Chapitre 18

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Joren vit les yeux gris de la jeune femme s’écarquiller de frayeur, la forme d’un cri se dessina sur ses lèvres, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Elle recula pourtant, de manière si vive que Danil dût fermer la porte pour ne pas qu’elle s’échappe.

— Vous êtes Giselle de Madalberth ? questionna-t-il.

Le Prince se tourna vers son ami avec un regard rempli d’incompréhension. Il ne la reconnaissait pas.

Ses yeux se posèrent vers la frêle jeune femme qui lui faisait face. La tête basse, les mains tremblantes, les cheveux tirés en arrière, une paire de petite lunettes sur le nez.

— Je suppose que oui, dit-il en continuant de l'observer, car vous m’avez identifié. Peu de gens arrivent à le faire, lorsque je ne suis pas dans mon habit de Prince couronné.

Il sortit d’un tiroir un vieux journal froissé, en première page était imprimé le visage de Giselle. En voyant le papier, la jeune femme frissonna. La photo remontait de l'annonce de la date de son mariage.

— Et bien, je vous félicite, vous avez parfaitement réussi à disparaître.

Joren remarqua que la jeune exilée portait une broche en forme de sablier sur sa simple robe de coton beige.

— Vous êtes née sous la protection de Ménée, il me semble... l'incarnation de l'été et de la maturité… Vous arborez pourtant le symbole de Kertion, protecteur du savoir… C’est aussi le signe de Dusan, vous avez fait cela exprès ?

Les yeux de Giselle s’illuminèrent d’une lueur de défi. Joren esquissa un sourire.

— Laissez-moi deviner… Une robe toute simple, un emploi chez un Baron nouveau riche, le dieu Kertion… Vous avez complètement changé d’identité et renié votre passé. Vos patrons ignorent qui vous êtes et ne vous cachent pas. Ils n'ont rien à voir avec cette histoire. Asseyez-vous.

Giselle ne bougea pas. Ses jambes étaient devenues si vacillantes qu’elle craignait de s’effondrer d’un instant à l’autre. Le visage impassible, elle observa le Prince Joren. Ce dernier, constatant l’attitude déterminée de celle qui était autrefois sa future belle sœur, poussa un soupir.

— Je connais votre réputation, Mademoiselle de Madalberth. Soyez rassurée, je ne vous veux aucun mal. Je dois même dire que c’est tout le contraire. Danil, tu pourrais ramener quelque chose à boire ? Je prendrai une bière, installe-toi avec nous après.

Danil Brasidas hocha la tête et quitta le bureau avec précipitation.

— Danil est un ami à moi, nous avons pratiquement grandi ensemble dans les Antilles. Il vous a dit que vous ne risquez rien. C’est un homme de parole.

Elle resta muette. Joren fronça les sourcils.

Il n’avait croisé Giselle qu’en de rares occasions et n’avait jamais eu l’opportunité de parler avec elle, il ne connaissait que sa notoriété et le scandale dont elle avait été la cible. C’était apparemment une jeune femme intelligente et incarnant toutes les valeurs de la bonne société. Mais il avait en face de lui une personne plutôt froide et inexpressive.

— La dernière fois que nous nous sommes vus, c’était lors de l’enterrement de Carolina. Quoique… C’est surtout vous qui avez dû m’apercevoir pendant que je récitais ce discours. Comme je vois que vous êtes sur la défensive, à juste titre d’ailleurs… Avec ce qui vous est arrivé, il faudrait être stupide de ne pas vous montrer méfiante, je vais vous dire directement pourquoi vous êtes ici.

Joren remarqua que Giselle avait pincé la bouche et redressé ses épaules. En constatant que malgré la peur qui devait lui tordre le ventre, elle était prête à entendre tout ce qu’il pouvait lui annoncer, il se décida :

— L’Impératrice Carolina a été assassinée et vous possédez la seule preuve de son meurtre. C’est le mouchoir que vous lui avez offert et qui vous a été remis par Liselotte que ses meutriers veulent récupérer.

Le regard de Giselle se plongea subitement dans les yeux de Joren. En quelques secondes, il vit un feu s’éveiller dans les prunelles de la jeune femme. Une flamme vive, déterminée, remplie de furie. Le corps fluet de Giselle se gonfla d'un coup et il sentit un souffle chaud sortir entre ses lèvres ; le dos de la jeune femme se tendit soudain, se grandissant en maintien.

Joren témoigna de la résurrection de Giselle :

— Par les Dieux ! Sur la Mère ! s’exclama-t-elle avec force.

Danil arriva au même moment, portant à la main une bouteille de bière et trois verres à pied. Il devina la situation et se mit à verser l’alcool mousseux en poussant un soupir.

Giselle regarda le Prince Joren en oubliant en quelques secondes toutes ses souffrances passées. Cette révélation devint pour elle une évidence, le chiffre manquant d’une équation que son inconscient ne cessait de vouloir résoudre. Elle s’assit soudain, gagnée par l’émotion. Une vague fulminante de ressentiment et de soulagement noya son esprit. Les membres fragiles de Giselle se mirent à trembler ; exaspérée, elle perdit son souffle.

Joren, voyant son trouble, ne put s’empêcher de faire le tour du grand bureau et de la rejoindre.

— Je vous en prie, pardonnez-moi, je ne pensais pas que cela puisse autant vous perturber, vous avez l’air déjà malade… J’aurais dû attendre ou m’exprimer plus…

— Comment ? aboya Giselle, oubliant un instant à qui elle s’adressait, ne prenez pas de pincettes avec moi ! Cela fait plus d’un an… Une année entière… Que je me cache ici, que je me terre, persuadée que l’Empereur veut ma mort ! Dusan est-il au courant ? Pourquoi êtes-vous celui qui m’annonce cela ?

— Dusan ne sait pas pour le mouchoir, non... mais il sait pour le meurtre. Et si c'est moi qui vous apprends tout ceci et bien...

Giselle observa les traits de Joren ; blond, les yeux bleus, carrés d’épaules, il ne ressemblait pas à son père Auguste et encore moins à ses frères. Elle n'ignorait pas qu’il avait passé plus de la moitié de sa vie hors de la capitale, près du pays de sa mère, la première Impératrice Ulrika. En devenant proche de la famille régnante, elle avait appris que Joren n’était pas le favori parmi les ministres pour succéder sur le trône. Il avait été tenu trop de temps éloigné du pouvoir. Certains poussaient Carolina à influencer son époux pour qu’il fasse de Damjan son héritier.

— Je comprends…, dit-elle en regardant les bulles scintiller au travers du verre à pied. Les gens pensent que c’est vous qui l’avez tuée, n’est-ce pas ? Dusan également ?

— Oui, répondit Joren sans ambages, impressionné par la rapide déduction de la jeune femme. Je tenais à vous trouver le premier afin de pouvoir aussi me protéger moi-même ; étant donné que, au même titre que vous, je ne suis coupable de rien.

Les joues de Giselle se réchauffèrent. Joren prit le verre et but une gorgée.

— Je sais que vous êtes innocente et que vous n’avez pas menti, Mademoiselle de Madalberth.

Les épaules de la jeune femme tremblèrent un peu.

— Vous ne pouvez plus m’appeler comme ça, j’ai perdu mon titre et je ne figure plus sur mon livret de famille. Je suis Ilda Roding à présent.

— Oui, une préceptrice exemplaire, d’après Danil. Il m’a raconté avoir rencontré une demoiselle très étrange la veille, sans m’en dire plus.

Joren retourna de l’autre côté du bureau et s’assit dans le fauteuil en mettant ses pieds sur le bord du meuble.

— Vous ne vous ennuyez pas, dans cette maison perchée sur la falaise, à vous occuper de jeunes enfants gâtés ? Sous les ordres d’une Baronne qui devrait pourtant baisser la nuque sur votre passage ? Vous qui étiez une perle de l’Empire, vous aviez en main les rênes financières d’un des plus beaux duchés du pays et vous voilà contrainte à vivre la vie d’une banale domestique. On vous dit brillante, n’êtes vous pas frustrée d’avoir cette routine ?

— Je ne suis plus noble, répondit Giselle d’un ton revêche. Je n’ai d’ailleurs jamais demandé à ce qu’on baisse la tête devant moi.

Joren se gratta la barbe, continuant d’observer la jeune femme en face de lui et échangeant des regards avec Danil. Il commençait à être intrigué.

— Est-ce que vous allez me laisser repartir ? questionna-t-elle, le ton sec.

— Hélas, je crains que non... Votre sécurité est plus importante que votre liberté. Si Danil a pu vous trouver, alors qu'il ne vous a croisé qu'une seule fois à Lengelbronn, alors qu'en sera-t-il pour d'autres ? Vous sous-estimez votre... popularité. 

Giselle détourna rapidement le regard, la colère se lisait sur l'ensemble de son visage.

— Je vous assure cependant que je ne veux pas faire de vous une prisonnière. Je souhaite que vous me suiviez de votre plein gré, c'est pour cela que je vous ai avoué la vérité concernant ceux qui vous poursuivent. Le moment venu, votre témoignage sera important.

— Important pour vous...

— Oui. Je vois que vous êtes une femme fière, Mademoiselle de Madalberth. Je suis certain que vous souffrez chaque jour d'avoir été accusée à tord. Je pourrais effectivement vous demander de me remettre le mouchoir puis vous laisserais repartir mais... il vous a été légué par Carolina et je ne peux me résoudre à vous le retirer de force. Egalement, ma conscience m'oblige à vous protéger des risques que vous encourez. 

Les épaules dressées, Giselle se perdit quelques secondes dans ses pensées. Elle poussa finalement un long soupir et fixa les bulles qui éclataient en rythme erratiques dans son verre. Joren questionna avec toute la douceur dont il était capable :

— Comment avez-vous fait, pour disparaître ainsi ? 

— Je vous raconterai seulement si vous me dites comment vous avez fait pour me retrouver, répondit Giselle en portant le verre à ses lèvres.

La bière était forte et lui picota la bouche, mais le goût amer était ce dont elle avait besoin. Dans sa tête, mille pensées se bousculaient.

— C’est d’accord, fit Joren avec un grand sourire.

La jeune femme fut un instant troublée. Le Prince héritier semblait sortir d’un rêve brumeux, elle réalisa que cela faisait des mois qu’elle attendait qu’on l’appelle par son véritable nom.

— Je vous donne ma parole qu'il ne vous arrivera rien, répétat-il d'une voix plus calme. Comme je vous disais, je ne veux pas vous convaincre de force.

Contrainte pourtant de se dévoiler, elle inspira et raconta son histoire :

— J’ai appris la décision de Sa Majestée lors de mon arrivée à Comblaine, en Hautebröm. On m’a laissé sur la route avec seulement ma valise pour bagage. Ayant pris soin d’avoir gardé sur moi toutes mes économies personnelles, j’ai voulu rejoindre l’Arbise.

— Toute seule ? demanda Danil, qui était resté silencieux jusqu’à présent.

— Et bien, oui, je n’étais accompagnée de personne et mon père n’a pas…, l’émotion étrangla un instant la voix de Giselle.

Les deux hommes attendirent en buvant plusieurs gorgées.

— J’ai pris la route, en faisant un détour, car des inondations avaient détruit le pont qui menait à Thanberg, la ville d’à côté. Je voulais y acheter un billet de train et rejoindre la côte. J’ai remarqué que trois hommes étaient à ma recherche. En me cachant, j’ai découvert qu’ils ne devaient pas me laisser partir en vie.

— Ces hommes, vous les avez vus ? demanda Joren qui écoutait attentivement.

— Oui, c’était le nouvel intendant, embauché par ma belle-mère, ainsi que deux autres employés que je ne connaissais pas, dont un garde-chasse. J’ai fui et j’ai réussi à ne pas me faire prendre. J’ai eu la chance de tomber sur Willa, la fille du souffleur de verre du village de Brömder. Par la Mère, je peux vous assurer qu’elle m’a sauvé la vie. Elle m’a reconnue immédiatement et m’a nourrie, soignée et logée pendant des semaines. Elle et son père m’ont fait passer pour une cousine en visite. Je n’ai eu à aucun moment besoin de me justifier, ils ont cru à mon innocence. Ce sont d’ailleurs les seuls jusqu’à aujourd’hui. Ma propre famille a préféré s’écarter de moi afin de conserver notre réputation.

— Pourquoi eux, vous ont-ils fait confiance ? La somme qu’ils auraient pu gagner en vous dénonçant…

— Parce que…, coupa Giselle, courroucée, parce qu’au milieu de l’hiver, j’ai envoyé le médecin des Madalberth s’occuper de cet artisan et j’ai payé leur frais médicaux. Cet homme méritait des soins alors que ces imbéciles médecins de Thanberg ne voulaient pas faire de détours, à cause du pont détruit. je n'ai en réalité aucun mérite, j'ai juste fait... Peu importe, j’ai finalement compris qu’on m’attendrait sur les frontières, et n’ayant pas confiance dans les passeurs, je ne suis pas partie pour l’Arbise.

— Pourtant, votre famille et le Gouvernement pensent que vous êtes là-bas…, annonça Danil.

Giselle hocha la tête avec un petit sourire de satisfaction.

— Oui, j’ai tout simplement demandé au père de Willa d’y aller à ma place. C’est un artisan réputé, les ouvrages en verre sont une spécialité de ma région, il voyage plusieurs fois par an. J’ai ouvert un compte bancaire arbisien, il signe les chèques à mon nom. C’est risqué, car des gens sont à sa recherche, pour me retrouver. Je fais également expédier des lettres à ma mère depuis une adresse qui change régulièrement et je me réponds grâce à Willa, qui me les envoie, depuis la ville de Sanvre. Cela n'a rien de compromettant, même auparavant ma mère m'a jamais répondu. Elle n'a même pas connaissance de cette correspondance. Je prépare mes textes à l'avance et je fait parvenir l'ensemble à Willa sous l'identité de Roding. J'invente ainsi les réponses, le courrier est souvent intercepté par les agents aux frontières... Mais ils finissent toujours par laisser les enveloppes repartir. Une fois que tout le monde a cru que je me suis établie en Arbise, je suis devenue celle que je suis aujourd’hui.

Joren fronça encore les sourcils :

— Comment avez-vous fait ?

— On m’a accusée d'être une faussaire et d’avoir menti sur ma fertilité, annonça Giselle d’un ton acide, alors c’est ce que j’ai fait. J’ai créé de faux papiers d’identité et j’ai menti en devenant une autre personne.

— Montrez-nous ! demanda subitement Danil en se redressant.

Giselle hésita un instant puis se rapella qu'elle ne pouvait plus redevenir une simple préceptrice. Si elle gardait le silence, ses maigres bagages seraient fouillés tôt ou tard, résignée, elle sortit de sa poche les documents. Les deux hommes saisirent délicatement les feuilles et les observèrent attentivement.

— Par Lykion ! s’exclama Danil, vous ne les avez pas volés ?

— Certainement pas, je ne suis pas une voleuse ! s’offusqua Giselle.

Joren remarqua qu’il y avait un soupçon de fierté dans la voix de la jeune femme, il sourit :

— Le papier et les tampons, les filigranes… Vous avez fait appel à quelqu’un ?

— Je n’en ai pas eu besoin, j’ai récupéré le papier du bureau du Ministère lui-même, de manière on ne peut plus officielle.

Elle se mit à rire, Joren regarda une fossette creuser la joue de la jeune femme :

— Sans me vanter, je suis assez douée dans plusieurs domaines manuels, dont celui de la calligraphie. C’est en fait l’un de mes loisirs… Le papier pour les documents d’identité n’est fabriqué que par le Gouvernement. J’ai tout simplement imité l’écriture de mon père en passant une commande de ce papier spécial, car je savais qu’il allait faire de ma demi-sœur Léonie une héritière plus directe. J’ai dit à Willa d’intercepter le paquet à Comblaine, ils ont changés tous les employés, personne ne lui a posé de questions. J’ai demandé au père de Willa de me forger tous les tampons nécessaires ; dans son atelier, il y avait tout ce dont j’avais besoin. De par mon ancienne position, je connais tous les sceaux administratifs par cœur. J’ai réalisé plusieurs courriers en falsifiant l’écriture des secrétaires pour valider tout cela, mis en place des lettres de recommandation pour mon titre de préceptrice… J’ai veillé à ce que la Directrice de mon académie ne soit pas trop élogieuse…

— Est-ce tout ? questionna Danil.

— Non... Voici également mes diplômes et mon acte de naissance.

Giselle déposa encore d’autres feuillets sur la table, sa main ne tremblait plus.

— Vous avez réussi à imiter toutes ces personnes ? demanda Joren avec sérieux.

— Oui, certains étaient mes correspondants, après tout. Pour d’autres j’ai consulté certains documents à la bibliothèque de Thanberg.

Joren et Danil se regardèrent, médusés.

— Par le Père, mon frère a été stupide de vous mettre de côté ! s’exclama soudain le Prince avec un sourire féroce.

Les yeux de Giselle brillèrent d'une lueur farouche à l'évocation de ce nom. La jeune fille but encore une gorgée de bière et demanda :

— À vous de me dire à présent comme vous avez fait pour me retrouver.

Danil répondit à sa place :

— La chance, en toute honnêteté. Dès le début du scandale, nous avons compris que vous aviez la clef de la mort de Sa Majesté Carolina. Votre éviction était trop suspecte. Nous savions que vous alliez être pourchassée et nous avons envoyé des hommes à votre recherche, sans succès. Cependant, l’arbisien balafré jeta un coup d’œil à Joren, nous avons une certaine expérience des fuyards, bien plus que les gardes impériaux. Rester près des rivages est le meilleur moyen de pouvoir s'échapper à tout moment en prenant un bateau. Nous avons éliminé les villes côtières une à une. Nous ne songions pas vous trouver avant plusieurs années… J’avais réellement rendez-vous avec le Baron Bodenwill pour affaires.

Joren demanda :

— Le mouchoir, vous l’avez toujours ?

— Bien sûr.

— Il faudra nous l’apporter, dès demain. N'imaginez pas vous sauver.

— Je ne vais pas fuir, répliqua Giselle, j’y ai effectivement pensé hier, mais je vais rester ici, et je me vengerai de ceux qui ont volé ma vie et détruit celle de Carolina.

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