Même après la reprise des cours, elles restèrent à discuter ensemble.

Il ne fallut pas longtemps pour que ces deux âmes solitaires deviennent amies.

Un après-midi, après une longue journée, elles se rejoignirent à la bibliothèque. Elles avaient reçu un devoir de la part de leur professeur de chimie et voulaient le commencer au plus tôt.

Elles s'installèrent sur une table assez éloignée de l'entrée pour ne pas être dérangées.

-Alors on choisit quoi comme sujet, lui lança Morgane.

-Qu’est ce que nous a demandé Mr Gramme déjà ?

-De faire un exposé de cinq minutes sur un des éléments du tableau périodique, se souvint Morgane. Donc on a deux possibilités.

-Qui sont ?

-Soit on choisit la facilité avec un élément connu, soit on tente la difficulté en prenant un truc peu réputé. Et je dois dire que je me sens aventurière sur ce projet, finit elle avec un grand sourire.

Nora se mit à rigoler bruyamment et la bibliothécaire toussa nerveusement pour la rappeler à l'ordre.

-Oups......pardon.

L'instant était agréable et, pour la première fois depuis longtemps, trop longtemps, Nora était heureuse. Mais, très vite, elle fut rattrapée par l’horrible réalité. L'effet de la mixture qui la rendait normale commençait à s'estomper. Elle sentait son visage se craqueler et pourrir plus vite que d'habitude. Et cette maudite faim. Cette faim insupportable qui revenait et lui ordonnait de dévorer tout le monde présent à ses côtés.

Elle ne pouvait pas rester ici. Morgane, sa seule amie dans cette foutue école, dans cette foutue ville, ne devait surtout pas la voir dans cet état. Elle prit mon sac et sortit dehors en courant.

Elle courait aussi vite que son état pouvait lui permettre, bousculant plusieurs élèves au passage, à la recherche désespérée d'un endroit où se cacher. A plusieurs reprises elle cru voir des lambeaux de peaux tomber de son visage. Ses mouvements commençaient à se ralentir lorsqu'elle aperçut les toilettes. Elle s'engouffra à l'intérieur et sortit la bouteille de mixture de son sac. Elle allait pour ingurgiter sa dose lorsqu'elle se vit dans la glace. Son teint était devenu livide, d’une pâleur à faire peur, ses yeux étaient injectés de sang, ses cheveux se teintaient d’un blanc de porcelaine et des bouts de peaux manqués sur son visage, laissant apparaître des parties de muscles. Cette vision la dégoûtait. Elle devait se faire une raison, dans son état, elle ne pouvait pas espérer avoir des amis. Comment un monstre pareille pouvait espérer connaître le bonheur. Elle s'apprêtait à stopper son horrible transformation, comme toutes les quatre heures, lorsque la porte des toilettes s'ouvrit violemment.

-Nora, tu as oublié ton........

Morgane venait de pénétrait dans les toilettes.

-Qu'est ce qui t'arrive, lui dit-elle en regardant son visage.

À cet instant, Nora ne savait plus quoi faire. Maintenant qu’elle l'avait vu dans cet état, elle allait la considérait comme un monstre. Sa famille et elle allaient encore devoir déménager et toutes leurs galères recommenceraient.

Mais après tout, comment pouvait elle ne pas paniquer, Nora était bel et bien un monstre. Elle ne pourrait jamais lui en vouloir. Nora était une zombie et elle ne pourrait jamais y faire autrement. Il n’y avait pas de remède, pas de solution.

Et pourtant. Il y avait bien une solution et Nora la connaissait très bien. Elle pouvait sentir la faim lui tiraillait les entrailles, cette odieuse envie de chair humaine. Et là, apparue comme par enchantement, elle avait de la chair fraîche à sa disposition.

Tout à coup un phénomène nouveau se produisit en elle. Les sons alentours s'évanouirent dans le silence. Les couleurs s'obscurcirent et virèrent au rouge sang. Son esprit s'embruma et rapidement elle ne considérait plus Morgane comme son amie, ni même comme un être humain mais comme un simple bout de viande qui pouvait la sustentée. Elle s'approcha lentement, avant de se jeter sur elle et de la bloquer contre la porte. Sa peau sentait bon mais ce n'était pas son parfum, c'était sa chair que Nora sentait, comme lorsqu'on renifle le fumé d'un délicat morceau de viande. Elle sentait bien que Morgane tentait de se débattre mais, dans cette état de zombie, sa force était décuplée. Nora se sentait invincible. Elle ouvrit la bouche, les dents en avant, prête à prendre une bouchée de sa nouvelle amie. Sa volonté s’était évanouie, en même temps que sa faculté de raisonner. Elle n’avait plus qu’une pensée en tête: MANGER !