Séparation…
Je n’ai pas réussi à me rendormir, j’ai continué à ressasser le problème, je me suis refait le film de l’été, je suis retourné un an en arrière, j’ai pleuré en silence, en attendant le lever du soleil.
C’est l’heure du grand départ, la voiture déborde de ses affaires, et je me rends compte que finalement, ma guitare, mon vélo et mon sac ne prennnent pas tant de place que cela. L’ambiance, pendant le trajet jusqu’à son appartement, est lourde, nous n’échangeons que quelques mots et à chaque fois les sanglots me prennent à la gorge. Je dois passer la journée avec elle pour l’aider à s’installer, mais je ne sais pas combien de temps je vais tenir le coup, la situation est beaucoup trop désagréable.
L’appartement, au troisième étage, surplombe un parc boisé, dans une petite résidence arborée, à l’écart du centre-ville, trois pièces, salle de bain, un petit balcon, dans un quartier très calme, peu de circulation, le bus au pied de l’immeuble. Pour un appartement en ville, c’est presque la campagne.
- Tu comptes faire la tronche toute la journée ?
- Je fais pas la tronche… Tu sais très bien ce qu’il se passe… J’essaye de supporter ça du mieux possible, je lutte pour pas me barrer et te laisser en plan, essaie de me comprendre.
- Je te comprends mon cœur, mais je comprends aussi qu’on a pas le choix… Tu crois que je suis heureuse de cette séparation ? Tu crois que j’ai pas envie de te retrouver tous les soirs en rentrant des cours, de passer mes nuits contre toi ? Tu crois que ça me fait rien de plus avoir tout ça ?
- …
- Ben tu te trompes, moi aussi j’en ai gros sur le cœur ! Moi aussi j’ai pas envie de vivre seule ici ! J’la connais pas cette putain de ville, je connais personne ici ! Mais j’essaye de me faire une raison, et tu devras faire pareil ! C’est comme ça, c’est tout !
J’ai coupé court, j’ai fui avant d’exploser encore une fois, je me suis isolé sur le petit balcon, depuis l’affaire Anthony, on n’avait plus eu de disputes, on était arrivé à gérer comme des grands, mais la situation, à cet instant, m'est insupportable. Pourtant, même si elle m’a gueulé dessus, je ne lui en veux pas, je sais qu’elle a raison, et il y avait une petite étincelle dans son regard, quelque chose que je ne sais définir, quelque chose d’inhabituel.
Après avoir respiré quelques minutes, fumé une clope pour me calmer, je décide de retourner l’aider, vider quelques cartons, ranger les placards, j'essaye de mettre de côté mes angoisses et tente de sourire un peu, de retrouver un peu de bonne humeur en chantonnant, pour donner l’impression d’aller un peu mieux
Il est presque 13h lorsque nous nous posons pour partager rapidement une pizza et deux bières.
- Ça va mieux mon Lou ?
- Pas vraiment… Mais faut faire avec…
- Je suis désolée de m’être énervée toute à l’heure… Mais j’ai peur moi aussi… Pour toi… Que tu craques, que tu foute en l’air tous les progrès que t’as fait… J’aime pas te voir triste, et ça m’a contrariée…
- Tu devrais avoir l’habitude pourtant… Merci de me recadrer quand je te gonfle, j’en ai besoin des fois pour comprendre…
- Lou… Tu vas me manquer…
- Toi aussi mon amour…
Nous nous sommes enlacés, un geste avait pour effet de faire disparaître toutes les choses négatives qui nous envahissaient, je l'embrasse tendrement, et nous finissons sur son lit, dans une étreinte fougueuse durant laquelle nos vêtements n’ont pas su résister à notre désir.
C’est, maintenant, plutôt détendus que nous flânons main dans la main, dans les rues du centre-ville que je lui fais découvrir. La place de l’Hôtel de Ville, la place du Palais de Justice, les rues commerçantes, la Rotonde, les musées, les fontaines, les restaurants, les bars, elle découvre un à un tous les coins vivants du centre-ville, s’imprégnant de l’ambiance particulière qui règne toute l’année ici.
Puis, tranquillement, nous prenons le bus du retour, après avoir retardé au maximum ce moment. Le bout de ce chemin signifiera le moment redouté de nos au-revoir, de notre première longue séparation depuis presque deux mois. Nous terminons le trajet à pied, et plus nous approchons du but, plus je ralentis l’allure alors qu’elle semble vouloir accélérer, comme si elle souhaitait en finir au plus vite.
- Lou ! Bouge !
- Pourquoi ? T’es pressée ?
- Oui un peu…
- Tu veux pas profiter des quelques minutes qui nous reste ?
- Si justement… Viens…
- Chou…
- Allé !!!
Elle me tire violemment par le bras, et je baisse les armes, résigné, je sais que nous n’aurons pas beaucoup de temps pour des au-revoir plus intimes et je me demande ce qui lui prend soudain de vouloir se dépêcher. Peut-être souffre-t-elle plus qu’elle ne veut le montrer, ou qu’elle ne veut pas laisser le moment s’éterniser, mais son empressement me semble de plus en plus bizarre.
Lorsque nous arrivons au pied de l’immeuble, nos parents nous attendent tous les quatre, en pleine discussion, en les apercevant, je sèche rapidement mes larmes et tente de retrouver un peu de contenance.
- Bonsoir, les jeunes, on vous attendait…
- Bonsoir tous les quatre, c’est bon vous avez trouvé facilement ?
- Coucou p’pa, coucou m’man, Patrick, Caro, bienvenue. Vous faites quoi ici tous les quatre ?
- Charlène, je te laisse lui expliquer…
- Mon chéri, j’en ai chié toute la journée, et je pense que j’ai bien réussi mon coup. Voilà, je suis pas arrivée à me décider à être séparée de toi, j'ai pas voulu prendre le risque de bousiller tous les progrés que tu as fait cet été, donc il y a deux semaines, après des discussions avec tes parents, et avec les miens, on a décidé que tu allais vivre avec moi…
- …
- Mon Lou ?
- Je… Merci…
- J’aurai espéré un peu plus d’enthousiasme de ta part…
- M’man… Je… Je sais pas quoi dire… Merci…
- Bon, je sais qu’on peut te faire confiance, Patrick nous l’a affirmé, et Charlène a pris sur elle de te surveiller étroitement. Mais c’est à toi de nous montrer qu’on a eu raison, je te surveillerais de loin moi aussi, j’ai vu avec le lycée et au moindre écart je serais prévenue.
- Louis, tu nous as prouvé, cet été, que tu étais capable d’assurer, j’ai vraiment apprécié ton comportement avec les autres patients, t’es un jeune homme plein d’avenir, intelligent, débrouillard et tu débordes de bonne volonté. À toi de mettre tout ça en œuvre pour réussir ton année, je sais aussi que je peux te faire confiance pour t’occuper de ma fille, et je te la confie.
- Je… J’essaie de réaliser dans un premier temps… Ma chérie, t’es vraiment une sale petite cachottière… Et une très bonne actrice… J’y ai cru jusqu’au bout… Merci à tous les quatre de ce cadeau… Je sais pas quoi vous dire d’autre… Je vais tout faire pour pas vous décevoir, papa, maman, je sais que vous avez pris sur vous pour faire ce choix, et j’arrive pas à trouver les mots pour vous dire ce que je ressens… Patrick, je te remercie pour tes compliments, et tes encouragements… Mais pas pour me confier ta fille, elle est ingérable…
- Tu me tutoies maintenant ?
- C’est l’émotion…
- Continue, ça me dérange pas…
- Carolina, je vais essayer un truc… Sono... Onorato che tu abbia deciso di… Affidarmi tua figlia, e… Spero di essere degno di questa fiducia, me ne occuperò… Nel miglior modo possibile, non ti preoccupare.
- Bravissimo Louissss, jé n’on doute pas…
- Mon cœur, tu m’avais caché ça…
- Tu croyais me connaître… C'est raté… Bon on monte vous faire visiter ?
- Tu viens prendre tes affaires avant, on va t’aider… J’ai pris le minimum, quelques habits, des draps, serviettes et trousse de toilette, un peu de bouffe aussi…
- Et Mélo ???
- Évidemment... Qu’est-ce que tu crois…
- Mélo ?
- Caro, je te présente Mélodie…
Je souris fièrement en lui présentant l’étui et elle explose de rire en comprenant.
- La tua chitarra…
Nous nous sommes partagés mes sacs d’affaires, et avons rejoint l’appartement, après une rapide visite, nous avons partagé un dîner au restaurant, profitant de la douceur de la soirée pour flâner de nouveau dans les rues encore animées du centre ville.
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