Un autre jour d’avril 2021
Mon verre est rempli d'un château neuf du pape 2005. Une bouteille offerte par un collègue de brigade à qui j'avais rendu service. Ouais.. Je suis le genre de femme, à qui on offre du vin, pas des fleurs...
A ce moment précis je bois pour essayer de penser à autre chose que ce merdier. Ou Je bois pour avoir les idées claires..
Ce merdier indéfinissable dans lequel je me trouve depuis 24h. Depuis que des promeneurs ont trouvé ces trois pendus dans les bois des Bleuets. Non Eli soit honnête …c'est pas depuis 24h.. c’est depuis 20 ans que tu nages dans ce bordel sans nom . Ce gouffre qui te balance , de jours en jours, comme une poupée de chiffon qu'on aurait flanqué dans une machine à laver, à 2000 tours /minute.
J’entends mon portable sonner, mais je refuse de me lever. Pas besoin de faire des discours ou d'entendre une voix compatissante. Pas besoin de dire que je suis en état de choc, et que mon bon sens a pris des vacances, en me laissant seule avec du pinard et une tonne de souffrance. Putain Papa...
Tous les jours de ma vie tu me manques.
L'année de ta disparation je fêtais mes 10 ans. Nous nous étions retrouvés dans la salle des fêtes de la commune, avec tous nos amis. Maman avait voulu me faire plaisir, en pensant que nous devions continuer de vivre normalement, que nous devions nous relever coûte que coûte. Mais ton absence était un fléau pour nous tous, et malgré la souffrance que j'avais ressenti, j'avais essayé de faire bonne figure pour faire plaisir à maman et à Nana..
Nana, qui nous a quitté l'année d’après ton décès, ne supportant pas le chagrin incommensurable que lui avait causé la perte de son fils. Deuxième coup en plein cœur. Ce cœur à présent déchiqueté.
Je repose mon verre et entreprends d'aller à la cave chercher une autre bonne bouteille, quand c'est au tour du téléphone fixe de se mettre à sonner.
Fais chier, je réponds pas.
Au bout de quelques secondes, la messagerie s’enclenche, et je m'arrête net dans les escaliers.
- Chérie c'est maman, tu es là ?
Je me retiens de respirer comme si elle pouvait m'entendre.
_ Théo m'a dit pour les corps que vous avez trouvé, faut vraiment qu'il arrête de cafter celui là pensais-je furieuse.
-Appelle moi s'il te plaît , je t'aime. Elle raccroche, et le silence qui s'en suit, me laisse dans un trou noir sans fond, sans que je puisse me raccrocher à quoi que ce soit qui pourrait m’empêcher de tomber à l'infini
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