Le chemin de la guérison…
Mon séjour à l'hôpital dure près de deux semaines, semaines passées à me faire chouchouter et dorloter par le personnel, mais aussi à profiter de mes proches. Au début, Charlène passe ses journées près de moi, puis uniquement les après-midi, tandis que Patrick et Caro passent à l’heure du goûter, déposent Cécilia, prennent des nouvelles et repartent. Ma fille me manque énormément et ses visites journalières ne sont pas suffisantes pour moi. Souvent, elle goûte, puis vient délicatement se blottir contre moi, dans le lit, et s’endort quelques minutes.
Mes parents viennent le week end, me téléphonent tous les jours, et les copains passent régulièrement un moment avec moi, dès qu’ils ont du temps libre, pour laisser Charlène souffler et profiter de sa fille. Les collègues de boulot prennent souvent des nouvelles aussi, chacun leur tour, Pierrot passe me voir quelquefois.
- Allez mon coeur, t’es enfin libre…
- Tu parles… Je peux même pas me déplacer tout seul…
- Tu vas rentrer à la maison, c’est déjà pas mal…
- Ouais, je serai quand même enfermé toute la journée… Et seul surtout… Dans mon fauteuil, à pisser dans un bidon…
- Mais on sera tous les trois réunis… Et on pourra dormir ensemble… Et…
- Je suis pas en état pour les galipettes… Pas encore…
- On aura du retard à rattraper quand tu sera suffisamment remis…
- Tu perds pas le nord toi… Merci…
- Et puis, le kiné viendra tous les jours, l’infirmière deux fois par jour pour les pansements, je rentrerai manger le midi, et Estelle passera déposer Cess juste avant que je rentre.
Même si je ne laisse pas paraître grand-chose, ce retour chez moi me réjouit au plus haut point, malgré les difficultés inhérentes à mon état physique, retrouver ma fille surtout me tarde, pouvoir passer du temps avec elle également.
Je quitte donc l'hôpital en fauteuil roulant, poussé par Charlène, non sans faire le tour du service pour saluer et remercier tous ceux qui se sont occupés de moi.
- C’est bon là? On peut rentrer maintenant?
- Désolé ma puce, je pouvais pas partir sans les remercier. Elles se sont tellement bien occupé de moi.
- T’en a pas trop profité au moins?
- Je ne ferai aucune déclaration sans la présence de mon avocat…
- Tu parles… Petit con…
- C’est bon, tu vas pas me faire une crise de jalousie maintenant, sinon je saute du fauteuil…
- Tu fais ça, je t’achève… J’ai le droit d'être jalouse non? Elles t’ont vu à poil, elles t’ont lavé, je suis sur qu’elles se sont bien rincé l'œil…
- C’est possible, mais elles m’ont pas demandé mon avis… Puis vu mon état, je suis pas vraiment sûr de faire envie en ce moment…
- A moi si…
- Ça promet…
A notre arrivée, j’ai le plaisir de retrouver ma fille, et malgré sa façon bizarre de me regarder, à la fois inquiète et curieuse, elle n’hésite pas plus d’une seconde pour venir se blottir contre moi avec douceur. Mes parents sont là avec mon frère et Thaïs, pour fêter mon retour, autour d’une montagne de pizzas, et surtout m’aider à atteindre le premier étage, et deux paires de bras ne furent pas de trop pour m’aider à me hisser en haut des escaliers.
Même s’il fait déjà frais, nous choisissons de nous installer sur la terrasse pour que je puisse profiter du grand air après quinze jours enfermé dans ma chambre d'hôpital. Je suis heureux de les retrouver, de retrouver mon nid douillet et chaleureux, et cette vue depuis notre perchoir. Me sentir toujours aussi entouré me fait du bien moralement,
La fatigue est la plus forte ce soir, bien aidée par les médicaments, et je ne peux les accompagner pour veiller un peu sous les étoiles. Mon état me permet tout juste de me tenir assis, et me glisser dans notre lit en compagnie de Charlène se révèle assez compliqué, mais pas impossible après de nombreuses tentatives, quelques éclairs de douleurs mais surtout un énorme fou rire qui me laisse tout essoufflé et les côtes bien endolories.
Les jours suivants, mon emploi du temps est une véritable partition, tout est planifié, réglé pour me faciliter la vie.
Réveil à sept heures, Charlène m’aide à quitter le lit et m’accompagne clopin-clopant jusqu'à la douche, m’aide à me laver, me sécher et m’habiller pendant que la petite finit sa nuit, ensuite je déjeune, elle se charge de l’habiller, puis je prends le relais pour le biberon, calée au creux de mon bras en écharpe elle siffle son petit déjeuner d’une seule traite, ensuite j'en profite pour l'occuper avec quelques jouets ou une histoire.
Huit heures quinze, départ des filles, je m’installe sur la terrasse pour prendre un peu l’air et fumer une cigarette, ou devant la télé si le temps est mauvais.
Neuf heures et demie, arrivée d’Emilie, l’infirmière pour le changement des pansements et les soins, nous en profitons pour partager un café et discuter un peu, c’est une de nos voisines, nous nous connaissons depuis que habitons ici. Elle doit avoir une trentaine d'années, bien que je n’ai jamais songé à lui demander son âge, grande, blonde, ses yeux marrons lui donnent toujours un air très sérieux, mais c’est un fille vraiment marrante et gentille. C’est elle qui avait déjà suivi Charlène suite à son accouchement.
Dix heures et demie, c’est au tour de Lionel, de débarquer pour ma séance quotidienne de rééducation post-opératoire, un nom un peu pompeux pour dire qu’il m’oblige à me tordre dans tous les sens pendant presque une heure pour éviter que mes muscles ne s’atrophient trop et que mes tendons ne soient trop raides. Une douce séance de torture de laquelle je sors éreinté, tant par les exercices que par la douleur, notament aux côtes, provoquée par les fous rires qui rythment nos séances.
Ensuite, je retourne squatter la terrasse ou la télévision jusqu’au retour de Charlène, et le repas de midi que nous partageons en tête à tête.
Lorsqu’elle me quitte, vers treize heures, je m’écroule dans le canapé pour une bonne sieste, après qu’elle ait soigneusement positionné mon fauteuil roulant pour que je puisse y retourner par mes propres moyens. Je m’offre ensuite soit une petite séance de répétition, soit un peu de lecture, en extérieur si la météo est clémente, jusqu’à seize heures et le retour de ma princesse. Estelle, sa nounou, reste jusqu'à ce que Charlène arrive et prenne le relais, et parfois un peu plus longtemps pour l’aider.
A dix neuf heures, Emilie fait un rapide passage pour vérifier les pansements et pour ma piqûre, reste parfois prendre l’apéritif avec Hervé, son compagnon, si elle a terminé sa tournée.
Voilà comment se passent les trois semaines suivant mon retour de l'hôpital, pendant lesquelles je retrouve peu à peu une certaine forme, une certaine autonomie aussi, quelques kilos superflus, et surtout une relation différente avec ma fille.
J’ai eu le temps de penser à ce qui m’est arrivé, de réaliser que je n'étais pas passé loin de la mort, mais aussi de comprendre que malgré cet accident, je n’aspirais qu'à racheter un vélo et retourner rouler dès que mon état me le permettrait, ce qui avait le don d'inquiéter ma famille.
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