Douce nuit de Noël…
Je sors alors de la boîte l’objet qui fait de moi, à ce moment précis, l’homme le plus heureux du monde et deux feuilles pliées en quatre. Le regard de ma mère ne me laisse aucun doute, je sais qu’elle a compris immédiatement ce que révèle le contenu de la boîte et notamment le test de grossesse. Sur les feuilles je découvre une espèce de mini-haricot, et même si je n’y connais pas grand chose, je comprends ce que celà représente. Pourtant, là ou j’aurai dù exulter, sauter de joie, et hurler mon bonheur, je reste stoïque, impassible, de marbre, pas parce que je ne ressens rien à ce moment-là, mais plutôt pour le contraire, ce trop plein d’émotions contradictoires.
- Mon coeur???
- …
- Ça va???
- Je sais pas… Je… Choqué… Juste trop d'émotions…
- Bah alors… Elle t’a scotché là!
- Ced… C’est bon là… Laisse le temps à ton frère de réaliser… Félicitations à tous les deux… Mais tu aurais pu me le dire, espèce de cachottière…
- Je voulais faire la surprise à tout le monde, et aux grands-parents en priorité… Et surtout pas vous l’annoncer au téléphone.
- Tu sais que tu peux nous tutoyer, surtout maintenant…
- Lou? Ca va mieux?
- Hein… Ouais, ne t'inquiètes pas…
- On dirait pas…
- Désolé… Faut que je prenne l’air…
Sous le regard incrédule de tous, je me lève en larmes et file à l'extérieur, j’ai vraiment besoin d’air à ce moment-là, et du froid pour me remettre les idées au clair et essayer de réaliser ce qu’il vient de se passer. Après quelques secondes, j’entends la porte se refermer derrière moi et je sens immédiatement deux bras m’enlacer, un corps se coller contre mon dos.
- Tu boudes?
- Bien sûr que non…
- Ben alors?
Je me suis retourné pour plonger mes yeux dans les siens.
- Alors? T’es vraiment impossible… Ça fait juste des semaines que j’essaie de me convaincre que notre enfant aura un peu de retard sur ce que j'imaginais, avec la maison, le boulot, tout ça, et là… Je suis le mec le plus heureux du monde ce soir… Je sais pas comment te dire ce que je ressens tellement c’est énorme…
- Je suis pas encore énorme… J’ai un peu grossi peut-être, mais t’as même pas remarqué, en tout cas tu m’as rien dit…
- Désolé ma puce, mais avec les travaux, le boulot, et la fatigue, je me suis rendu compte de rien… Et puis je suis pas sûr que t'apprécies que je te dise que tu as grossi…
- C’est clair que ça m’aurait vexé…
- Sinon, je suis vraiment heureux de cette nouvelle… Tu sais très bien que j'attendais que ça... Ça me met le moral à bloc, et je suis super impatient… Merci mon amour, vraiment merci… Mais tu aurais pu m’en parler…
- En fait, d’après le médecin, c’est un coup du sort… J’ai dû me planter dans mes calculs, et décaler d’un jour ou deux sur le cycle, avec ma pilule… Comme, à part un peu de fatigue, j’ai rien eu de plus, ni nausées, ni rien, c’est quand j’ai eu mes premiers retards que j’ai commencé à me poser des questions, et la prise de sang au mois d’octobre a confirmé ce qu’on pensait.
- Pourquoi tu m’as rien dit alors?
- Ben… Je… J’avais un peu peur de ta réaction, et je dois dire que j’ai eu encore peur ce soir… Et ça m’a évité de me creuser la tête pour ton cadeau…
- Et elle est prévue pour quand?
- Pour le mois de mai… Mais pourquoi elle?
- Jusqu’à preuve du contraire, ce sera elle, c’est comme ça que je le sens. Je comprends mieux ce que je ressentais ces derniers jours… Mais toute à l’heure, quand j’ai parlé de ce quelque chose…
- Désolée, mais je voulais pas gâcher la surprise, si j’avais craqué, tout tombait à l’eau…
- Je peux?
Je n’ai même pas attendu la réponse pour poser mes mains sur son ventre, tandis qu’elle se tournait pour que nos regards se perdent ensemble dans la même direction, vers un avenir incertain mais que j’imagine plein de bonheur maintenant, plein de rires d'enfant et de moments en famille.
- Bon j’ai pas chaud, on rentre?
- Tu me laisses deux minutes? J’ai des choses à dire à quelqu'un…
- Bien sûr, je comprends…
- Merci mon amour.
Nous échangeons un baiser tendre et passionné dans lequel je suis sûr qu’elle ressent toutes ces émotions qui me chamboulent puis elle me quitte pour la chaleur réconfortante, me laissant seul pour quelques instants.
‘ Joyeux Noël petite étoile… Bon ben voilà… Je vais être papa… Ça me fait tout drôle de te le dire… De l’entendre… Je crois que je réalise pas vraiment. Je compte sur toi pour veiller sur elles, sur ces deux cœurs qui battent à l'unisson, je te fais confiance… J'aimerais tellement que tu sois là pour me serrer dans tes bras et partager toute cette joie que je ressens… Si c’est vraiment une fille, tu connais déjà le prénom, et j’espère qu’elle en sera digne… Je suis con ou quoi! Bien sûr qu’elle en sera digne, puisque tu sera là pour la guider, tu seras sa tata étoile, son maître Jedi… Je t’embrasse fort ma puce… Pour toujours et à jamais…’
Je ne sais pas si j’ai digéré rapidement l’info, ou si le fait d’en avoir parler m’a fait réaliser, mais lorsque je retourne à l'intérieur, j’ai retrouvé mon sourire et je prends le temps de tomber dans les bras de chacun, écoutant avec intérêt leurs mots gentils glissés au creux de mon oreille.
La discussion s’oriente logiquement sur notre avenir proche, la gestion du chantier et les besoins de Charlène pour les mois à venir suscitant un peu d’inquiétude, mais je rassure tout le monde avec cette confiance et cet optimisme qui m'habitent de nouveau.
Après cette avalanche d’émotions et de bonheur, un peu de sommeil nous fait le plus grand bien, mais avant ça, j’ai quelques mots à glisser à ce petit être qui mûrit au chaud, rien de bien serieux au final, ce qui a pour effet de faire éclater de rire la future maman. Puis nous avons profité de ce moment tous les deux pour consommer tendrement notre amour, nous nous sommes caressés, redécouverts, et dégustés, puis, allongé dans son dos, les mains posées sur l’écrin tiède où reposait notre crevette je me suis endormi serein et heureux.
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