Du plus loin que je m'en souvienne, j'ai toujours été lent, j'ai toujours remis à plus tard la moindre décision.

C'est dans ma nature.

Si j'avais été croyant j'aurais été un moine trappiste.

Oui, il n'y a pas à dire, mon animal totem c'est bien le paresseux.

À quoi bon remettre à plus tard ce que d'autres peuvent faire de suite, telle est ma devise.

Alors en quoi cela peut sauver une vie me demanderiez-vous ?

Attendez, je vais vous répondre, on a le temps.

Alors que j'étais un gamin, en vacances chez ma grand mère, elle me demandait toujours de faire ci ou ça.

• Tu devrais apporter un thermos à ton grand-père il pèche à la Mauresque.
• C'est loin, fait chaud, j'ai pô envie.
• Fais-le et traîne pas en route, la dernière fois son café il était tiède et tu sais comme il est.

Je souffle.

• J'en ai marre, je suis un esclave dans cette maison.

Évidemment j'ai traîné et pas qu'un peu. J'avais un Pif Gadget avec un super épisode de Rahan, toutes ces gonzesses poitrine nue, et tous ces mec supers balèzes.

" Merde le grand père, j'ai oublié pépère. Holala ! je vais me faire enguirlander." (dans ma famille on ne bat pas les enfants.)

J'arrive à la Mauresque et là qu'est ce je vois...

Des gyrophares...

des gendarmes...

des pompiers...

Un pan de la falaise est tombé dans la mer pile-poil sur mon chemin.

Il y a foule aussi.

J’aperçois grand mère en pleurs.

Dans la foule, je me faufile vers elle, je la tire par la manche, je lui demande :

• Pépère est mort ?

Pour toute réponse je reçois la baffe de ma vie.

• Mais c'est toi qu'on recherche ! Ton grand-père, il pêchait au mur des Allemands.

( Plus tard... )

Dans les années 80, comme beaucoup d'ados, je me posais la question suis-je homo, hétéro, autre ? Le temps que je m'arrête sur un choix, les années sida étaient passées par là me donnant ipso facto la réponse :

il était urgent d'attendre.

Plus tard alors que j'avais enfin la réponse sur ma sexualité, le temps que je me décide entre Geneviève et Cosette...

J'en avais deux dans mon lit, c'est pas cool ?

Le temps que je fasse mon choix...

elles m'avaient quitté.

Je sais depuis qu'elles ont mené la vie dure à leurs maris respectifs.

Je l'écris au pluriel car elles ont divorcé plus d'une fois...

vous vous rendez compte ?

Si j'en avais épousé une je serais à devoir payer une pension alimentaire.

Au lieu de ça, je vis seul comme un vieux con.