Quand vient l’heure de passer à table, je bafoue une excuse auprès des parents d’Alexandre. Je leur dis que je n’ai pas faim et que j’ai besoin de courir. Je me suis changée, j’ai jeté très loin ma jupe. Je ne veux plus la mettre. Trop de mauvais souvenirs y sont accrochés désormais.

Alors même qu’il y a de la neige, j’emprunte un short à Agnès, la sœur d’Alexandre et un T shirt. Je prends mes baskets et je sors. Loin de cette maison, loin de cette chambre. Je n’ai pas envie de rentrer, et pourtant je dois dormir là. Demain, à la première heure je demanderais qu’on me reconduise. Ensuite, je ne veux plus le voir pendant un bon moment afin de me calmer et de méditer sur ce qu’il venait de se dérouler. J’avais conscience que c’était grave mais je me questionnais quant à la normalité de mes envies. Après tout, peut être que ça n’était pas lui le problème mais moi.

Alors, je cours, cours, cours. C’est un moyen peu commun de tout oublier. Je me sens mal, et quand j’arrive à la lisière de la forêt, je commence à vomir pour ne plus m’arrêter. J’ai l’impression de vomir toutes mes tripes, pas seulement parce que je suis malade, mais aussi parce que ce qu’a fait Alexandre me dégoute au plus haut point.

Je reviens chez lui plus de deux heures plus tard. La nuit a complètement fait surface, il fait tout noir. Je rentre trempée de la tête aux pieds. J’ai passé une bonne partie de ce temps allongée dans la neige tel un cadavre car au fond de mon cœur, je me sentais ainsi. J’ai froid, mais je ne le sens pas vraiment. Je sens surtout l’atroce douleur entre mes jambes, et au bas de mon ventre. C’est bizarre, j’ai du mal à les resserrer, comme si un étau bloquait la partie supérieure de mes jambes.

Ce n’est pas Alexandre qui m’ouvre la porte, mais sa mère. Elle me regarde d’un air peu commun. Je ne sais pas si elle a envie de rire ou de pleurer en me voyant. Un mélange des deux peut être.

-Je ne me sens pas très bien, je murmure.

Elle le voit bien. Elle me fait assoir sur une chaise et m’enlève mes chaussures et mes chaussettes, comme si j’étais un bébé. Elle me tend une serviette pour que je puisse me sécher. Je suis complètement trempée de la tête aux pieds. Après un petit moment elle me demande si ça va. Je lui dis que oui, tout baigne. Elle me propose de prendre un bain. J’accepte forcément. Je me sens sale.