragiques. Quand elle l'a découvert, je ne me suis pas fait gronder, elle semblait nostalgique, cependant, elle m'avait fait promettre de ne pas sortir ainsi dans la rue.

Quand j'ai eu une douzaine d'année, je sortis pour la première fois de mon cocon chaleureux avec elle. Mama avait besoin de moi et mes bras déjà solides pour transporter en brouette une cargaison de vêtements du port vers sa boutique. Ses bras à elle commençait à fatiguer malgré sa grande taille. Elle gèrait la seule enseigne de la ville qui proposait des tenues décontractées et très colorées, très prisé par les hauts dignitaires et les artistes. La plupart des autres vendaient des uniformes, des ensembles pratiques et fonctionnels pour le travail, et même certains pour le combat avec des ceintures de hanche, de cuisse ou de bras, pour y mettre des couteaux. J'en trouvais certains jolis mais je préfèrais largement les collections de ma mère.

Un soir, alors que Mama était allongée dans son lit et me racontait des histoires comme à son habitude, elle s'arrêta brusquement de lire. Elle referma le livre et me regarda avec un air triste qu'elle m'avait rarement montré durant toute mon enfance.Je sentais que Mama était faible, même soulevé le livre paraissait être pour elle devenu compliqué. Elle m'ouvrit les bras et m'invita dans les siens après m'avoir embrassé le front.

C'est alors qu'elle m'avoua ce qu'elle n'avait osé faire jusque là, elle sentait sa fin venir et ne pouvait pas emmener son secret avec elle. Je devais savoir me disait-elle. Mais je ne voulais pas qu'elle parte, je pris conscience de cette possibilité à cet instant là, et nous nous mîmes à pleurer l'un contre l'autre. Elle m'avoua donc qu'elle m'avait menti pour me protéger.

Je n'étais pas le fruit de l'amour, cette phrase me fit un choc. Un homme très imposant physiquement comme moi, avait abusé d'elle dans sa boutique et l'avait mis à sac sous prétexte que ce qu'elle vendait était pour les gens mous et faibles. Cet homme se revendiqua du gang des "Taureaux rouges" mais elle ne connaissait pas son nom et ne l'avait jamais revu. C'était à cette période qu'elle avait rencontré Lorda qui la protégeait du mieux qu'elle pouvait. Mama m'expliqua qu'elle avait caché sa grossesse et que c'était pour cela que je ne sortais pas de la maison. Elle avait réouvert sa boutique avec le soutien de Lorda et de quelques hauts dignitaires quand j'eus deux ans.

Ces révèlations me firent froid dans le dos mais je ne pouvais en vouloir à ma mère de m'avoir protégé. j'en voulais à ce père, ou plutôt ce géniteur violent. Quand Mama est décédé, je n'ai pû reprendre la boutique, le lieu où j'avais été créé sous la contrainte. D'autant que Lorda avait disparue, elle qui venait me voir tous les jours pour prendre de mes nouvelles.

Seul, abandonné, sans revenu, la boutique fût saisit ainsi que l'appartement. Il ne me restait dans un sac que quelques vêtements et bijoux de ma mère que j'avais réussi à conserver. J'errai dans la ville en faisant la manche, il m'arrivait de me parer pour clamer des poèmes en espèrant augmenter les dons. Cela avait fonctionné, certaines personnes revenaient régulièrement m'écouter ce qui me donnait de l'entrain. Mes textes s'affinaient, ma diction aussi, ainsi que la portée de ma voix. J'arrivais aussi à mettre de côté pour m'offrir du maquillage et des tenues chatoyantes pour me mettre en valeur, moi, le gaillard de presque deux mètres et ses cent-cinquante kilos.

Alors que j'avais pris mes habitudes de représentation dans une rue passante, j'ai aperçu dans la foule un groupe d'hommes avec des bandanas rouges sur le crâne et des vestes en cuir ornées d'un taureau clouté dans leur dos. J'eus alors des sueurs froides et des envies de vengeance que je n'avais pour l'heure encore jamais éprouvées. Je n'étais pas d'un tempérament guerrier. Ce soir là, j'avais coupé court, mexcusant auprès de mon public pour raison de malaise, pour rentrer dans ce qui me servait de chez moi afin de calmer mes nerfs.

Je resta prostré quelques jours à me nourrir de mes réserves mais je ne pouvais me résigner et me cacher éternellement. Mama avait été forte et avait réouvert sa boutique, je me devais de suivre son exemple et rester fier de qui j'étais, peu importe l'adversité.

Je décidai donc de me réarmer de mon apparat de scène, me maquillai plus que d'habitude et revêtit, pour lui rendre hommage, une robe de ma mère. J'étais fin prêt, chargé d'une mission, le coeur vaillant. Quand je revins là où j'opérais, des gens m'attendaient nombreux, cela me donna du baume au coeur. Venaient-ils tous les soirs depuis ma retraite ? Ils me donnèrent de la force pour me produire, même si je discernais quelques bandanas rouges parmi eux.

Ma prestation fût saluée de louanges et d'ovations, de longs applaudissements, des sifflements joyeux, des 'Bravo", des "Merci", des "Super", des "Encore". Je ne pouvais que m'enorgueillir et m'empourprer malgré mon teint un peu hâlé sous le maquillage.

Fier de ce succès, je rentrai le coeur léger du devoir accompli en pensant à ma Mama. C'est alors, qu'au détour d'un ruelle, trois bandanas rouges se mirent sur mon chemin. Je voulu, paniqué, faire demi-tour.Deux autres obstruaient ma fuite. J'étais pris en étau et ils s'avancèrent vers moi. Je dûs me plaquer contre un mur sous un réverbère qui clignotait.

Deux des hommes me tinrent les épaules contre le mur, deux autres en arrière étaient munis d'une barre à mine et d'une batte de baseball. Le cinquième, un homme assez petit, tatoué et chauve, qui semblait être le chef de cette horde, vint se planter devant moi avec une lame rutilante. il me la mit sous le nez en plaçant sa main sur ma bouche afin de m'empêcher de crier. Je tentai de m'en extirper pour hurler et d'un geste rapide, il me saisit la langue et la tira. Il me regarda droit dans les yeux avec cruauté et un sourire sadique aux lèvres, puis la trancha de son couteau sous les rires de ses acolytes.

La douleur fût si intense que mes jambes flageolèrent, ceux qui me tenaient les épaules intensifièrent leurs prises et ils me plaquèrent les genoux contre le mur avec leurs chaussures à crampons pour ne pas que je m'écroule. Le sang emplissait ma bouche, j'étais à deux doigt de m'étouffer. C'est à ce moment-là que j'entendis le petit chef clamer "ça c'est pour que tu arrêtes de dire des conneries".

Ma tête commençait à tourner, je sentis des mains relever ma robe et mes sous-vêtements être découpés et tombés à mes pieds. Je n'avais pas la force de me défendre malgré ma carrure plus imposante que la leur. Sous les incitations des autres "Taureaux rouges", le cheffaillon saisit ma verge à sa base avec les testicules et trancha le tout. Je m'écroulai alors, glissant le long du mur de brique.

Je me vidais de mon sang, inerte, sous les rires de ces cinq bourreaux. Je sentis qu'on me mit quelque chose de mou dans la bouche avec la phrase "ça c'est un cadeau de ton père fillette !" avant de m'évanouir quelques coups de bottes plus tard dans les côtes.

Je me suis réveillé, suite à cet évenement tragique, violent et traumatisant, dans le "Harem" de Lan Hector, le gérant d'une des arènes du quartier. Il a prit soin de moi, aidé par certaines des filles qui s'y trouvaient, pour que je me rétablisse. J'étais rester longtemps prostré dans un coin à me cogner la tête contre les murs. Ayant perdu l'usage de ma langue, je dûs chercher d'autres moyens de communiquer et comment payer ma dette envers Lan hector. Depuis, je n'ai plus jamais eu le courage de sortir de ce "Harem". C'était à mon tour de prendre soin des filles en ces lieux. C'était ma nouvelle mission.

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