Première crise…
J’ai besoin de me défouler, d’extérioriser ce trop-plein de colère qui m'envahit, je file en direction de la salle de sport, si mes souvenirs sont bons il me semble y avoir aperçu un sac de frappe la semaine dernière…
Ça fera bien l’affaire, j’ai jamais boxé de ma vie mais ça doit pas être si compliqué. Après quelques errements, je trouve enfin mon bonheur, la salle est vide, le placard ouvert. J’enfile une paire de gants et commence à frapper aussi fort que me le permettent mes pauvres muscles. J’ai plutôt le physique d’un cycliste que celui d’un boxeur, des jambes plutôt musclées, ou grasses, mais des bras tout fins, un ventre flasque et aucune force dans le haut du corps...
Je frappe, droite, gauche, gauche, droite et ainsi de suite, encore et encore en hurlant ma colère.
« MERDE !!!! ELLE POUVAIT PAS LA FERMER !!!! PUTAIN DE MERDE !!! FAIT CHIER !!!! »
Et autres belles paroles, pendant plusieurs minutes, jusqu’à ce je sente les forces m’abandonner et mes nerfs lâcher. Je m’écroule sur le sol, balance les gants à travers la salle, et éclate en sanglots, longs et violents, le corps secoué de spasmes.
‘Mon étoile… Aide-moi… Viens me chercher… T’aurais jamais osé toi… Je pouvais te faire confiance… Tu m’aurais jamais laissé seul… T’aurais jamais osé raconter notre intimité… Comment elle a pu ?... Cécilia… Je t’en prie…’
Finalement au bout de quelques minutes, je sens une présence, deux bras m’ont aidé à me lever, on m’a assis sur une chaise, donné à boire, mais je n’ouvre pas les yeux, j’ai tellement honte tout à coup que je ne veux voir personne.
Puis une main est venue se poser sur mon épaule, des bruits de bracelets, et une odeur nouvelle, je ne connaissais pas ce parfum, féminin, des notes de fruits rouges et d’épices légères, la peau était fraîche, douce.
« - Louisss ? Va tutto bene ?
- Carolina ?
- Oui… Che passa bambino ?
- Oui ça va, ne vous inquiétez pas, juste un petit coup de mou.
- Régard’ moi ?
J’ai ouvert mes yeux rougis de chagrin.
Tou va bien ?
- Ça va mieux. Merci pour l’eau… Qu’est-ce que vous faites là ?
- C’è Magali qui m’a appélé… Mi ha detto per… Tout à l’heure… Et ce matin avec Charlène…
- Pourquoi vous ?
- Elle né voulait pas onquiéter Cha anche elle avait peur dé sé faire gronder par il mio marito.
- C’est mieux comme ça…
- Mon Loulou !!!!
Évidemment il a fallu qu’elle soit au courant…
- Bon, jé vous laisse, avete bisogno di parlare. Baci.
- Mon cœur… Qu’est-ce qu’il se passe ?
- …
- C’est encore pour ce matin ?
-…
- Parle-moi… S’il te plait mon cœur…
- Un peu oui…
- Comment ça, un peu ?
- Magali…
- Quoi Magali ?
- Tu lui as parlé ce matin… De nous…
- De… Nous…Merde… Je suis vraiment désolée… J’aurais pas dû… Mais elle non plus… Excuse-moi mon bébé… S’il te plait…
-…
- Loulou… Bébé… Chéri d’amour…
Ces surnoms, aussi niais soient-ils, avec son ton suppliant, ont eu raison de ma colère, et de ma rancœur. J’ai relevé la tête la fusillant des yeux, me plongeant dans les siens, mais souriant.
- Ne recommence jamais ça… La prochaine fois je me barre direct…
- Promis juré… Je suis désolée… T’avais l’air d’aller tellement bien…
- Quand t’es avec moi ça va, j’arrive à contrôler, mais quand je suis seul… J’ai eu peur ce matin, peur qu’il t’arrive quelque chose, peur de perdre celle que j’aime, encore une fois…
- Pardon mon bébé… J’y ai même pas pensé… Ici j’ai mes habitudes, ma routine, j’ai fait comme d’hab… J'ai pas réfléchi… Et pour Mag je suis désolée aussi, je pensais pas qu’elle t’en parlerai…
- En fait elle a juste fait une allusion… J’ai percuté de suite… Sur le coup ça m’a foutu en rogne, si tu savais… Mais en y repensant… Je suis plutôt fier de moi en fait… Elle avait l’air… Bizarre en m’en parlant… Envieuse…
- T’es vraiment un mec… Dès qu’on vante tes prouesses sexuelles… On peut dire tout ce qu’on veut…
- Pourquoi tu m’as jamais parlé d’elle ?
- Je suis jalouse… Mon père est tellement fier d’elle… C’est en partie pour ça que je fais tout ça…
- Tu devrais lui en parler… Elle m’a fait un tas de compliments sur toi… Elle a l’air de bien t’aimer…
- Tu parles, c’est juste pour plaire à mon père… Je suis sûre qu’elle est jalouse de nous…
- Tu déconnes… Elle doit en faire tourner des têtes, c’est sur… Mais elle est beaucoup trop vieille pour moi… Et trop Céciliesque…
- Donc tu lui trouves quand même quelque chose ?
- Ne dit pas le contraire… Elle m’a rappelé Cess, certaines de ces mimiques, des expressions de son visage… Elle a pas vos yeux c’est sûr, pas votre charme… Mais elle est loin d’être moche, avoue le…
- Ouais… C’est pas faux… Elle t’a dit quoi sur moi ?
- Que j’avais trouvé ma perle rare… Que t’irai loin… Que j’avais de la chance de t’avoir…
- J’ai peut-être mal jugé… Bon ça va mieux sinon ?
- T’es là… Donc oui… C’est pas grave tu sais… J’ai trouvé la solution pour calmer la crise…
- Tu déconnes ? Les gants éclatés… C’est toi ?
- Tu vois quelqu’un d’autre ? J’ai pas bien maîtrisé ma colère on dirait…
J’éclate d’un rire aussi sonore que salvateur…
- Va vraiment falloir que je fasse gaffe de plus te mettre en colère…
- Parce que tu crois que je pourrais un jour avoir l’idée de lever la main sur toi ?
- J’espère pas…
- T’as rien à craindre, je te le promets…
- T’as vu tes mains… Bouge pas… »
Elle me quitte quelques instants, alors que je jette un œil sur mes mains qui, effectivement, sont bien écorchées. À son retour elle joue à l’infirmière, désinfecte les plaies, et me passe un baume cicatrisant, je grimace légèrement sous l’effet de la douleur, mais rien d’insupportable, j’espère juste que ça ne me gênera pas pour gratter les jours suivants.
‘Merde… Mélo… Je l’ai laissée sur le banc…’
À peine a-t-elle terminé que je bondis de mon siège et file à la vitesse de l’éclair vers le parc, elle est aussi prompte que moi, et me file le train, inquiète de ma réaction soudaine.
« - Lou… Ou tu vas ?
- Melo !!! Sur le banc… »
Lorsque nous arrivons sur place, Magali n’a pas bougé de place, mais ce qui me surprend le plus c’est qu’elle tient Mélo entre ses mains, essayant tant bien que mal de plaquer quelques accords. Mais malgré l’application qu’elle y met, en amatrice autodidacte qu’elle est, le son qui jaillit de mon instrument est pitoyable.
« - Coucou les amoureux…
- Magali… Tu fais quoi ?
Charlène ne semble pas prête à pardonner…
- J’ai voulu essayer de jouer… En vous attendant… Désolé Louis…
- C’est pas grave, c’est fait pour ça… Et vous l’avez pas abandonnée vous au moins…
- Tiens, récupère là… J’arrive à rien depuis vingt bonnes minutes…
- Sacrée Mélo…Vous m’avez contrarié… Elle vous en veut…
- À ce sujet… Je tiens à m’excuser… J’aurai dû me taire tout à l’heure… Charlène, tu m’as fait confiance, et je t’ai trahi, tes confidences… Louis, je pense qu’on va avoir du boulot tous les deux… Si tu veux bien que je continue avec toi… Tiens, récupère ton instrument…
- Merci Magali… Bien sûr qu’on va continuer… Je vous aime bien malgré tout… Enfin… Mon cœur ?
- Si mon père te fait confiance, et si Loulou est d’accord… Ça me dérange pas… C’est moi qui aurais dû fermer ma gueule…
- Merci Charlène… Je te revaudrais ça… Et pas un mot à Patrick…
- Évidemment…
- Merci mon amour…
- A demain vous deux…Trois… Pardon… »
Nous l’avons quitté, sur ce banc, encore secouée, je pense que ma réaction l’a effrayée, ma bonne humeur apparente à tendance à masquer ma colère, mon mal être et quand j’explose, en général, c’est assez violent, je sais que cela surprends les gens puisque ça me surprend aussi parfois.
Charlène aussi semble remuée, elle se dérobe constamment à mon regard, ne m’adresse pas la parole, fuyante. Elle doit retourner bosser pour terminer ses compte rendus, de mon côté, j’ai besoin de calme, de faire le point, et surtout de dormir. Je décide tout de même de la suivre jusqu’à son bureau, m’installe sur une chaise dans un coin, et ferme les yeux.
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