Chapitre 4 : Ilan
Comme promis, Ilan revint le lendemain et le surlendemain et encore le jour d’après. Bref, il revint tous les jours de la semaine, à chaque fois au même moment, pendant l’heure du souper. Le plus souvent, il posait des questions anodines pour apprendre à me connaitre. Je faisais pareil, bien entendu, sauf qu’il ne me révélait jamais de choses très intéressantes sur lui. Tout ce que j’avais réussis à apprendre, c’était qu’il n’aimait pas les choux de Bruxelles et qu’il était intolérant au lactose. D’autre fois, il se contentait de me regarder manger en silence, un sourire mélancolique aux lèvres. C’était dans ces moment là que j’arrivais le mieux à le cerner car lorsque je plongeais mes yeux dans les siens, j’avais l’impression de ressentir toute sa tristesse et toutes ses angoisses.
Bien évidemment, je n’ai pas su me taire et j’ai parlé des visites quotidiennes d’Ilan à Zoé. Tous les jours, elle me demandait un compte rendu détaillé de nos discussions de la veille. Je me faisais un plaisir de m’exécuter, je ne lui cachais aucun détail. De temps à autres, je devais quand même lui rappeler qu’Ilan et moi étions juste des amis parce que ce n’était toujours pas très claire dans sa tête.
Un jour, elle s’arrangea pour venir me rendre visite plus tard. Elle se pointa pile pour mon repas du soir. Ilan était déjà assis devant moi. C’était un de ces jours où il préférait rester silencieux. Moi, j’étais complètement absorbée par son regard envoutant.
— Salut, moi c’est Zoé, fit mon amie en se précipitant droit sur le jeune homme.
Ilan se tourna vers Zoé. Le contact rompu, je sortis de ma transe.
— Je sais, Dana me parle souvent de toi, répondit-il avec son sourire habituel.
Quand il eut fini sa phrase, il se leva et, avant que mon amie n’ait le temps de le bombarder de questions, dit :
— Je vous laisse entre vous entre vous les filles. A demain Dana.
Zoé le regarda partir avec incompréhension.
— Qu’est-ce qu’il a ? Je lui ai fait peur ?
— Non c’est tous les jours comme ça, la rassurai-je. Il s’arrange toujours pour partir avant que l’infirmière vienne rechercher le plateau.
— Si tu le dis, fit-elle.
Elle n’était pas convaincue, je pouvais l’entendre au son de sa voix. Je ne m’en formalisai pas. Ilan était du genre taciturne et réservé, tout l’inverse de Zoé. Elle se sentait vexée voilà tout. De toute façon, elle n’allait pas tarder à retrouver son air enjoué. Et comme de juste, quelques secondes plus tard, elle me regardait avec un franc sourire.
— Tu as une mine radieuse aujourd’hui, me dit-elle. Les visites de ce garçon te font le plus grand bien.
— Tu trouves ?
Elle fouilla dans son sac à main et me tendit un petit miroir de poche.
— Regarde ton visage à repris des couleurs.
J’y jetai un œil et de fait, mes joues étaient bien plus roses et j’avais perdu les vilaines cernes en dessous de mes yeux. Il y avait bien longtemps que je ne m’étais plus vue aussi rayonnante. Il faut dire qu’à force de voir un zombie dans la glace, j’avais arrêté de porter attention à mon reflet.
J’eu soudain envie d’essayer une chose que je n’avais encore jamais faite.
— As-tu du maquillage avec toi ? demandai-je à Zoé.
— Bien sûr !
Je n’eus pas le temps de le lui demander qu’elle sortît déjà tout ce qu’elle avait avec elle. Elle avait compris ce que je voulais. Patiemment, elle me montra comment faire mon teint pour ne pas ressembler à une citrouille. Elle passa ensuite à mes yeux. Elle choisit des fards à paupières bruns pour rester dans un maquillage naturel. Elle appliqua ensuite un peu de mascara. Pour mes lèvres, elle choisit un gloss assez léger.
Quand elle eut fini, je me levai et me dirigeai vers la salle de bain. Je souris devant le miroir. Je ressemblais enfin à une jeune fille de 17 ans.
— Demain je viendrai un peu plus tôt et je encore plus beau comme ça Ilan pourra admirer à quel point tu es belle, dit-elle en se plaçant derrière moi.
— Tu n’es pas obligée, dis-je gênée.
— Laisse-moi exprimer mon talent veux-tu !
Je ne dis plus rien, protester n’aurait servis à rien. Quoi que j’en dises, Zoé serait là demain.
Quand Ilan arriva le lendemain, je me sentais mal à l’aise. J’avais peur qu’il me trouve ridicule avec mon maquillage. Pourtant, à la minute où il entra dans ma chambre je me détendis. Il me faisait toujours cet effet-là.
Zoé, debout à côté de moi, guettait sa réaction. Elle avait attendu toute l’après-midi pour être sûr de ne pas rater sa venue.
Il s’avança vers moi, tout sourire. Toutefois, je le trouvais un peu plus fatigué que d’habitude. Il s’arrêta à quelques pas de moi et ouvrit la bouche, mais, prit d’une quinte de toux, aucun mot n’en sortit. Il tomba à genoux, le souffle couper. Je me levai de ma chaise et me précipitai auprès de lui.
— Tu vas bien ? demandai-je.
— Oui oui ! m’assura-t-il.
— Tu es sûr ? fit Zoé alors qu’Ilan se relevait. Parce que tu n’as vraiment pas l’air bien.
Mon amie n’avait pas tort, Ilan était blanc comme un linge. Déjà hier je l’avais trouvé un peu pâle. Je ne m’étais pas inquiétée, je m’étais dit qu’il devait juste être fatigué.
— J’ai parfois ce genre de crises, expliqua-t-il. Mais elle ne dure jamais longtemps.
Il sortit un inhalateur de sa poche et inspira un grand coup.
— Voilà, tout ira bien maintenant.
Zoé croisa les bras devant elle, elle ne le croyait pas du tout. J’étais du même avis que mon amie mais je m’abstins de tout commentaire. Ilan était assez grand pour prendre soin de lui-même.
— Au fait Zoé, tu es fait de l’excellent travail, fit soudain le jeune homme. Dana est resplendissante.
Il voulait changer de sujet avant que mon amie n’ait l’idée d’appeler son père. Et son plan s’emblait marcher. Zoé était devenue très enthousiaste d’un seul coup et moi, mon visage était rouge comme une tomate.
— Je trouve aussi, dit-elle en sautant sur place. Je me suis surpassé cette fois.
— Tu devrais envisager d’en faire ton métier.
— Tu es sérieux ?
— Bien sûr, tu es très douée.
Cette fois, c’était certains, Zoé avait complètement oublié l’incident. Elle ne parlait plus que de maquillage et cherchait sur son portable des écoles pour devenir esthéticienne. Ilan ne cessait de l’encourager.
Quand il repartit, je trouvai que son état de fatigue avait empirer.
Le lendemain, Ilan était encore plus pâle que la veille. Et le surlendemain, des cernes commençaient à se marquer sous ses yeux. Je commençai à sérieusement m’inquiété pour sa santé.
— Ça va ? ton état à l’aire d’empirer ? demandai-je un jour alors qu’il était en sueur.
— Oui, ne t’inquiète pas. Il va juste falloir que je me mette au vert quelques temps.
— Bien sûr ! Soigne-toi.
Je ne l’avais jamais obligé à venir me voir tous les jours et certainement pas au dépend de sa santé. Ce serait égoïste de ma part d’exiger qu’il revienne demain alors qu’il était au plus mal.
Il se leva mais avant de partir il dit :
— Je suis désolé, j’aurais aimé que ça suffise à te faire quitter l’hôpital. Mais le docteur Laso ne semble pas décider à te laisser partir.
— Ce n’est pas grave, dis-je. Tu n’y es pour rien.
— J’aurais dû en faire plus, soupira-t-il. Et maintenant, je vais devoir m’absenter et je ne pourrai plus te venir en aide.
— Que veut-tu dire ? demandai-je.
Je le fixai avec incompréhension. J’essayai de chercher des réponses dans ses yeux mais, la tête basse, il évitait soigneusement mon regard. Il toussa plusieurs fois, puis pris une grande inspiration avant de dire :
— C’est trop long à expliquer mais je te promets de tout te dire à mon retour. En attendant, surtout prends soin de toi.
Il sortit de la pièce sans rien ajouter. Moi, je restai assise sur ma chaise, immobile, à réfléchir à ses dernières paroles.
Je ne revis pas Ilan les jours suivant et j’en fut plutôt soulagée. Il avait besoin de se reposer. Malgré tout, je restais intriguée par ce qu’il m’avait dit.
Zoé non plus ne vint plus me rendre visite pendant quelques temps. Elle était partie en voyage scolaire. Cela faisait des semaines qu’elle ne cessait de me rabâcher les oreilles avec ça. J’attendais le reportage photo avec impatiente.
— Il est grand temps que le beau jeune homme revienne, dit une infirmière en entrant dans ma chambre. Tu as triste mine aujourd’hui.
Même si Ilan faisait toujours très attention de ne croiser personne lorsqu’il venait me rendre visite, toutes les infirmières étaient au courant de ses allée et venue. Zoé n’avait pas pu s’empêcher de crier dans tout l’hôpital que j’avais un prétendant. Mes parents ont été un peu inquiets au début mais dés que je leur ai assurer qu’il ne s’agissait que d’un ami, ils me laissèrent tranquille avec cette histoire.
Pendant que l’infirmière vérifiait ma tension, je me mis à tousser. D’abord juste deux ou trois fois, puis de façon plus prononcée.
— Tu devrais peut-être mettre ton masque, me suggéra-t-elle.
— Non ça va passer. J’ai juste attrapé froid en me promenant dans les jardins. Je voulais profiter des derniers jours de l’été avant que le mauvais temps ne vienne. Je ne m’étais pas rendue compte que la température était aussi basse aujourd’hui.
— Ce n’est pas prudent de ne pas se couvrir à cette période de l’année, me reprocha-t-elle.
Elle continua son examen de routine en silence.
— Je vais tout de même en parler au docteur Laso. Dit-elle avant de sortir de ma chambre. On n’est jamais trop prudent.
Je soupirai. Je trouvais inutile d’alarmer le docteur pour un simple rhume.
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