Maëlle m’explique. Elle en a déjà entendue parler. Par ses cavalières de l’apocalypse. Une pratique occulte de cérémonie détournée en acte intime, à ne pas pratiquer seule.

• Cela nécessite un certain apprentissage. Aurélie a dû faire le stage.
• Elle en est à sa septième fois. C’est quoi le but ?
• Aller jusqu’à neuf. Et arrêter. La dixième est fatale. C’est très organisé. Il y a peu d’initiées et ça marche pas avec tout le monde, seulement entre les élues importantes de l’Humanité.
• Je suis une élue importante de l’Humanité ?
• Il faut croire.

Aujourd’hui on préserve notre journée. Après un tour de jardin, c’est l’heure des recettes de cuisine. Ensuite, rangement et détente dehors sur la petite table de jardin à l’heure du thé. Tout sent tellement bon, un festival d’odeur, celles du bonheur. On écoute le silence, rien ne se passe. On inspire et on expire. Je dessine un M sur le bras de Maëlle. Elle en dessine aussi un sur moi. Un M comme Maëlle ou Megan. On s’M, on sème notre amour et on en récolte les fruits dans notre jardin et le lait dans nos seins. Ensuite Yoga et exercices de pleine conscience juste avant un câlin qui nous fait perdre nos esprits dans l’oubli de nos corps à fatiguer pour s’endormir et rêver de la plage à Laguna Beach, j’entends ma voix à travers celle de Maëlle, comme un appel : « Don’t forget, me. » Moi. Me. Megan. « Aime-moi. » Après m’être reniée, après m’être fuie, je me réconcilie avec moi-même à travers Maëlle qui maintenant ressemble tellement à la Megan H. que j’étais. Maëlle est pour moi un retour à la source, sans aucun mauvais souvenir, tous oubliés pour ne laisser que les moments de plaisir. C’est comme si j’étais arrivée à la fin d’une longue quête, un tour du monde qui me ramène à mon point de départ. Et puis je reprends conscience à mes côtés mais je ne suis pas dupe, je vois bien la Maëlle qui est en elle. Je la vois mais qui est-elle ?

• Qui es-tu ma « elle », ma sorcière bien-aimée.
• Je suis l’objet de tes désirs. Je suis celle qui t’accompagne et qui t’M.

Elle me montre son tatouage. Je colle mon bras contre le sien pour compléter le dessin, les coller l’un sur l’autre aussi, comme si on s’étaient imprimées, nos M s’embrassent, ils déteignent l’un sur l’autre, on s’embrasse aussi. Nos ventres se collent et s’agitent, on se tortille, on s’oublie, il n’y a plus de Jenna et de Maëlle, juste nous l’une dans l’autre, juste définies par le plaisir qui nous unit.