Les universités (1.2.3)
Tome 1 > chapitre 2 > partie 3
Ils approchaient du quartier savant de la ville, les bâtiments majestueux devenaient plus nombreux. Ils distinguaient au loin les toits et les magnifiques dômes de cuivre orangé ou gris-vert des vieilles universités, parmi les premières du Continent à voir le jour. La cité s’était toujours voulue le lieu de connaissance par excellence. Beaucoup d’étudiants et de privilégiés de tous pays continuaient à venir y être formés. Historiquement, cet attrait avait permis la diffusion des idées de la Calistrie, semant à l’époque les graines de la révolte contre Solamance avant d’en devenir le fer de lance.
Poène et Anaelis entendirent le bruissement de la foule au loin, il devint murmure puis clameur. Ils arrivèrent enfin sur le parvis des universités : noir de monde et coloré de vêtements estivaux. Au centre, une large fontaine entourée d’arbre fredonnait à l’unisson des gens. Des milliers de jeunes adultes s’y réunissaient afin de prendre connaissance, au moins en partie, de la suite de leur vie. L’on appelait cela les crayées : des ardoises hautes de plusieurs mètres agencées en un vaste demi-cercle. En tête de chacune d'elles le nom d’une école, en dessous ceux des admis. Avec certainement quelque part sur la droite, là où étaient affichées les écoles les plus prestigieuses, le nom d’Anaelis inscrit à la craie, sur une seule et unique ardoise parmi toutes. Il les regardait dépasser au-dessus de la foule comme autant d’immenses portes emplies des noms de ceux qui, en les franchissant, changeraient de monde.
— On y va ? demanda Poène, toute à son excitation.
— Je commence par la gauche, répondit Anaelis.
Elle resta un instant surprise. Pour elle, commencer de ce côté signifiait envisager de ne pas intégrer l’académie des Chevaliers Sanges.
— Tu sais ce que c’est ton problème ? s’énerva-t-elle.
— Laisse-moi deviner. Le même que la dernière fois ?
— Exactement ! Tu n’as pas assez confiance en toi, grandis un peu ! On est les meilleurs, et tu le sais !
Elle le planta sur place et se dirigea directement vers la crayée des Sanges. La petite robe bleue disparut dans la foule, se frayant un passage à grand renfort de bousculades.
Anaelis sourit en la regardant s’éloigner. Il s’assit sur le parapet de la fontaine, sous le bruit rassurant de l’eau, et regarda les gens, saisissant des fragments de conversations. Il apprécia l’animation de la foule et la si agréable tension qui montait en lui, celle qui noue le ventre, glace les mains, fait se serrer les mâchoires.
Il dut se passer une demi-heure durant laquelle il regarda la vie autour de lui. De jolies filles aux vêtements doux et colorés, peut-être des soigneuses ou des femmes de lettres. Des garçons droits et assurés : scientifiques, trésoriers ou plus probablement de futurs soldats. Des gens au port haut et aux habits raffinés, que seraient-ils : conseillers, officiers, administrateurs ? Mages peut-être ? Un couple mignon qui passait en parlant à voix basse, elle avait l’air heureuse, il avait l’air amoureux. Par ici, une anecdote racontée, par là, des rires.
Anaelis se sentait bien. Il respirait l’odeur de l’eau fraîche, ressentait la chaleur de l’été naissant et s’imprégnait de la joie des gens autour de lui. Il était prêt, il était temps. Peu importait l’avenir, il existerait toujours des moments comme celui-là. La beauté serait encore là.
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