Chapitre 31 : Robe vs Peaux de bêtes

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Kaëlle surgit au pied d’un dolmen situé en Scythie. Une brise fraîche caressait son épiderme, emplie des senteurs boisées et terreuses qui gonflaient ses poumons. Dans ce nirvana, ses pas résonnaient légèrement sur un chemin de feuilles mortes. Les montagnes se dressaient fièrement, leurs sommets enneigés effleurant le ciel. L’atmosphère évoquait un sentiment d’humilité et d’émerveillement. Vénérables gardiens, les arbres géants s’élevaient vers le firmament. Leurs branches entrelacées élaboraient un dôme qui tamisait l’ardeur du soleil, créant un décor feutré.

Offrant une palette de couleurs à cette symphonie visuelle, des fleurs aux tons vifs parsemaient l’espace. Des volatiles chantaient en harmonie, tissant des mélodies qui l’accompagnèrent dans sa déambulation, ajoutant une dimension poétique à son exploration. Elle ressentait un lien avec ces contrées sauvages, où la beauté brute s’épanouissait dans un équilibre précaire.

Des tambours martiaux clouèrent le bec aux oiseaux.

Un frisson parcourut son échine lorsqu’elle aperçut, à travers les troncs, une escorte de femmes. Son pouls s’accéléra – mélange d’appréhension et de curiosité. Revêtues de peaux de bête, les bras ornés de tatouages tribaux, elles se rapprochaient. Leurs lances et poignards luisaient ; leurs arcs étaient bandés, prêts à décocher des flèches mortelles. Imprégnée de l’aura menaçante, Kaëlle demeura sereine. Elle libéra sa baguette de son décolleté. Sa vigilance se fixa sur la troupe, tandis qu’elle ourdissait une incantation mentale.

Son feu jaillit, l’encerclant. Alors que les étincelles virevoltaient, un sentiment de contrôle l’envahit. Ce phénomène les dissuada d’attaquer. Kaëlle affichait une compassion qui la distinguait des assaillantes. Non belliqueuse, elle était néanmoins parée à se défendre. Sa puissance, alliée à sa volonté, créait une présence magnétique, imposant le respect. Les guerrières, prises de court dans leur élan agressif, firent une pause. Un dialogue aphone s’instaura entre elles.

Face à cette rencontre imprévue, trouver un terrain d’entente, un moyen de dissiper la méfiance restait la meilleure solution. Prenant l’initiative, la chef se démarqua du groupe. L’intruse estompa sa protection. Crispée, la sauvage s’exprimait dans une langue inconnue de la sorcière. Consciente que surmonter cette barrière était primordial, Kaëlle s’approcha, présentant sa main ouverte. Après une furtive hésitation, l’autochtone finit par la toucher.

Les orbites de Kaëlle s’obscurcirent. Ses doigts se contractèrent, effleurant l’éther des syllabes et des phrases qui gravitaient en suspens. Des vrilles enflammées s’entrelacèrent autour de ses phalanges, serpentant jusqu’à ses globes oculaires. Elles portaient en leur sein l’essence d’un lexème, d’un énoncé, d’une subtilité. Elles s’immiscèrent dans ses rétines. Puis, ses paupières papillonnèrent, révélant de nouveau l’éclat naturel de ses iris. L’air, libéré d’un joug invisible, reprit son cours. Un torrent de savoir inondait désormais la sorcière, chaque nuance du dialecte inconnue s’incrustant dans les méandres de sa conscience. Elle détenait à présent la clé.

— Je me prénomme Kaëlle. Jusqu’ici, j’ai été isolée du monde. Découvrir votre communauté m’émerveille. Pourriez-vous me parler de votre mode de vie et de ses coutumes ?

Drapée de fourrures, leur leader extériorisa un sincère intérêt pour ses interrogations. Un court instant, elle la scruta :

— Je suis Yara, Reine des Amazones. Mon peuple puise sa force dans le féminin sacré. Depuis des temps immémoriaux, nous vivons en harmonie avec ces terres, liées par des traditions commémorables. Notre société est dirigée par les femmes, gardiennes de notre héritage.

Intriguée par cette notion différente d’organisation sociale, Kaëlle chercha à en apprendre davantage.

— Un système matriarcal... Un concept fascinant. Comment se manifeste-t-il dans votre quotidien et dans vos prises de décision ?

— Je t’invite à rallier notre village, où nous poursuivrons dans un cadre propice aux partages.

Kaëlle accepta avec gratitude. Yara se tourna vers l’une de ses filles :

— Léandra va annoncer notre arrivée avec une convive que nous sommes honorées d’accueillir parmi nous.

— À vos ordres.

Égal à un félin, l’émissaire s’élança sans attendre.

Silencieusement, elles cheminèrent, suivant le murmure du vent. Au détour d’un sentier, niché entre deux collines, des huttes en bois s’érigeaient harmonieusement, entourées de jardins. Yara la guida vers une demeure massive, se différenciant par des tribulations guerrières peintes sur sa façade. À l’intérieur, des bûches crépitaient – autour desquelles ses conseillères poireautaient, curieuses de rencontrer cette visiteuse. Les heures s’écoulèrent telles des minutes, enrichies par des discussions. Les ombres dans la s’étalaient, témoignant du passage du temps, tandis que l’atmosphère se chargeait d’une complicité naissante.

Finalement, le gong retentit, marquant le terme de cet interlude intime. Des œillades admiratives se posèrent sur la rouquine, mais la déception d’être interrompus dans leur captivant échange se lisait sur les minois.

À l’extérieur, le bourg se transformait en une scène animée. De longues tables trônaient au centre, composant un carré autour duquel tous s’étaient rassemblés. Un animal rôti occupait le milieu, émettant des arômes alléchants qui chatouillaient ses narines. Elle se joignit aux guerrières, qui, dans un premier temps, se consacrèrent à nourrir les enfants. La marmaille satisfaite, Kaëlle prit la place d’honneur aux côtés de Yara. Cette dernière siffla, et trois beaux gaillards émergèrent d’une chaumière.

— Choisis-en un.

Parmi les prétendants, un en particulier attisa son appétit, grand et blond. Ses iris azur capturaient l’éclat ambiant. Vêtu seulement d’un pantalon, son torse musclé dévoilé valorisait sa puissante silhouette.

Tandis que Kaëlle l’observait, elle remarqua avec gêne qu’il la dévisageait. Un doux rougissement teinta ses pommettes. L’attraction mutuelle créait une tension sans équivoque. Elle désigna l’élu de son index bagué.

— Phœbus, à partir de ce jour et jusqu’à son départ, tu seras l’unique serviteur de notre invitée.

Yara chuchota :

— Il satisfera tes souhaits. Les plus charnelles d’entre nous l’ont formé.

Saisissant le sous-entendu, la sorcière, toujours pucelle, se sentit embarrassée. En ces circonstances, les conseils de tante Lyana seraient bienvenus. D’une synchronisation parfaite, ils déposèrent les plats succulents devant les femmes affamées, tandis que d’autres se hâtaient de remplir leurs verres de vin. Malgré l’absence de paroles échangées, une compréhension tacite régnait. Chaque acte s’accomplissait avec une délicatesse témoignant d’une attention singulière. Leurs doigts se croisaient furtivement, établissant ainsi une connexion teintée de complicité. Il devinait instinctivement ses envies, veillant à ce qu’elle ne manque de rien. Cette connivence paisible créait une ambiance particulière, où l’empathie et la confiance s’entremêlaient.

Après une nuit tranquille, seule, dans une cabane généreusement octroyée, c’est d’un coup de baguette qu’elle troqua son négligé écarlate pour une tenue plus adaptée à l’aventure.

Avant de percer le seuil, elle toisa son habitat, l’insuffisance de confort luxueux l’indisposait. Ipso facto, elle le réaménagea, donnant aux rustiques une touche de noblesse. D’une hygiène moins douteuse que les amazones, elle s’accorda le plaisir d’un espace balnéaire, puis d’un salon, d’une chambre, d’une cuisine et d’un laboratoire occulte. Au final, l’intérieur devint plus grand que l’extérieur. Clairement, son objectif était de s’installer définitivement parmi ces gens.

Elle rassembla ses cheveux en une tresse, puis rangea sa Régalia entre ses seins et sorties. Phoebus l’attendait sur le parvis de sa hutte. En simple culotte de cuir, il dégageait une allure à la fois vigoureuse et élégante. Quand il la salua suavement, la sorcière rougit.

— Bonjour, parvint-elle à articuler. Comment se passe ta matinée ? Je suis prête pour cette journée. Qu’as-tu prévu pour nous ?

— Je me porte à merveille. D’autant plus depuis ton apparition, merci de t’en soucier. Pour notre programme, je compte t’immerger complètement dans l’existence des Amazones. Nous débuterons par une visite du village. Ensuite, je t’initierai à nos traditions, à notre mode de vie, sans rien omettre.

Un sourire sincère illumina l’escorte alors qu’elle confia :

— Hier, j’ai eu l’occasion de contempler les guerrières s’entraînant au combat et cela m’a intimidée. Pourtant, les meilleurs ont fait mon éducation martiale.

Phoebus la guida à travers les ruelles. Les habitantes s’affairaient, vaquant aux tâches quotidiennes, tandis que d’autres s’exerçaient vaillamment. Les échos du métal s’entrechoquant aux cris vibraient dans l’air, créant une atmosphère épique. Ils débouchèrent sur la fonderie.

Là, une Amazone au crâne nu et à la musculature impressionnante assenait de puissants coups de marteau sur une enclume. Les gerbes d’étincelles illuminaient son visage concentré. Après cette visite, l’éphèbe proposa un déjeuner dans un champ de fleurs s’étendant à perte de vue. S’adossant à une peau de bête, ils échangèrent sur les péripéties qui avaient façonné leurs vies :

— J’étais encore un poupon lorsque ma mère mourut à la guerre… peu après, mon père succomba à la maladie. Orphelin, j’ai grandi sans lignée, mais les villageois devinrent ma fratrie. Ils me nourrirent, me guidèrent et m’enseignèrent tout ce que je sais.

Émue par son histoire, une vague d’empathie la submergea. Doucement, elle saisit sa main :

— La perte de tes parents a dû être une douleur insurmontable. Toutefois, parmi ces âmes magnifiques tu as trouvé un foyer.

— Assurément, ils ont été mes piliers, ma famille de cœur. J’en ressens une incommensurable gratitude. Et toi, parle-moi des tiens.

Fixée sur l’horizon, Kaëlle esquissa un sourire.

— J’ai une sœur jumelle, Gaïa. Nous avons également deux frères, Nasëem et Aëgir. Cependant, notre tribu se distingue par son unicité, car nous quatre possédons la prérogative des éléments. Je maîtrise le feu.

Il écoutait attentivement, sa bouche s’ouvrant à mesure que sa compagne partageait son récit extraordinaire.

— C’est tout simplement prodigieux ! J’imagine que tu es investi d’une mission cruciale.

— Notre vocation est complexe. Elle est étroitement liée à la préservation de l’équilibre naturel, à la protection de l’humanité. Néanmoins, pour l’instant, je suis ici pour apprendre, grandir, découvrir toutes les merveilles que ce monde recèle..., et peut-être trouver l’amour.

Le soleil caressait délicatement leurs profils, instaurant une atmosphère intime. L’alchimie s’amplifiait à mesure qu’ils échangeaient. Finalement, les sens se croisèrent dans une interaction chargée de désir. Instant figé dans le temps, précédant cette occasion tant espérée.

Kaëlle, submergée par une vague d’émotions, s’abandonna à l’instinct. Timidement, sa main se posa sur la joue de son prince charmant, rapprochant lentement son nez du sien. Leurs lèvres se rencontrèrent dans un doux baiser animé. Langoureuses, les étreintes s’enchaînèrent, témoignant de la vigueur de l’attrait mutuel.

Ce pique-nique devint un prétexte pour se découvrir davantage, partager de l’affection. Le monde extérieur se dissolvait, cédant la place à un espace intime où seule la tendresse régnait. Au cœur de ce paysage idyllique, dans un champ de fleurs violines, ils se laissèrent emporter par la magie du moment.

Alors qu’ils succombaient à la passion libidinale, ils flottèrent, enveloppés par l’essence du Phoenix.

Absorbés par la fusion charnelle, ils parurent inconscients du phénomène, ce consacrant à savourer le présent. À mesure que l’embrasement s’intensifiait, le cocon s’accroissait, projetant des plaques de magma en tous sens. La jouissance simultanée atteinte, le feu du Phoenix les consuma.

Dans le village, à l’appel de l’odeur âcre de fournaise, Yara et ses lieutenants surgirent, impuissante face à l’ampleur de la catastrophe.

— Prélevez l’eau de la rivière et transférez les seaux en utilisant une chaîne humaine, ordonna la reine

Malgré l’effort, éteindre le brasier apparaissait impossible. La crainte de voir les incendies se propager aux habitations les rongeait. Mais la Créatrice soit louée…, cela ne se produisit pas. Après des heures d’arrosage illusoire, les flammes furent attirées vers le cœur du champ carbonisé. Au milieu des poussières fumant se tenaient les tourtereaux. Épuisées, les amazones entourèrent les amoureux, qui émergeaient lentement de la fusion ardente. Leurs corps se régénéraient, la nuée opaque disparaissant pour laisser place à une peau resplendissante. Maintenant apaisé, le flou de la fournaise swinguait doucement autour d’eux. Soucieuse, Yara s’avança :

— Que s’est-il passé ?

— L’osmose de nos âmes sœurs a éveillé une antique force, celle du Phoénix. L’essence de cette créature légendaire nous imprègne désormais. Phoebus vivra tant que je respirais. Notre attachement a transcendé les frontières de la mort, scellant notre destinée à tout jamais.

Entre elles, les guerrières chuchotaient d’inquiétude face à cette sidérante révélation. Dans un premier temps, Kaëlle leva sa baguette et un ballet de particules s’en échappa. Les herbes brûlées aspirèrent cette magie. Puis, sous l’effet de l’incantation, des pousses frémissantes surgirent de la terre.

Le champ, dévasté quelques instants auparavant, s’animait dans un kaléidoscope de couleurs. Les arbres, dépouillés de leur feuillage, retrouvaient une parure verte. Enfin, les chants des oiseaux se firent entendre, célébrant cette renaissance.

Le sortilège se compléta dans un souffle apaisant, une onde de chaleur s’élevant du sol pour envelopper ceux présents. Elle abaissa sa Régalia. Phoebus, à ses côtés, ne pouvait qu’admirer la dextérité avec laquelle elle maniait ses charmes.

— Vous voyez, dit-elle, la sorcellerie, à l’instar de la vie, est un cycle. Destruction et création, mort et avènement, elles coexistent en un équilibre délicat. Aujourd’hui, nous avons été témoins de cet équilibre, et je suis honorée de partager ce moment avec vous.

Yara s’avança. Ses traits étaient durs, mais brillaient de respect :

— Ta magie et ton esprit sont les bienvenues parmi nous, Kaëlle. Tu es un exemple de la force des Amazones.

Humble, la Sorcière inclina la tête. Phoebus prit sa main. Ces âmes sœurs sentaient le seuil du chapitre suivant, pas seulement dans leur idylle, mais dans le grand récit cosmique.

Alors que les volatiles continuèrent à piailler, Hélios disparaissait à l’horizon, colorant le ciel de teintes orangées et roses.

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