Avarice IV
- Comment s’est passée ta soirée, ma chérie ? Un peu de café ?
Angélique regardait le café fumant s’écouler dans sa tasse. Comme tous les vendredis matins, elle prenait le petit déjeuner avec sa mère. Son entrevue avec Charles l’avait amusée, la seconde partie de soirée encore plus. Elle se contenta d’éluder la question :
- Ca s’est bien passé, je te remercie. Charles m’a invitée à ce restaurant chic qui vient d’ouvrir à deux rues d’ici. Le homard était savoureux, mais j’ai trouvé le caviar plutôt fade. Et le champagne… Disons qu’il était correct.
- Il te l'a offert, j’espère.
- Bien entendu, c’est un gentleman. Il a une bonne éducation. Tu l’aimerais beaucoup, d’ailleurs, vous avez beaucoup de points communs.
- Je suis heureuse que tu me fasses son éloge. Nous recevons ses parents à dîner demain soir, nous n’aurons qu’à le convier lui aussi.
- Parfait, ironisa Angélique.
Elle se focalisa sur son assiette, se remémorant la soirée avec ledit Charles, ainsi que sa frustration et sa colère quand il sut qu’il n’aurait rien d’autre que sa bouche pour se soulager. Et voilà qu’elle le retrouverait demain soir. elle n’aura qu’à jouer à la pure, innocente et candide Angélique, la petite fille chérie de ses parents qui n’a rien à se reprocher. Après tout, ce n’est que le problème de Charles s’il a du mal à contenir ses ardeurs, il n’a pas fait voeu de chasteté, lui !
Le lendemain, le dîner entre les deux familles se passa comme un charme. Chacun était tiré à quatre épingles, faisant honneur à sa famille et à ses valeurs. Angélique n'aimait pas ces soirées traditionnelles et superficielles, où tout n'était que cirage de pompes et léchage de cul, quoiqu’elle ne refuserait pas le second. Tout le monde était mielleux et ne tarissait pas d'éloges sur le couple que formerait Angélique et Charles.
- Vous êtes si bien assortis !
- Vous semblez vous compléter à merveille !
- Vos enfants seraient magnifiques !
- Ne seraient-ils pas beaux ensembles, nos deux tourtereaux ?
Angélique les tempéra avec tout le respect qu'elle devait à ses paternels.
- Je vous en prie, nous nous connaissons à peine, nous n’avons dîné ensemble que deux fois. Laissez-nous nous découvrir un peu.
- Oui, il est vrai que nous avons encore besoin de nous découvrir davantage, n’est-ce pas ? Qu’on connaisse mieux l’autre, et surtout ses envies, je pense qu’il est très important de savoir ce dont l’autre a envie. Qu’en penses-tu, Angélique ? questionna Charles.
- Il est bon de savoir ce dont l’autre a envie, ça permet de tisser des liens, de créer des projets communs. Mais je pense surtout qu’il faut faire avec les valeurs de l’autre, on ne peut pas aller à l’encontre de cela. A plus forte raison lorsqu’il s’agit de valeurs familiales.
Elle but une longue lampée de vin. Son père leva son verre :
- À ma fille. Ma plus grande fierté. Celui qui saura gagner ton coeur aura vraiment cueilli la plus belle des perles !
Et chacun porta son verre à ses lèvres.
Plus tard, après le repas, Charles prit Angélique en aparté :
- J’espère que j’ai été assez clair. Concernant mes envies.
- On ne peut plus clair. Et j’espère l’avoir été aussi.
- Sur tes valeurs ? Tu crois vraiment en ces choses là ?
- Je pense que je me suis assez accrochée à ces valeurs depuis toujours pour ne pas abandonner maintenant. Celui qui me veut devra me mériter. J’aime les coureurs de fond, pas les sprinteurs. Si un homme est capable de tenir sa queue en laisse, alors j’accepterais de jouer avec lui. Mais je n’irai pas me donner au premier venu qui passera à autre chose dès que la première pouffiasse pointera le bout de ses miches.
La mère de Charles arriva comme une furie, un grand sourire malicieux aux lèvres :
- Alors, mes petits chéris, on fait des cachoteries dans un coin ?
- Je proposais à Angélique de se joindre à nous pour notre rencontre de polo de demain. L’occasion de lui montrer certaines des valeurs de notre famille, ajouta-t-il comme pour se jouer d’elle.
- Mais c’est une merveilleuse idée, chanta-t-elle. Ma chère, vous serez aux premières loges pour admirer notre Charles sur son destrier.
La matronne partit, laissant les deux jeunes gens à leurs confidences.
- Du polo ? Sérieusement ?
- Tu parles de s’investir, alors je m’investis.
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