Chapitre 9 – Mary
Mary voyait comme à travers les yeux d'une autre, elle ne contrôlait plus rien, même dans ses rares moments de lucidité, c’était une torture monstrueuse et elle n'avait aucun moyen de s'en soustraire. Elle ne pouvait même pas pleurer ou crier, elle était une simple spectatrice impuissante.
Elle était dans le corps d'une jolie blonde dont elle avait reconnu le visage, Kristen Williams, une habitante d'Indian Lake comme elle. Avec cette apparence séduisante, apparemment inoffensive, elle avait sauvagement assassiné ce jeune homme qui lui avait porté assistance sur l'aire d'autoroute. Mary se souvenait avec dégoût de cette mort atroce auquel elle avait assistée sans pouvoir rien y faire, sans pouvoir détourner la tête ou fermer les yeux. Mais pire encore, elle se rappelait de cette sensation quelle avait éprouvée, de ce plaisir immense plus puissant que tout ce qu'elle avait ressenti auparavant dans sa courte vie. Elle avait honte d'avoir pu ressentir un tel plaisir et elle tentait de se convaincre que ce n'était pas elle, que c'était cette chose qui avait pris possession d'elle.
Mary était maintenant à Elmsford dans les faubourgs nord de New-York. Elle avait dormi dans la rue et passée la journée à déambuler dans les rues l’œil hagard, la course du soleil entamait sa fin, bientôt le voile de la nuit s’abattrait sur la ville.
Mary chercha un endroit excentré et peu peuplé, une zone industrielle, elle se dissimula dans une ruelle proche d'une voie rapide, et elle attendit dans l'obscurité de la nuit.
Les heures passaient, Mary sentait que la faim revenait et avec elle le brutal désir de chair et de sang, bientôt il faudrait nourrir la bête qu’elle était devenue. Cet aiguillon lui parcouru l'échine et elle frissonna, elle sentit son ventre se nouer et une brûlure acide commençait à poindre tout au long de son œsophage. Ses mouvements se firent plus vifs et ses sens plus aiguisés, la chasse reprenait. Il lui faudrait rapidement une proie sans quoi la folie et la rage la submergerait.
Elle avançait maintenant avec une agilité féline et sans bruit, chacun de ses mouvements étaient précis et rapide. La pénombre envahissait chaque recoin et elle si réfugiait, progressant ainsi de proche en proche.
Une lumière l'interpella et elle s’arrêta à l’affût, c'était une station service quasiment déserte. Un bruit grave s'approcha du lieu, une lourde moto aux chromes rutilants apparue à la lumière des néons, projetant leurs pâles lueurs tremblotantes. Cette monture de métal était conduite par un personnage hirsute à la carrure impressionnante. Le motard descendit de son véhicule, il portait une veste de cuir noir clouté, un jean élimé et de vieilles santiags, il avait une longue barbe blonde tressée et des traînés noir au niveau du cou laissaient deviner un tatouage. Ses yeux étaient d'un bleu azur cristallin, il avait le nez épaté, martelé par de multiples cassures, des pommettes saillantes et il avait un crâne rasé portant des marques clairs indiquant d’anciennes cicatrices.
Mary tourna la tête aux alentours, les rues étaient désertes. Elle se coula dans les ombres autour de la station service et fit un détour pour se placer dans le dos de sa proie. L'homme était en train de remplir le réservoir de son véhicule et regardait le compteur de la pompe à carburant. Mary s'approcha à quelques pas, elle se tassa sur elle même puis d'un coup elle se détendit dans un bond. Elle fondit sur sa proie. De longues griffes effilées sortirent du bout de ses doigts avant qu'elle ne tombe sur sa cible. Elle percuta violemment le colosse blond, rata la jugulaire qu'elle visait et lui déchira le coté du visage dans un mouvement de bras. Le motard roula sur le coté en hurlant et en laissant une traînée écarlate derrière lui. Mary bondit à nouveau mais à cet instant l'homme sortit un revolver de sous sa veste. Une détonation retentit, un flash lumineux éclaira la scène, Mary fut foudroyée en plein vol, elle tomba lourdement à quelques pas de l'homme. Le motard se releva prestement le visage maculé de sang, en deux pas il s'approcha du corps de Mary et pointa à nouveau son arme en grognant quelques jurons. A cet instant la frêle femme roula sur le coté et renversa l'homme avec son corps. L'homme chuta et se retrouva aux cotés de Mary. Mary hurla de rage et décocha un nouveau coup de griffes qui toucha l’homme au torse projetant une volé de tissus et de sang. Le motard tendit la main et récupéra du bout des doigts son arme et dans un ultime effort, il tira à nouveau.
En un instant Mary sentit la bête faiblir. Poussée par la peur et par son instinct de survie Mary rejeta cette conscience infernale pour reprendre le contrôle de son corps. Elle sentit alors cette violente douleur et elle rassembla ses forces pour se relever et courir vers l'obscurité de la nuit. Elle laissait derrière elle une traînée de sang, elle entendit une nouvelle détonation et le sifflement d'une balle la ratant de peu.
Mary s’enfonça dans la nuit protectrice et s'enfuit éperdue à la recherche d'un abri.
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