- Mr Gallo? Vous pouvez aller la voir…

- Merci…

- Mon coeur?

- Ma chérie… Tu vas bien?

- Oui t’inquiètes pas… J’ai eu un gros coup de mou… Mais y’a rien de grave… Juste une chute de tension.

- Putain… J’ai flippé… J’ai cru… Je me suis imaginé…

- Chuuuut… Je vais très bien… Et… Tu veux savoir ou pas?

- De quoi?

- Le bébé…

- Et ben?

- ELLE va très bien aussi… En super forme… T’avais raison…

- Tu veux dire que… Merci mon amour…

- J’y suis pour rien… Ça vient de toi, pas de moi…

- Cécilia…

- J’ai pas le droit de contester… Je suis pas en état de toute façon… Et je suis d’accord…

- De quoi?

- De l’appeler Cécilia, ce sera un bel hommage…

- Je… Je parlais pas du prénom en fait… Je me disais juste qu’elle y était encore pour quelque chose… Ça me ferait vraiment plaisir… Mais on en discutera quand on sera un peu plus tranquille…

- Oui… Allez file, va rassurer mes parents…

J’étais en train de terminer la peinture de notre future chambre quand Patrick m’avait appelé pour me dire que Charlène s'était sentie mal, qu’elle avait fait un malaise dans son bureau, et que les pompiers venaient de partir pour l’emmener à l'hôpital.

Immédiatement je me suis imaginé le pire, une séquelle de mes expériences passées, j'ai balancé les outils et j’ai sauté dans ma voiture direction l'hôpital de Briançon pour la rejoindre.

L’attente n'a pas été très longue, mais elle m’a paru interminable, le temps de faire quelques examens, de s’assurer que tout allait bien pour toutes les deux et nous étions réunis de nouveau.

- Patrick? C’est Lou.

- Salut Lou. Alors? Les nouvelles sont bonnes?

- Très bonnes… Elles vont très bien… Toutes les deux… Juste une chute de tension…

- Toutes les deux? Tu veux dire que…

- Oui… Ils ont été obligés de faire une écho pour s’assurer que le bébé se portait, et avec l’effet de surprise, elle a pas eu le temps de se cacher, cette fois.

- Tu dois être aux anges?

- C’est rien de le dire…

- Merci pour les nouvelles rassurantes, je vais pouvoir prévenir Caro…

- Tu veux dire que tu lui as rien dit?

- T’es fou!!! Elle aurait paniqué, et serait arrivée à l'hôpital avant les pompiers… Ma princesse a besoin de se reposer, pas d’être angoissée par sa mère…

- T’as raison…

- A bientôt Lou… Et prends le temps de respirer, de souffler… Ne t’angoisse pas, reste positif...

- Ouais… Je vais essayer… A plus Patrick.

Même si elle m’avait rassuré, je n’en restait pas moins inquiet, elle qui est toujours en pleine forme, sportive, ce genre d’alerte n’est pas faite pour me laisser totalement serein, surtout à un mois de l’accouchement.

Après un rapide aller retour à la maison pour récupérer quelques affaires, me doucher, et fermer le chantier correctement, je suis de retour à ses côtés, plus pour me rassurer que parce qu’elle en a besoin.

- Mon chéri, fais moi plaisir, rentre et va te reposer à la maison. Je vais bien, elle va bien, et je suis surveillée… Je risque rien…

- Pour quoi faire? Tourner en rond toute la nuit? Passer des heures à m'inquiéter pour toi? Je suis mieux ici…

- Lou s’il te plait… J’ai besoin de me reposer, de dormir… Je vais bien…

- Chou, j’ai pas envie de rentrer, j’ai envie d'être avec toi, avec vous, pas seul…

- Dégage, ou j'appelle ta mère…

- T’es pas réglo…

- C’est donnant-donnant…

- C’est bon t’as gagné… A demain mon amour, je vous aime…

- On t’aime aussi… A demain… Et repose toi…

“Repose-toi… Tu parles… Vivement demain oui… Vivement que le soleil daigne enfin revenir et que je puisse aller les retrouver…”

Je passe la nuit devant la télé à zapper d’une chaîne à l’autre, essayant de me rassurer encore sur l’état de santé de Charlène, cherchant un programme suffisamment inintéressant pour m’aider à m'endormir. Je venais d’avoir la plus grande frayeur de ma vie depuis plusieurs années, j’avais immédiatement imaginé le pire, me retrouver de nouveau seul, perdre une nouvelle fois celles que j’aime, revivre toutes ces heures dramatiques, ces moments horribles.

Même si au final, tout va pour le mieux, je ne peux m'empêcher de me poser tout un tas de questions, depuis quelques années, nous vivions dans notre bulle, nous avions essayé de me préserver de toute agression extérieure, je venais de m’en rendre compte, et si j'avais réussi malgré tout à m'en sortir, surtout grâce à son aide et sa présence, je ne suis pas sur d’arriver à surmonter un nouveau drame.

J’en suis là de mes réflexions lorsque le sommeil me surprend enfin, pas bien longtemps au final puisque la sonnerie du téléphone me réveille après quelques dizaines de minutes.

- Mon coeur? Je te réveille?

- A peine… J’ai dû dormir une demi-heure…

- Pardon…

- Qu’est ce qu’il se passe?

- Je sais pas… Je… Excuse-moi… Je voulais pas que tu t’inquiètes… Je suis désolée de te causer du souci… Je savais que je devais lever le pied, tu me l'avais dit, j’aurais dû t'écouter… Je m’en veux… De t’avoir fait peur…

- Ma puce, c’est pas grave, vous allez bien, je vais bien, tout va bien. J’ai pas besoin qu’on me préserve de tout, j’ai pas besoin de vivre dans une bulle, au contraire. Tu me protège depuis qu’on vit ensemble, mais j’ai plus envie de ça, j’ai besoin de me prendre la vraie vie en pleine face.

- Mais… T’es sur?

- Non! Pas du tout… Mais j’ai besoin de me rendre compte que je suis fort, que je peux supporter tout ça.

- Mais si t’y arrive pas?

- Je tomberai, tu m'aidera a me relever, on recommencera tout depuis le début, tant que tu seras là, que vous serez là, je me battrai, et je gagnerai.

- Je suis fière de t’entendre dire ça… Tu viens quand me chercher?

- Dès que je suis en état.

- Merci…

- A toute à l’heure…

J’ai attendu que le soleil montre ses premiers rayons, pris une bonne douche pour évacuer la fatigue et le stress, un petit déjeuner copieux, et j’ai filé la rejoindre, pour la ramener à la maison en fin de matinée après avoir reçu toute une liste de recommandations de la part du médecin.

- Mon coeur? On a une discussion à terminer…

- Tout à fait…

- Et?

- Je te laisse le choix, tu connais le mien, si tu as des prénoms à proposer, je t’écoute.

- Et si c’est pas celui que tu as choisi?

- C’est le seul que j’ai en tête, je me vois pas en proposer un autre, mais j’ai pas encore choisi.

- J’avais pensé à d’autres prénoms. Toute une longue liste, mais en fait je veux pas qu’elle s’appelle autrement. Cécilia…

- Merci… Je sais pas quoi te dire de plus… Ça représente tellement de choses pour moi.

- En fait, depuis que tu m’a raconté ton histoire, depuis que je te connais, j’ai compris l’importance qu’elle a eu pour toi, et je pense que c’est un juste retour des choses, comme une sorte de cadeau pour la remercier d’avoir fait de toi ce que tu es.

- T’as un peu participé aussi…

- J’ai juste recollé les morceaux…

- Et t’as fait du super boulot!

Après cet épisode, Charlène a reçu pour ordre de n’aller travailler que lorsqu’elle se sentait en forme, et pas plus d’une demi-journée, de prendre une pause toutes les deux heures pendant les deux semaines à venir, jusqu’au début de son congé, tandis que je l’appelle regulièrement, quelle que soit mon activité.