Seth I (1/2)
— Hey, machin, ça va être ton tour.
Seth ouvrit les yeux et tourna la tête en direction de l'homme. C'était le garde de sa cellule. Il ne releva pas l'interjection, jusqu'à ce que ce dernier poursuive.
— Ouais, toi là-bas, le jeune avec la tête de rat qu'on a chopé hier soir.
Pas de doute, on le désignait. Le mercenaire se leva, incapable de bien s'étirer avec les cordes qui lui nouaient les poignets. Sa tunique était déchirée et il avait un mal de crâne lancinant. Il avait descendu pas mal de bouteilles la veille. Ses cheveux d'ébène restaient collés sur son front en sueur.
— Plaît-il ? lança-t-il au garde, feignant l'ignorance.
— T'as de la chance, c'est jour de pendaison. Et t'es sur la liste.
Seth fit semblant d'être aux anges et lui offrit un sourire.
— Quelle honneur ! Je n'en demandais pas tant.
— Ouais, ouais, je ferais pas trop le malin avec la corde au cou, si j'étais toi, cracha le geôlier. Allez, bouge.
Le garde ouvrit la porte et laissa sortir Seth, non sans bousculer ce dernier pour qu'il accélère. Il lui asséna un coup de pied dans le dos en pestant.
— Tu crois que ma vie se résume à des exécutions ? J'ai du travail qui m'attend, alors tu vas aller à l'échafaud au galop.
Sentant le bout de la lance du milicien sur sa colonne vertébrale, Seth pressa le pas. Il passa devant de nombreuses cellules, pour la plupart occupées. Un long couloir les séparait de la sortie, et la lumière extérieure éblouit le mercenaire qui prit quelques secondes pour s'acclimater, malgré les coups du garde. Ce dernier avait salué ses collègues durant toute la marche.
Devant eux se tenait une estrade sur laquelle avait été mise en place une barre, assez haute pour permettre de pendre aisément les criminels. C'était la peine de mort la plus courante dans le royaume, avec la décapitation, et le peuple adorait cela. Seth un peu moins, maintenant qu'il figurait sur la liste des futures victimes.
Il s'avança et gravit lentement les marches, le milicien sur ses talons. De nombreux corps fraîchement pendus se balançaient déjà, et une corde vide attendait son cou. D'autres soldats étaient postés sur et autour de l'estrade, ainsi que l'intendant du roi.
Ce dernier déroula un parchemin, se racla la gorge et annonça :
— Au nom du roi ! Je condamne le détenu, ici présent, à la pendaison pour l'assassinat du duc de Mainville. Que sa sentence serve de leçon aux autres voyous de son espèce.
Seth eut un sourire. Comme d'habitude, il n'avait rien à faire dans cette histoire, mais il s'était retrouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. En revenant d'un bordel, la veille, le jeune homme avait vu un groupe de paysans s'enfuir dans une impasse, et les forces de l'ordre l'avaient capturé.
Complètement ivre, le mercenaire n'avait pu expliquer sa présence ici, et la milice l'avait jeté dans les cachots du duc. Faute de preuves, on l'accusait du meurtre. Ni le patron de l'établissement qu'il avait fréquenté, ni la prostituée à qui il avait offert une coquette somme pour la nuit ne s'étaient manifestés pour le défendre.
L'un des miliciens verrouilla la corde autour du cou du jeune homme, qui déglutit avec difficulté, prenant conscience de sa situation. Il avait le teint livide. Face à lui, de nombreux habitants de la ville étaient venus profiter du spectacle. Le bourreau, sur la gauche du mercenaire, s'approcha du levier, prêt à l'actionner. Il attendait le signe de l'intendant qui se planta face au jeune homme.
— Prisonnier, une dernière faveur ?
Seth réfléchit. Il n'avait pas grand chose à dire. Il se permit une petite folie.
— Puis-je voir les jupons de la reine ?
L'intendant eut un sourire et fit signe au bourreau. Ce dernier actionna le levier et la trappe sous les pieds du mercenaire s'ouvrit.
[...]
Annotations
Versions