Marion
Des parents aimants, un travail épanouissant et un appartement au dernier étage de la célèbre Scribay Tower dont les vitres surdimensionnées offraient une vue imprenable sur le Net qui coulait entre les gratte-ciels. Voilà le tableau parfait que Marion, une jeune femme rousse partageait avec son chien Hector, qui chaque jour attendait son retour avec impatience pour lui sauter dessus et la câliner.
Les amis de Marion enviaient cette femme moderne, libre, pétillante et qui respirait la joie de vivre. Ils espéraient tous secrètement être un jour contaminés par ce bonheur. Pourtant la plus grande richesse de Marion ne venait pas de cet apparat. Elle venait de ce temps passé en clown auprès des enfants malades, de ces parties de belottes endiablées au foyer rural de son quartier, de ces soupes chaudes servies l’hiver aux sans-abris.
Sans qu’elle ne sut expliquer pourquoi, c’était d’ailleurs cette activité qu’elle préférait le plus. Elle lui permettait de réchauffer les corps en proposant des vêtements du secours populaire, les cœurs avec de l’attention et d’offrir quelques instants de répit avec une soupe ou un café. Cette activité était devenue une habitude et chaque hiver, Marion prenait plaisir à retrouver les mêmes bénévoles dans les mêmes locaux. Rien ne changeait, ou presque. Les seules variations venaient des nouveaux sans-abris qui apparaissaient toujours plus nombreux, tandis que d’autres disparaissaient sans donner de nouvelle, sauf un : Victor.
Victor était un jeune homme que la vie n’avait pas épargné. Abandonné au plus jeune âge par ses parents, il avait vécu dans des foyers d’accueil jusqu’à sa majorité, puis il dû partir et se débrouiller tout seul. Physiquement marqué par les mauvaises rencontres, l’alcool et la drogue, il n’avait pas vraiment d’objectif et vivait au fil des évènements, sauf l’hiver où il aimait venir échanger quelques mots de réconfort avec Marion.
Des années passèrent et une amitié vit le jour, c’est pourquoi Marion redoubla d’ingéniosité pour sortir son ami de la rue. Elle proposa à Victor un dîner au chaud, une chambre d’ami, une douche, de l’aide pour trouver un travail mais celui-ci n’accepta rien, préférant sa situation.
La jeune femme rousse qui se sentait impuissante, commença à s’éteindre. Elle sortit de moins en moins avec ses amis et son sourire laissa peu à peu la place aux cernes, aux poches sous les yeux et à la fatigue jusqu’à ce qu’elle réalise que l’essentiel lui manquait : Un amour réciproque.
Les choses s’enchainèrent très vite : elle vendit son appartement, démissionna de son travail « rangé », plaça tout l’argent dont elle disposait sur un compte, conjura ses parents de ne pas s’inquiéter, prit son chien Hector et entreprit de rejoindre Victor sur le trottoir, face à cette boutique désaffectée et dans un sac de couchage déchiré, par amour pour lui.
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