La femme à la robe rouge (1)
Inspiré d’une histoire vraie
Jour 1 : 19h
- « Voilà votre clé Monsieur Schubert. J’espère que vous serez très heureux dans votre nouvel appartement. »
Peter se demanda si elle était ironique ou juste stupide. Comment pourrait-il être heureux dans un trou si paumé ? Il regarda ce qui allait être son nouveau foyer et soupira d’un air résigné. L’extérieur de l’immeuble, si on pouvait le qualifier ainsi, ne paraissait guère accueillant. Il devait dater d’au moins une centaine d’années. Peter eut soudain peur que le bâtiment ne soit pas aux normes actuelles. Mais pourquoi donc en était-il réduit à ça ?
Parce que ta salope d’ex-femme t’a tout pris ! Maintenant elle doit être en train de fêter ça avec le premier abruti venu.
Décidément sa conscience refusait de le laisser tranquille. Il fallait qu’il pense à autre chose sinon il allait encore s’apitoyer sur son sort. Il regarda de nouveau la façade de l’immeuble. Peut-on parler d’immeuble quand il n’y a que trois étages ? Il n’en était pas sûr du tout. On pourrait décrire cela comme une vieille bâtisse décrépie. Et dire qu’il avait signé un bail de trois ans. Non mais qu’est-ce qu’il lui avait pris de s’exiler autant juste pour fuir son ex-femme ! Inutile de se lamenter plus. Peter souffla et s’avança d’un pas résolu vers sa nouvelle demeure. Il poussa la porte d’entrée. C’était pire que ce qu’il avait imaginé. On aurait dit que la poussière s’était accumulée pendant des mois. N’y avait-il donc pas de concierge ou de femme de ménage ? Il fallait croire que non. Son appartement était au premier. Les déménageurs avaient normalement déjà tout livré. Heureusement car il lui semblait qu’un orage se préparait et il ne se voyait pas rentrer tous ses cartons maintenant. Il avait plutôt envie de fuir le plus loin possible. Malgré tout, il posa le pied sur la première marche. Le bois craqua et l’espace d’un instant Peter eut peur qu’il cède. Il se rassura en se rappelant que si les escaliers avaient supporté les déménageurs, ils supporteraient bien son poids plume. Les marches continuaient cependant de craquer sous son poids et il monta les escaliers à toute vitesse, essayant de masquer son bruit au maximum. Peine perdue. Il arriva presque en courant au premier étage.
Oh non ! On dirait le couloir de Shining. Pourvu qu’il ne me sorte pas un fantôme d’en face.
Peter se concentra sur les numéros d’appartement en étant malgré lui sur ses gardes. Décidément il lisait trop de Stephen King. Appartement 16. Parfait. Il avait à peine enfoncé la clé dans la serrure qu’il sentit un regard dans son dos. Lentement il se tourna et tomba nez à nez avec la voisine d’en face. Cette dernière avait juste entrebâillé sa porte histoire de le regarder. Il sourit et la gratifia d’un chaleureux « Bonjour ! » malgré la légère frayeur qu’elle lui avait causée.
- « Méfiez-vous de la hache qui toque à votre porte. »
Sur ces joyeuses paroles, la vieille dame claqua sa porte et Peter l’entendit la verrouiller à double tour.
Ok… La vieille folle de l’immeuble, ça, c’est fait !
Les jours ici s’annonçaient très joyeux. Quelque chose lui disait qu’il allait passer beaucoup de temps avec la porte verrouillée des fois que la vieille eût envie de manier la hache. Pas très rassuré, il ouvrit la porte de son nouveau « chez soi ». Des cartons s’entassaient partout sans souci d’un quelconque rangement. Peter soupira en pensant aux heures de travail qu’il allait devoir faire pour rendre cet endroit vivable. Pour commencer il retira sa veste et ouvrit le placard dans l’entrée. Il la jeta sans regarder à l’intérieur. Il aurait tout le temps de découvrir la tache de sang sur le mur plus tard. Par la suite il commença par vérifier que l’eau coulait et prit sur lui de nettoyer l’appartement.
Qui sait depuis combien de temps ça n’a pas été fait !
Il ne fallut pas moins de deux heures pour que l’appartement soit de nouveau propre. Il avait répertorié les différents travaux à effectuer sur une liste. La plupart correspondaient à des marques dans les murs à colmater. S’il avait voulu jouer à fond le film d’horreur il aurait dit que ces marques pourraient correspondre à des traces de coups de hache dans le mur. Mais il avait d’autres préoccupations. Le vent commençait à se lever dehors et faisait claquer les volets. Il se dépêcha de les fixer avant de se rendre compte qu’il ne pouvait pas les fermer. La petite fenêtre du salon allait devoir rester « ouverte » pendant la nuit. Avec l’orage qui menaçait cela promettait une nuit palpitante. Il n’y pensa pas encore car il était déjà presque 21 heures et il avait encore tous ses cartons à déballer. Il alla d’abord se passer un peu d’eau sur le visage avant de démarrer le grand rangement. La salle de bain bétait petite mais c’était suffisant pour lui. Il se mouilla les cheveux et resta ainsi la tête penchée sur le lavabo. Il sentit la migraine arriver. Cela devenait de plus en plus récurrent. Il allait devoir en reparler à son médecin mais à quoi bon. Ce dernier lui ferait encore une batterie de tests qui ne prouveraient rien. Alors il resta ainsi, les yeux fermés. Il essayait de se décontracter.
Calme-toi. Ferme les yeux. Ne pense à rien. La migraine va passer.
Peter se répétait cette même litanie quand il sentait la migraine venir. Il se laissa glisser sur le sol et posa sa tête sur ses genoux. Il fallait se calmer. Généralement il restait assis dans cette position pendant une vingtaine de minutes avant de pouvoir reprendre une vie normale. Environ cinq minutes passèrent quand…
Des murs blancs. Une pièce froide. Une pièce vide de sentiment. Un lit avec des chaînes. Lumière aveuglante. La peur. Des bruits de pas derrière la porte. Et une peur encore plus grande. La porte qui s’ouvre. Un hurlement.
Peter se réveilla en sursaut. Il jeta des regards fébriles autour de lui. Il fallut quelques secondes avant qu’il ne se rappelât où il était. Il transpirait. Il suait. Il se jeta sur le lavabo et essaya de vomir sans succès. Il s’était évanoui. Décidément les migraines devenaient de plus en plus violentes. Et voilà qu’il commençait à avoir des visions par-dessus le marché. Il avait touché le fond du gouffre et apparemment il continuait de creuser. Peter essaya de se souvenir de sa « vision » mais sans succès. Il se souvenait juste d’une sensation de peur immense. Il attendit quelques minutes avant de repartir à l’assaut des cartons. Il laissa dans la salle de bains ses doutes et ses peurs. Dès l’ouverture du premier carton il ne pensait plus du tout à sa vision.
Il était plus de minuit quand il se coucha enfin sur son matelas gonflable, le lit devant être livré le lendemain. Il s’endormit avant même que sa tête ne touche l’oreiller.
Il s’éveilla vers 1h du matin. Tout d’abord il ne comprit pas ce qui l’avait réveillé étant donné qu’il était toujours fatigué. Il pensa en premier lieu à l’orage qui tonnait dehors. Et puis il entendit les pas.
Quelqu’un marchait dans le couloir.
Cela n’avait rien d’exceptionnel en soi et pourtant Peter n’osait plus respirer. C’était un pas lourd, un pas lent. Pas le genre de pas que fait une personne qui rentre tard chez elle et qui n’a qu’une envie c’est de se retrouver dans son lit. Non là c’était le pas de quelqu’un qui prend son temps, qui analyse.
Quelqu’un qui cherche où aller.
Peter tendit plus l’oreille et entendit comme un raclement. Cela lui fit penser à un objet lourd qu’on traîne sur le sol. Normalement il n’était pas sujet à la peur nocturne mais la migraine et sa perte de conscience l’avait fatigué et disposé à tout croire. Malgré la peur que ce bruit lui inspirait, il se força à se retourner et se rendormir. Mais, alors qu’il allait se retourner, une autre peur l’envahit. Une peur qui lui faisait froid dans le dos.
Il y a quelqu’un derrière moi.
C’était plus qu’une sensation. C’était une certitude. Il sentait des yeux rivés sur lui. Était-ce un cambrioleur ? Dès le premier soir ? Il n’y croyait guère. Mais malgré tout il se souvint de la fenêtre au volet cassé. Lentement il tourna la tête. Il fallait qu’il en eût le cœur net. Ce qu’il vit le stupéfia. Une femme se tenait dans l’encadrement de la salle de bains. Elle portait un chapeau et une robe rouge sombre. Un éclair éclata au dehors et éclaira le visage de l’inconnue. Il était d’une pâleur cadavérique. Mais ce qui frappa plus Peter c’était ses yeux. Ils étaient noirs et remplis de haine. Elle plongea son regard dans celui de Peter. Puis elle tourna la tête vers le couloir et cria. Plus qu’un cri c’était…
Un hurlement à la mort.
Peter était trop apeuré pour répondre. Il resta les yeux rivés sur la femme. Cette dernière stoppa son cri, plongea une dernière fois son regard dans celui de l’homme et disparut. Tandis qu’il sombrait dans l’inconscience, Peter eut juste le temps de noter qu’il n’entendait plus les pas et de voir l’heure.
1h16
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