- Tu as commis une grave faute, Éléanore. Pour cela tu devra endurer des conséquences bien pires que les faiblesses que tu n'oses t'avouer. En t'acceptant telle que tu es, ton réel potentiel et l'essance de ta force auraient pu être révélés. Malheureusement, tu as choisi la voie de la dérision et pour te punir de ton arrogance, je vais exaucer ton souhait.

Le loup déplaça alors son immense patte sur le visage de la lapine qui retint son souffle, paralysée. Lentement, il appuya plus fort jusqu'à ce que ses griffes pénètrent la peau fragile du petit animal et d'un coup sec, il lui lacéra l'oeil. Une vague de douleur insupportable frappa Éléanore de plein fouet. L'Esprit sous sa forme de loup, l'avait libérée de son emprise pour qu'elle puisse se tordre de douleur à sa convenance. Elle ne chercha même pas à s'enfuir, une seule chose occupait ses pensées : faire arrêter cette souffrance. Elle essayait tant bien que mal de porter ses minuscules pattes à son oeil sanguinolant, mais rien y fit, tout ce qu'elle pouvait faire était de le garder fermer jusqu'à ce que la douleur fut plus supportable.

La lapine se recroquevilla sur elle-même en tremblant, Éléanore n'osait essayer de répondre à l'Esprit de peur de subir d'autres représailles. Elle était complètement anéantie à présent. Jamais personne en plus de cent ans n'avait été couvert d'un pareil déshonneur et elle était forcée d'admettre maintenant, qu'elle était seule artisante de ses peines. Elle ne songeait qu'à s'appitoyer sur son sort, mais la voix du loup l'arracha à ses noires pensées.

- Ouvre ton oeil ! Cesse de trembler, reprends le contrôle de ta personne et fait-moi face !

Ces paroles sonnaient comme des coups de tonnere à ses oreilles et la frappaient en plein coeur comme de la foudre. Éléanore refoula sa peur à grande peine et se tourna vers le loup. Elle tremblait toujours, mais arrivait à tenir en place. Les minutes passant, la douleur qui irradiait de son oeil droit diminua et elle se risqua enfin à l'ouvrir. À sa grande surprise, elle n'avait pas perdu la vue. Quelque peu soulagée, les tremblements de son corps diminuèrent et ce n'est qu'au moment où elle put regarder l'Esprit dans les yeux que celui-ci lui adressa la parole sur un ton plus doux, mais tout aussi ferme.

- Écoute-moi maintenant jusqu'à la fin. En te sauvant devant-moi, c'est de toi-même que tu t'es enfuie et tu t'es ainsi déshonorée tout en me manquant de respect. Ton oeil est à présent écarlate, tout comme cette lune insolite qui éclaire notre nuit. Le rouge est une couleur puissante et peut symboliser plusieurs choses, tel la rage, la violence, l'amour et la passion. Avec cette couleur, je t'octroie aussi un grand pouvoir. Quiconque regardera à travers cet oeil qui est maintenant le tiens se verra plongé dans une profonde torpeur et obéira à tout ce que tu lui dira par la parole ou la pensée.

L'Esprit marqua une courte pause observant la réaction d'Éléanore, sous le choc.

- Est-ce que cela te conviens jusqu'à maintenant ? Es-tu satisfaite de la modification de ton sort ? reprit-il. L'énorme loup la fixa alors droit dans les yeux, attendant une réponse. Au bout d'un court moment d'hésitation, Éléanore répondit mentalement d'une toute petite voix ''oui''. Alors l'Esprit poursuivit :

- Voici maintenant l'envers de la médaille. À l'aube demain matin, tu n'auras plus aucune marque au visage et ton oeil droit retrouvera son apparence normal. Tu ne pourra jamais bénéficier du pouvoir que je t'ai donné à ta guise et tu ne l'auras que lorsque je t'appellerai. Lorsque cela arrivera, tu devra accomplir une tâche pour moi et une fois cela fait, ton pouvoir disparaîtra aussitôt. À présent va et retourne vers ton peuple.

Éléanore inclina la tête devant l'Esprit, puis disparu à nouveau dans les buissons. Elle s'était à présent calmée, mais un milier de questions tournaient dans sa tête. Une fois de retour chez-elle, elle tenterait de comprendre la signification des évènements qu'elle venait de vivre, mais c'était pour un long et pénible combat que la jeune femme allait s'engager...