Dans la peau de l'autre

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Les cinq vodkas-RedBull, c’était clairement une de trop ! Quinze minutes que j’astique, et je commence à me dire qu’il n’en sortira rien quand, soudain…

— Oh ! Ça marche vraiment, alors ? ai-je glapi en voyant la fumée s’échapper de la lampe, pour prendre la forme de ce mec à l’apparence familière.

— Aaaoooaaah ! a-t-il bâillé, en s’étirant. Et ouais, sauf qu’on dit ça fonctionne, en français correct. إنها تعمل en arabe, mais tu ne dois pas le savoir. C’est quoi, ton prénom ?

— Moi, c’est Jérémie… 'iinaha taemal ? C’est joli.

— Tu l’es aussi dans ton genre, mais je déconne, fais pas attention, je dis juste ça parce que je suis enfermé dans cette foutue lampe depuis des décennies, alors à ce stade, même une chèvre... Puis, de toute façon, à mon niveau de consistance plutôt éthéré…

Avant que je puisse dire que Will Smith, même en bleu, perso, miam-miam, quoi… il est redevenu trèèès pro. Enfin, quoi que ça veuille dire pour un djinn, je ne connais pas les prérequis de la profession.

— Malgré ce qu’a raconté Shéhérazade, contractuellement, il n’y a qu’un vœu, pas trois, faut pas pousser, non plus ! Puis je ne peux pas te faire remonter le temps, ni ressusciter ton hamster. Par contre, au taux de change riyal-euro actuel, je peux te filer… euh… deux cent soixante-trois milles boules et des poussières.

— Bof, non, juste Gianfranco… ai-je murmuré, rêveur.

— Tu veux changer de prénom ? Adresse-toi à l’état civil de ta commune pour ça, je suis un djinn de niveau deux, c’est un peu en-dessous de mes capacités, ça !

— Non, il est mon meilleur, je suis croc de lui depuis… genre, toujours, mais il est cent pourcent straight.

— Wowowow ! Je comprends rien à vos codes modernes, il est quoi ?

— Oh ! Oui, désolé, Monsieur le Djinn, je veux dire que je suis amoureux de lui, mais il kiffe les filles, voilà.

— Eh merde ! Je t’ai pas dit, mais je peux pas non plus forcer les sentiments des gens, les sortilèges et les philtres, ce sont des gros délires de vos poètes de l’amour courtois, tu vois ?

— Ben ouais, c’est mort, pas grave, c’est juste un petit fantasme…

— À moins que… Attends, je pense tout haut, là… Il y a bien un codicille… Bon, le truc, c’est que t’imagines pas le nombre de mecs qui en veulent une longue et grosse, ou des muscles, tellement que ça a commencé à gaver mon boss, le Grand Architecte de l’Univers ! Après, il y a de la demande, on doit bien assurer le minimum à la clientèle, donc on peut juste accorder un leasing, mais temporaire, douze heures max. Et t’es bien un peu en déficit musculaire, puis plus bas… on pourrait ajouter facile quelques centimètres…

— T’es con ou t’es con, me suis-je énervé, en oubliant le vouvoiement respectueux. En quoi me rendre plus viril pourrait-il m’aider auprès du roi des machos ?

— Cool, mec ! Là, je t’explique juste le principe général, après, les adaptations sont infinies, je te mets un schlong de chameau ou une jolie petite paire de lolos jusqu’à demain, mais j’ai ma petite idée sur ce que…

Pouf !

J’étais trop occupé à tripoter mes nouveaux seins temporaires, je n’ai pas vu que le génie était retourné dans sa lampe, ni vraiment remarqué les pas qui approchaient. Gianfranco est entré dans sa chambre en boxer.

— Oh ! La fiesta est terminée, qui es-tu, avec qui est-tu venue ?

— Ben, Jé… euh… Juliette ! Et je ne suis venu…eee avec personne, mais… peut-être… pour toi, ai-je minaudé.

— Alors, tu serais mon plus beau cadeau d’anniversaire, cette année.

— C’est aussi un jour spécial pour moi, tu pourrais bien être le mien, ai-je ajouté pour l’appâter…

Bien inutilement, pour avoir observé le Casanova en action, je me souvenais trop bien que des filles, mais des vraies, là, l’avaient persuadé de les suivre au premier étage, dans une voiture, ou derrière un buisson, avec moins que ça.

Ceci dit, si ce jour était sa fête, cette nuit devrait être la mienne ! J’ai calmé ses ardeurs d’un baiser sur ses lèvres, que j’ai reproduit sur son cou puis son torse, avant de poser le nez sur la bordure élastique de son sous-vêtement, que j’ai tiré sur ses chevilles.

Je te l’avais dit, que les mecs font mieux ça, ai-je pensé en lui appliquant la caresse de ma bouche, alors que, couché sur le matelas, il ronronnait doucement.

J’ai lentement remonté son corps à quatre pattes, jusqu’à son visage, et son sourire entre satisfait et un peu idiot, d’où se sont échappés les mots que je n’aurais jamais rêvé d’entendre, ‘’J’ai envie de toi, bébé’’.

Hey ! Mais les filles, la première fois, ça fait mal, me suis-je dit, avant de me raisonner. Après, depuis le temps que j’en rêve, ce ne serait pas cher payé ! Sauf que… Oh, ça rentre, pas de résistance… Mon djinn lubrique a décidément bien fait les choses…

Je commençais à réaliser que le plaisir est différent, et qu’il monte plus lentement, lorsque mon meilleur a grogné, et que son corps s’est tendu.

Déjà ? Nooon ! Bon, après, la nuit était encore longue, je me suis promis de rééditer l’exploit avant le chant du coq, et que je doive quitter le palais en m’encourant, comme Cendrillon !

Mais aussi, les promesses qu’on se fait en fin de soirées un peu trop arrosées, hein…

(…)

— Froid, ai-je grogné, en tentant d’agripper le bord du duvet, tout d’un coup hors de portée. Pas normal, ça.

— Wakey-wakey, sleeping beauty, ai-je entendu, très proche, autant que le visage de mon fidèle, lorsque j’ai ouvert les yeux.

— Oooh ! Gian, tu es toujours là, me suis-je entendu babiller un peu bêtement.

— Euuuh… Je suis… de nouveau là. On t’a calé dans mon lit hier soir, Aurélie et moi, puis on a dormi sur le canapé, assez mal, d’ailleurs, merci-pas-merci, hein.

— Oh ! Vraiment ?

— Tu ne te souviens de rien de mon anniversaire, si ? Pas bizarre, je ne t’ai jamais vu aussi bourré… Ni même bourré tout court, en fait. C’est pas ça, t’étais plutôt marrant, sauf que tu nous a tannés pour qu’on se visionne Aladin…

— Ah ?

— Bon, le film est cool, même si tu spoilais les meilleurs répliques, mais ton mec n’est pas trop fan, ou alors, il n’imaginait pas sa nuit ainsi, il est parti avant la fin.

— Hmmm… je me ferai pardonner. Désolé pour les soucis…

— Bah, non. On a juste un peu lutté pour virer tes Converses, sinon on devait te laisser ton slim sur les chevilles, mais sinon… Par contre, le samovar, tu l’astiquais comme Aladin le faisait de sa lampe, on n’a jamais pu te l’arracher des mains ! Euh… je peux le récupérer ? C’est un souvenir de famille.

— Oh, ben oui, désolé, je ne sais pas ce que j’avais en tête…

— C’est rien, je te dis ! Rejoins-nous en bas, Aurélie a préparé des crêpes.

Sans parler de la proposition vraiment trop rare de partager le petit déj’, c’est pas la première fois que le matin crève la bulle de mon conte de fée, me laissant juste le souvenir, mais celui-ci, même si ce n’était qu’un rêve, il me restera tout la vie.

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