Partout le monde se fissurait
Partout le monde se fissurait.
Cela a commencé une nuit dans le lourd sommeil des hommes. Comme un bruit d’orage, un roulement continu, le fracas d’un torrent sur l’étrave du rocher. De longues déflagrations qui faisaient leurs coups de gong jusqu’au centre bouillonnant de la lave. Parfois des hululements, des feulements pareils au supplice d’animaux entourés de feu dans les herbes jaunes de la savane. Dans les hautes maisons de ciment gris, dans les coursives des couloirs, dans les caves feutrées, le long du zinc gris des mansardes, sur les spires moquettées de rouge des escaliers, partout le monde se fissurait. Longues lézardes imprimant leur furie dans la matière torturée.
Une invisible Conscience.
C’était comme si une invisible Conscience s’était levée quelque part à l’horizon des hommes pour les ramener à la raison. Mais d’abord, il fallait le coup de semonce, la vigoureuse houle qui emportait avec elle la vanité, garrotait l’égoïsme, scindait la fierté, ligaturait la démesure, la folie expansive de ce peuple qui semblait privé de boussole et de sextant, livré aux gémonies d’une marche de guingois dans les ornières étroites d’une incompréhension généralisée. Oui, car errer de la sorte ne pouvait conduire qu’à l’éclatement, à l’éviscération, à la diaspora, membres épars sur l’ensemble de la termitière qui gisaient, maintenant, parmi les gravats et les éboulis de toutes sortes.
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