111 - faire le point
Après celle du soir qui diffuse dans notre sommeil, la tétée du matin pour avoir des forces toute la journée, chez nous à Sylvania, dans la maison de retraite paradisiaque de Maëlle. Bouche occupée, je l’écoute me parler avant d’inverser les rôles.
- J’ai grandie ici. Je suis heureuse que tu sois dans mon monde à moi. Mes souvenirs d’ébats avec toi remplacent ceux de Willem. Toi aussi tu m’es utile pour me construire et me reconstruire, ma Jennamour.
- On est faites pour vivre ensemble, comme des âmes sœurs. Je suis ta nouvelle sororité. Tu es la mienne aussi, ma jumelle de mon passé évolué dans mon présent primaire.
Dans ces moments là, nos conversations sont souvent philosophiques, pleines d’espoir le matin et pleines de bilans de nos existences le soir avant l’extase qui nous endort. On se parle pour ne pas s’oublier. On fait même les mêmes rêves la nuit où nos âmes refusent de se quitter. Et dans le réel on s’utilise l’une l’autre pour vivre notre nous chacune à notre façon mais ensemble. Moi face à Megan, elle dans sa nouvelle gémellité choisie. Je n’arrive plus à concevoir ma vie sans Maëlle, elle est la clé du sens de mon existence et au petit-déjeuner on croque dans la même tartine grillée recouverte de miel, notre petit rituel royal en hommage à Clémence et en remerciant Aurélie et ses abeilles. C’est notre prière du matin. Il y en a quatre autres dans la journée. Ce sont nos repères, les piliers de notre relation pour soutenir le toit de notre salut.
- Jenna, tu n’es pas si bête dans ton état primaire.
- Je ne le suis pas assez à mon goût. Heureuses les simples d’esprit. Mais je le suis déjà assez avec toi.
Même si notre relation un jour tourne mal, je suis prête à tout lui pardonner, car c’est à moi que je pardonne aussi à travers elle. Je ne serai jamais déçue, toujours reconnaissante, en pleine conscience de la chance que j’ai de l’avoir trouvée à travers son image de sorcière sulfureuse qui traîne au bar du Palace. Je me suis vue derrière le trompe l’œil de sa beauté blonde sophistiquée comme un négatif reconnaît son positif. C’est ce que je raconte à Énola à notre brunch du mardi au « boui-boui » du Parc Central :
- On se définit l’une l’autre et j’adhère à son mode de fonctionnement de jumelle qui fonctionne comme si on était la même personne comme dans une sorte de fusion.
Étonnée et inquiète, pour moi, c’est ce que je lis sur son visage. On ne sait pas si on est mardi, alors on se retrouve souvent ici, pour faire le point.
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