Chapitre 1 - L'alerte
Le ciel est sombre, il a plu toute la journée, de ces pluies glaciales d’un hiver qui n’en finit pas.
Qu’est devenue ma vie ?
Comme si cela pouvait exorciser cette terreur tapie au fond de moi, prête à surgir à la première occasion, n’importe où, n’importe quand.
Elle est là, me narguant, tout comme l’Autre le faisait avant.
La lampe de bureau projette ses ombres autour de moi, d’habitude cela m’apaise mais pas ce soir.
Un frisson d’angoisse me parcourt toute entière, aussi soudain que brutal. Je suffoque, surprise d’en être atteinte ici.
Je respire profondément.
Inspire - bloque - expire.
Inspire - bloque -expire; doucement, prendre le temps surtout !
Me concentrer sur ma respiration.
Cet exercice met un temps fou à me faire reprendre le contrôle de mes pensées, juste assez pour me décider à vérifier que je suis hors de danger.
Porte d’entrée : verrouillée.
Fenêtre : close, volets fermés.
Reste mon issue de secours, connue de moi seule, du moins je le crois puisque la propriétaire ne l’a pas mentionnée lors de la visite.
Là aussi, rien d’anormal.
Alors pourquoi ai-je la sensation d’être épiée ?
Je ruse chaque jour, chaque minute depuis ma dernière échappée : changement de nom, de région et enfin en coupant mes cheveux dont j'étais si fière, je suis devenue réellement étrangère à moi-même du moins en apparence. Déstabilisant, certes, néanmoins objectif atteint.
L’expérience de mes lamentables tentatives précédentes m’a enseignée à réagir vite et voyager léger.
Pourtant j’étais sûre d’avoir réussi cette fois.
Tremblante, je scrute à nouveau mon terrier, il n’y a pas d’autre mot pour cette pièce appelée pompeusement ‘studette’.
Mes papiers, des faux documents, ont convaincu la charmante vieille dame qui préfère l’argent liquide, une enveloppe déposée dans une fente entre le mur et une boîte aux lettres sans nom, vestige de son engagement glorieux bien que méconnu dans la résistance…
Chacun a quelque chose à cacher !
Humide, sombre mais propre, meublée et agencée au mieux, elle me convient parfaitement; par obligation plus que par goût je me contente de peu. Pas d’emploi stable, de compte en banque, de téléphone. Je trouve toujours du travail à la journée payé de la main à la main, pas de questions indiscrètes, jamais au même endroit, invisible parmi les invisibles… Exactement ce qui assure ma survie.
Maintenant la peur ne me quitte pas, je sens Sa présence. J’ignore comment Il a fait mais je sais que l’Autre est là, tout proche.
Mécaniquement je me change, m’empare de mon sac à dos déjà prêt en y ajoutant les quelques objets que je possède. J’inspecte une dernière fois ma tanière : il ne reste rien de mon passage en ce lieu.
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