Le vieil homme de Camden
Personne ne veut savoir ce que c’est
dormir sur un banc
dormir sur le sol
matelas-couverture de journaux
s’endormir
sous la pluie
chercher sa survie
Personne ne veut voir
détourner
le regard
plongé dans le bitume
des œillères
un voile sur les paupières
Et le vieil homme de Camden est
ramassé
sur le trottoir
ramassé
sur lui-même retranché
caché
dans sa biture
sa folie
les mots jaillissent
vomissures ricochent
sur l’indifférence
Le vieil homme de Camden délire
entre un tas d’ordures
le caniveau
canettes et tessons
deux capotes une seringue
amas de mégots
de déchets
Un déchet
au milieu des fêtards
converses jean lacéré déchiré
Déchirés
ils s’en vont à Soho
et ça gueule et ça rit
à l’appel de la nuit
Les bandes passent
indifférentes
à la canne blanche
au regard vitreux
aux yeux opaques
aux mots mauvais éclats
éclatés qui surgissent
réverbèrent en échos
et se perdent dans la nuit
La ville est un corps malade
une tumeur qui grossit
qui pourrit
qui s’approche
s’y accroche
s’y perd
La ville est une tumeur
qui grandit à vue d’œil
et jamais n’éclate
ne se soigne
ni résorbe
Elle absorbe en chacun
les promesses de l’enfant
te réduit
au néant
alimente
ton vide
ô rage
des
espoirs
e
n
g
l
o
u
t
i
s
Camden Town Station
sur le trottoir d’en face
minuit dix
sous la pluie
fébrile
un cri se noie
dans ma gorge
une lame
dans le ventre
et le cœur écorché
seule je pleure
le vieil homme de Camden
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