Amnésique.

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Lumière. Blanc. Je cligne des paupières. Il y a des bips partout. Où suis-je ? Drap blanc, longue chemise verte. Instant de lucidité et je me pose une seconde question ; qui suis-je ? Je m'agite, j'ai soif. Je veux me redresser mais j'ai l'impression d'être trop faible. Je m'observe ; des cheveux roux tombent sur ma poitrine et je porte une culotte blanche. Une femme donc. Ou une fille, j'ignore mon âge. Est-ce que tous ces mots ont réelement un sens ? Ils viennent naturellement mais je ne sais pas les utiliser. La pièce est petite, remplie de machines d'un lit et de moi, il n'y a personne à mon chevet. Je pose mes doigts à l'entrée de la perfusion. Dans ma tête, un souvenir enfoui fait résonner une plainte sourde. Des images d'aiguilles et de vaccins défilent. OK, je ne vais pas retirer ça de mon bras, trop peur d'avoir mal.

Soudain, le mur s'ouvre et je sursaute. Quoi ? Ah non, c'était une porte... Une dame rousse entre et relève la tête. Lorsque ses yeux se posent sur moi, elle jette un... bouquet et se précipite vers le lit. La femme me prends dans ses bras, me caresse les cheveux et ne cesse de m'embrasser sur les joues. Je ne la connais pas. De ma famille ? De mes ami(e)s ? Une collègue peut être... Absurde il se peut que j'étudie encore ? La personne entoure mon visage de ses mains. Je n'ai pas bougé, inerte. Je vois ses lèvres bouger. Il me faut du temps pour assimiler ses paroles :

— Ma douce, ma puce, ma chérie... Oh tu m'as manqué !

Puis, remarquant mon air hébété, elle recule puis demande, inquiète :

— Tu te souviens de moi ? Je t'en prie, dis moi que tu te souviens de moi...

J'ouvre la bouche, m'humecte les lèvres. Je la referme et réessaye. Rien, pas un son. La dame sort de son sac un carnet et un crayon. Mue par un sentiment instinctif, je trace trois signes à l'encre noire. Je n'ai aucune idée de ce qui est écrit mais je sais que c'est ce que je devais répondre. C'était tellement automatique. Je cligne des yeux et les traits deviennent lisibles : "Non". Je fronce les sourcils. Non ? Non. Non ! Non... Visiblement, ça n'a pas l'air de plaire à la femme, qui explose en sanglots et s'enfuit dans le couloir. Je ferme les paupières, exagérément, fronçant les sourcils et réhaussant mes paumettes. Je suis encore seule dans la chambre. "Chambre" ? D'où je sors ça ? Je pensais que c'était une pièce... Vestige d'une vie passée, une image flotte dans mon esprit ; tapisserie bleu-ciel, posters, bureau rangé, table de chevet, photos accrochées à un fil, armoire, lit...

Là où je suis, il n'y a que le lit en commun. Je déchiffre les lettres de la porte restée ouverte ; "Salle Coma n°5". Pièce, chambre, salle. N'y a t'il pas de mot précis ? Humm, "coma", je ne connais pas ce terme. Un homme en blouse blanche soutient la rousse qui pleure. Il tente de la calmer et lui explique quelque chose. Je tends l'oreille ;

— Madame, une amnésie totale ou partielle est très fréquente à la sortie du coma. Surtout quand celui-ci est dû à un choc plus ou moins violent. Elle vient visiblement de se réveiller, laissez lui du temps. Peut-être que la vue de Monsieur, à qui elle tenait plus, à ce que vous m'avez dit, lui rendra sa mémoire.

Elle aquiesce doucement de la tête. Moi qui m'attendais à voir un vieil homme entrer, c'est en fait un jeune garçon.

— Hey, salut Anna !

Anna... Je savoure ce nom, mon nom. C'est joli. Je me racle la gorge.

— Heuu.

Je tente. Oui ! Je parle ! Je reprend :

— Salut...

Etrangement, je suis gênée. Je ne sais pas comment il s'appelle. Il s'assoit et me prend la main. D'un reflexe, je la retire. Surprise par mon propre geste, je la lui redonne. Il me sourit, gentiment. Il attend sans doute que je me souvienne. Mais de quoi ? Je ne sais pas qui il est : un frère, un amoureux ?

Je replace une mèche derrière mon oreille. Je n'arrives pas à le regarder en face, dans les yeux. Mon coeur bat fort, et le silence me paraît très long. J'aimerai ne pas m'être réveillée... C'est si compliqué. Pour eux la vie a continué mais moi je suis perdue, il va falloir tout recommencer. Réaprendre les mots, les habitudes de la vie, connaitre et reconnaitre les gens. C'est si dur d'accéder à ma mémoire. Pourquoi je ne me souviens pas ? Pourquoi ne me parle t'il pas ? N'a t'il pas des choses à me raconter, qui puisse me faire revenir à la réalité ? Des larmes dévalent mes joues. Un torrent, comme la pluie. Quelle pluie ? Je pose mes mains sur mon visage. C'est affreux de ne pas savoir à quoi on ressemble, ne pas savoir la couleur de ses propres yeux, ne pas savoir certains détails comme une cicatrice, des taches de rousseur, des grain de beauté... Et ce garçon qui ne dit rien, il me frotte le bras, ça ne m'aide pas. Je ne me connais pas, je ne le connais pas, pas plus que la dame dehors. Décidement, je n'aurais pas voulu ouvrir les paupières, j'étais très bien allongée dans ce lit.

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