Bénévole au grand cœur…
- Alors, il paraît que t’as assuré cet après-midi?
- Il paraît que toi aussi?
- Je sais pas trop, on a juste discuté de nos histoires, de ses doutes, de la façon de pouvoir s’en sortir…
- Elle avait l’air moins angoissée quand je l’ai quittée, je pense que ça lui a fait du bien… Je lui ai dit de prendre le weekend pour y repenser, qu’on en discuterait lundi. T’en penses quoi toi?
- Qu’elle a besoin d’être accompagnée pour passer le cap, il faut qu’elle accepte ce qu’il s’est passé, et qu’elle reprenne confiance en elle. La petite va l’aider pour ça… Et vous aussi…
- Et nous aussi, tu veux dire. T’es impliqué maintenant mon Lou… En tout cas merci, ça m’a permis de décompresser avant le weekend, et puis Angie est un amour…
- T'étais vraiment trop craquante avec ta poussette et la petite dans les bras…
- Non cominciare… Siamo troppo giovani e abbiamo tempo!
- Ma... non ho detto niente... Solo che ti ho trovata carina…
- Basta!!! Zitto!!!
Ce genre de discussion sur un futur enfant revenait régulièrement entre nous, chacun n’osant assumer ses envies, se mettant systématiquement au diapason de l’autre. Oui j’en ai envie depuis quelques temps, mais je me trouve, je nous trouve trop jeunes encore pour assumer une telle responsabilité. J’ai compris aussi qu’elle fait plus qu’y songer depuis quelque temps, lorsque son regard croise une poussette, je vois dans ses yeux une certaine envie, je sais aussi, comme elle vient encore de me le dire, qu’elle a les mêmes idées que moi sur le sujet, mais ses réaction me faisaient rire a chaque fois.
- Pour en revenir à Amélie, je pense que tu peux débloquer quelque chose chez elle, que tu peux l’aider à retrouver un semblant d’espoir, de confiance dans la vie.
- Je pense pas que ce soit moi qui débloque quoi que ce soit. Tout ce que je peux faire c’est discuter avec elle et lui raconter comment je m’en suis sorti, mais n’oublie pas que j’étais pas seul, j’avais quelqu’un à mes côtés qui m’a secoué quand j’en avais besoin, qui m’a accompagné jour et nuit, et de qui je suis toujours follement amoureux.
- Elle a sa fille, c’est une bonne raison pour avancer non?
- Sa fille? Elle a même pas un an, tu veux qu’elle lui dise quoi pour la secouer? Elle a juste besoin de reprendre goût à la vie, de retrouver l’envie de vivre comme avant et elle rencontrera sûrement quelqu’un, un de ces jours, qui lui prendra la main et l’accompagnera comme tu l’as fait avec moi.
- T’as peut-être raison… Raison de plus pour s’y mettre à fond et essayer de la sortir du trou!
- Je vais faire ce que je peux, mais c’est pas mon métier, moi…
- En participant aux activités le vendredi après-midi, tu pourras l’aider aussi, faut juste la convaincre que la vie n’est pas si dure que ça…
- Parli!
- Lou! Ti prego!
- Va bene... Non ho detto niente... Scusa...
Elle est venue m'enlacer tendrement, depuis quelque temps, je n’ai plus droit à une leçon sur la vie lorsque j'ai un coup de mou, mais plutôt à ce genre de câlins. Par ce geste elle me montre que je peux compter sur sa présence, qu’elle est là, près de moi pour m’aider dans ces moments de doute.
En accord avec Pierrot, et si la charge de travail le permet, je dispose de mes vendredi après-midi, moyennant quelques heures supplémentaires dans la semaine, ce qui me permet de boucler mes rapports écrits au calme, sans être dérangé toutes les cinq minutes et de participer bénévolement à la vie du centre.
Avec Magali, nous avons choisi d’impliquer encore plus les participants à la chorale, cherchant par une campagne de dons, quelques instruments d’occasion. Ainsi, nous pouvons étoffer notre chorale, intégrant la quasi-totalité des résidents, soit au chant, soit à la mélodie, et avoir un résultat plus harmonieux.
Je profite aussi de ma présence pour voir Amélie, chaque fois nous nous installons sur un banc, ou dans une salle libre, parfois une heure ou plus, parfois quelques minutes, parfois Angela reste avec nous et nous jouons avec elle en discutant, parfois Charlene joue à la babysitter. Tout comme avec notre chorale, chaque semaine ses progrès sont visibles, je ne me gène pas pour lui dire et la féliciter, certes sa guérison sera beaucoup plus longue que la mienne, mais même si nos histoires sont similaires, elles sont pourtant assez différentes.
- Salut Lou!
- Coucou miss, alors cette semaine?
- Mieux, je sens que je continue à progresser, doucement, à mon rythme. Grâce à toi…
- Non, c’est pas grâce à moi, je suis juste là pour discuter avec toi, partager nos histoire, si tu vas de mieux en mieux, c’est uniquement grâce à toi, à ton travail sur toi-même.
- Mais vous m’aidez bien quand même…
- On t’aide, on te donne des pistes, des conseils, oui, mais le boulot, c’est toi qui le fait. Et tu le fais bien j’ai l’impression…
- C’est ce que m’a dit Patrick mardi. Du coup, il m’a autorisé à retourner voir ma famille le weekend prochain… Je suis trop contente… Mes parents ont invité tout le monde… Je pense que ça va me faire du bien de les revoir, de me changer les idées…
- C’est super tout ça, ça fait combien de temps que tu les as pas vu?
- Mes parents? Depuis les fêtes. Ma famille, mes amis? Depuis que je suis arrivée ici… Ils commencent à me manquer…
- Je te comprends, j’ai vu que mes parents pour les fêtes comme toi, j’ai laissé mes amis à Aix, on s’est pas vu depuis cet été, même si ici on a des potes, enfin ceux de Charlène en l'occurrence, ils me manquent aussi, c’est pour ça que je me laisse peu de temps libre, ça évite d’y penser… Le boulot, le sport, la musique…
- D’ailleur j’aime bien l’idée de la chorale… La musique… C’est un bon remède contre la déprime…
- Ou pas… Certaines chansons ont un effet contraire…
- Ouais, mais c’est juste des chansons, faut pas se formaliser…
- Bonne remarque… Mais j’y arrive pas, ça me prend aux tripes et me submerge… Et après c’est une catastrophe… Je déprime, je suis triste, je chiale… Une vraie gonzesse…
Nous éclatons de rire simultanément, et je me rend compte que c’est la première fois que je l’entends rire aussi franchement, avec autant de relâchement, j’arrive avec la plus grande difficulté à retrouver mon calme pour l’observer, voir ses grands yeux marrons se plisser, son visage s’éclairer, et sentir un peu de légèreté.
- Putain Lou!!! Pardon… Merci beaucoup, ça fait des mois que j’ai pas ri comme ça… J’ai oublié à quel point ça fait du bien…
- Je vois ça… Je t’ai jamais vu avec un visage aussi détendu… Jamais entendu rire… Je suis fier de moi…
- Tu peux mon coeur… Enfin je la vois rire…
- Ton mec est génial… T’en as de la chance…
- Tu parles… Ici il est comme ça, mais à la maison, c’est autre chose…
- Il m’a dit la même chose de toi l’autre jour… C’est un signe…
- Piccolo cretino… Sarà la tua festa stasera…
- Nemmeno paura…
- Ma certo…
- Vous m’apprendrez?
- A nous supporter?
- Non l’Italien… C’est joli comme langue…
- Si on a le temps, pourquoi pas.
- Merci les amoureux. Vous êtes super. Bon je file, Angie va avoir faim. Merci encore Lou pour ce fou rire…
- De rien, à bientôt Mélie.
- Bravo mon coeur… Je suis si contente de l’avoir enfin vu rire… C’est énorme ce que t’as fait… Mais comment?
- En sortant juste une connerie, on discutait musique, sérieusement, comme thérapie, je lui ai fait remarquer que ça pouvait aussi pencher du mauvais côté, et que dans mon cas je devenais une vraie gonzesse…
- T’es con… Mais t’as raison sur toute la ligne… Puis j’aime cette sensibilité moi, ça montre que t’as de sentiments, et que t'essaye pas de les contrôler tout le temps…
- J'aimerais pourtant…
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