Suite de l’ambassade. Prise de la Dent Noire.
Un soleil ardent plombait les tentes et brûlait le sol sableux de la cité de toile. La chaleur était si forte que les Samaëliens, qui avaient dressé leurs tentes autour des puits, s'étaient vus forcés de les abandonner pour s'aller rafraîchir dans les bassins de plaisirs. Il est vrai que Samaël avait un don particulier pour trouver de l’eau en abondance. N’était-il pas le seigneur incontesté de ces terres désolées ?
La lumière qui traversait l’ombre d’un auvent de soie colorait le monstre, encore tout humide du bain. Il s'était enveloppé dans une chlamyde de lin rouge.
Couché sur un accubita*, il grignotait nonchalamment un régime de dattes. Une amphore vide gisait sur le sol et il était pris des mêmes bâillements que ceux d’un fauve repu.
Il s’ennuyait.
Al-Garci entra, suant à grosses gouttes, de chaleur ou de colère.
- Quelle impudence ! s'écria-t-il. Les Servicis ont attaqué une de nos caravanes, c’est la première fois qu’ils s’aventurent si loin de leurs dernières forteresses.
Samaël croisa les bras, en regardant amusé son général en chef.
- Tu vois Al-Garci, ce qu’il y a de bien avec les cons, c’est qu’ils sont prévisibles. Rien de tel qu’une rétribution* que le jazâ'adhâb* pour galvaniser nos troupes. Des nouvelles de nos visiteurs ?
- Ils vous attendent sous la tente des ambassadeurs. Parmi elles, oui, ce sont des femmes, il y a un drôle d’animal qui ressemble à quelque chose... entre le gros rat et je ne sais pas quoi…
- Ne se nommerait il pas Al Nabul ?
- Si fait, mais comment ?
- Ne suis-je pas Samaël ? Fait les venir séance tenante.
- Ne veux-tu pas les recevoir sous le dais royal ?
- Non ici, c’est très bien. Il fait frais et je n’ai aucunement besoin d’étaler ma puissance. Soyons simple que diable. Changeons de sujet quelques instants, que devient ta fille ?
- Elle transpire beaucoup. J’ai cru comprendre qu’elle était de corvée d’eau.
- Tu désapprouves ?
- Non pas ! Il est vrai qu’elle a manqué de fessées dans sa jeunesse et surtout elle t’a offensé. Pour un tel affront, je l’aurai fait fouetter.
- Tu es plus dur que moi avec ton sang. Elle m’a fait rire. Cela serait dommage d’abimer une si belle peau et j’ai éprouvé beaucoup de plaisir, mais je crois que d’une certaine façon c’était partagé. Je ne te choque pas, j’espère.
- Non seigneur, dans notre clan les femmes sont maîtresses de leurs corps et de leurs désirs. Nous ne sommes là que pour les satisfaire et essayer de ne pas les décevoir.
- Oui c’est vrai. Et ce sont vos lois qui ont servi de base à ma législation. Elles me plaisent bien vos lois. Tu peux arrêter la punition, je voudrais que ta fille soit présente avec toi pour l’audience. Elle est tout de même un de mes généraux.
- Comme le voudra mon Seigneur. Mais plutôt que d’arrêter, ne serait-il pas plus judicieux de suspendre la corvée d’eau ?
- Pourquoi ?
- C’est ma fille, mon unique, Seigneur, il y a de grandes chances que plus tard elle doive me succéder selon la mushafar jazâ'thawâb*, il faut qu’elle sache qu’un pari stupide peut entraîner des conséquences inattendues et pénibles.
- Sous le ciel et sur le sable*, tu n’as pas tort. Il est vrai qu’elle manque singulièrement d’humilité. Dis-lui de revêtir la tunique des servantes. Elle nous servira et sera à la disposition des invités. Pour son amie, exempte-la de punition. Tu lui diras que Djezabelle est sa servante pour une quinzaine et que si elle ne veut pas perdre ses cinq rangs de perles* et retourner au puits… Oui, tu lui diras qu’elle se montre particulièrement stricte avec ta fille.
- Ma fille en sera folle de rage.
- N’est-ce pas ce que nous voulons ?
- Oui Seigneur. Le Chef de Clan que je suis, approuve vos ordres, qui aime bien châtie bien.
- Une dernière chose, laisse-moi méditer une dizaine de minutes… et fait venir Al-Nabul en premier, je désire le recevoir en tête-à-tête. Nous avons un passé commun. Il est pour moi plus qu’un ami, plus qu'un frère. C’est d’une certaine façon une partie de moi-même. Nous avons un ennemi commun, un être à qui nous devons une grande partie de notre monstruosité.
- Bien Seigneur Samaël.
Samaël avait ceci de particulier qu'il se souvenait du jour de sa naissance et peut être même d'avant. N’était-il pas considéré à l'égal d'un dieu, ou au moins d'un demi-dieu ?
Or la venue de ses amis de Ligéris lui rappelait les tristes événements qui avaient conduit à sa venue en ce désert. Ses capacités proches de la télépathie, l'introspection dont il était capable, lui avait permis d’en reconstituer un scénario crédible.
Et cela commença il y a des lustres par une nuit sans lunes.
Une sentinelle, gorge tranchée, s’effondre.
Une boule de feu siffle dans le ciel étoilé, elle illumine le campement d’abris de peaux et de toiles. S’immobilise un instant à l’apogée de sa course et s’abat en sifflant sur les hommes et les bêtes endormis.
Le feu est partout, il tombe du ciel, court partout sur le sol, mord tout ce qu'il trouve, brûle les corps et effraie les animaux parqués dans leur enclos.
Un martèlement de sabots sur le sol du grand reg* annonce l’arrivée des assaillants. Il s’amplifie. Une femme coure entre les tentes en flamme. Elle serre un enfant contre son cœur.
La pluie de flèches qui déchire le ciel crible les corps de ceux qui tentent de fuir. Sur la crête de la dune, la silhouette des assaillants se découpe maintenant nettement.
Les gestes engourdis par la peur, la femme fixe un panier sur les flancs d’une bête de somme. Elle y dépose un enfant puis, place entre les petits doigts une dague au manche de jade et pommeau de félin. Au travers du voile de larmes elle distingue trop nettement les cavaliers qui fondent sur le campement en hurlant. Un dernier baiser, elle fouette la croupe de l’animal. L’onagre se cabre, part au galop et emporte l’enfant dans la nuit du désert vers le fleuve, vers le delta.
Alors, elle se retourne, prête à mourir.
Plus tard, alors que les soldats achevaient les blessés…
« L’enfant !! avez-vous trouvé l’enfant ? »
« Non décurion aucune trace. »
« Et la nourrice ? bande de cons dites pas qu’elle est morte… »
« Non décurion elle est ficelée près des tri-bosses. »
« Enfin une bonne nouvelle. »
En fait elle n’était pas si bonne, car quand le décurion arriva près de la captive ce fut pour constater qu’elle c'était suicidée en avalant sa langue.
« Putain de putain de merde ! J’en ai marre de courir derrière un fantôme. » puis il cria « Qu’on m’amène l’éclaireur. »
Un petit homme sec comme un coup de trique salua le militaire.
« Vous m’avez demandé seigneur. »
« Oui, y’a quoi tout autour ? »
« Le désert décurion, rien que le vide, rien que du sable. »
« Tu vas pas me dire qu’il n’y a pas de village… pas avec ce fleuve si proche. »
« Pourtant décurion… y’a rien, l’eau du fleuve est pleine de gypse, la boire c’est se condamner. Y’a rien à deux cents arphanges à la ronde. »
« Intéressant, ce que tu dis là… l’eau du fleuve est mortelle… comme c’est intéressant. »
Au matin le décurion prenait seul le chemin du retour, étrangement tous ses hommes avait bu du vin inexplicablement allongé d'eau du fleuve. Quant au guide on l'avait égorgé.
Et le décurion me diriez-vous…
Il lui fallut plus de douze ans avant de revoir les rivages de Domina, douze ans avant de finir empaler sur une des marches du gémonies, mais ça c’est une autre histoire.
***
- Gn’ull ! Oh Gn'ull ! Réveille-toi !
- Hein ! Quoi ?
- Réveille-toi ! Regarde, une caravane !
Camouflés derrière un éboulis de roches au pied des remparts, les deux Gn'eiss gardaient l’entrée de la cité souterraine.
- Une caravane ?
- C’est ce que je te dis Gn'ull, une caravane !
- Ědü une caravane ! Sors de ton trou puant et tiens-toi prêt.
- Trou puant, trou puant ? Tu vis dans le même tunnel que moi et tu es bien content d’y trouver les restes de ceux d’en haut.
- Peut-être, mais moi, je ne fouille et ne mange que les déchets des stries* supérieures.
- Quoi ? Tu dévores tout ce que je ramène. Même si cela vient du douzième niveau. Tiens prend ce morceau, tu m’en diras des nouvelles.
Il joignit le geste à la parole, plongea sa cuillère dans un grand pot de terre. Une tête de rat des cavernes au sourire édenté fit saliver le jeune Gn’eiss.
Des deux gardes, Ědü, était le plus grand et le plus jeune. Son corps souple à la peau d’un joli ton noir-ardoise le rendait tout de suite sympathique : on l’admirait. Quant à Gn'ull, âgé de plus de soixante cycles*, c’est sa musculature qui impressionnait : un soldat puissant, taillé d’un bloc dans une roche dure au grain serré. Être Gn’eiss c’était vivre sous terre, mais aussi et surtout appartenir à un peuple qui vouait une passion au monde minéral.
De faction depuis l’aube, ils avaient pour mission d’empêcher toute intrusion dans les tunnels creusés sous la cité de Ligéris, la Ville-Mont. Ils gardaient, même s’il était improbable que les habitants de la ville haute souhaitent un jour pénétrer dans les galeries Gn’eiss. Si pour ceux d’en dessous, le dédale de cavernes regorgeait de merveilles minérales. Pour ceux des stries du haut, le labyrinthe qui s’étendait sous leurs pieds ne représentait qu’un immense trou, tout juste bon à recevoir leurs déchets.
Personne ne se souvenait des premiers habitants de la Ville-Mont. Qui étaient-ils ? Venaient-ils de par-delà les montagnes qui comme une muraille barraient l'horizon ? Le piton rocheux dressé au milieu d’un immense plateau leur avait plu et ils y avaient posé les premières pierres de ce qui serait Ligéris : la perle du désert. Du temps de ces pionniers, la plaine était luxuriante, arrosée par un large fleuve qui ceinturait la ville. Depuis, le fleuve s'est asséché. Le manque d'eau transforma la moindre parcelle de verdure en un champ de cailloux où pommiers du désert et chardons luttent pour la domination de ce monde dévoré par le sable. Avec les cycles, la cité avait grandi. Une longue muraille serpentait tout autour, elle isolait Augiares et Servicis des autres peuples.
Les refoulés devaient désormais se contenter des galeries et des trous creusés dans le socle et sous la cité.
La caravane se déployait en une longue file d’animaux tri-bosses lourdement chargés, descendant prudemment la pente de la dune. L’arrivée du convoi était une aubaine pour les deux gardes puisqu’ils décidèrent de profiter de l’agitation qui se tiendrait devant les portes de Ligéris pour chercher des coquillages enfouis dans les sables mouvants ceinturant la cité.
Depuis leur abri, les Gn'eiss observaient les conducteurs faire halte et chausser de larges raquettes aux hommes et aux bêtes : enfiler des nénupodes était le seul moyen qui permettrait de traverser la dangereuse bande de sables mouvants.
- Ědü, ça y est. Ils ont mis leurs nénups, ils se préparent pour la traversée.
- En haut aussi, ils sont prêts ! Regarde vieux roc, les Servicis ont installé la catapulte.
- Ah, ah, allez à table mes petits pinsamorts* !
Un claquement retentit. Le cadavre d’un animal, lancé par une catapulte depuis les murs de la cité, décrivit une large parabole dans les airs. Il tomba au beau milieu de la plaine sableuse à bonne distance de la caravane. À peine la carcasse eut-elle touché le sol que tout autour d’elle le sable se mit en mouvement. Comme une immense marmite bouillonnante, la plaine fut parcourue de soubresauts. Jaillissant du sol, des pinces gigantesques claquèrent dans l’air brûlant. Les pinsamorts sortaient de leurs caches pour le festin de viande pourrie. Cette diversion allait permettre à la caravane de s’approcher des portes de la ville sans craindre de se faire broyer par les scarabées géants qui nichaient dans le sable.
L’apparition des effroyables prédateurs fascinait Ědü, pourtant les monstres pouvaient se montrer très rapide et mieux valait se tenir à distance pour ne pas finir dans leur estomac.
- Hé l’ancien, regarde le gros noir là-bas. À la façon dont il fait claquer ses mandibules, on dirait Ědüiv quand il mange des œufs de vipars !
- Mouais, sauf que… celui-là est moins laid !
Les Gn’eiss rirent en voyant le spectacle des insectes géants se battre pour la cuisse de ce qui avait dû être un porte-les-bois.
À l’écart du carnage, la caravane progressait rapidement vers les portes de la cité. Les montures avançaient à longs bonds souples ; aussi ni les passagers, ni les énormes ballots n’étaient dérangés par leur gracieux mouvement ondulatoire.
- Ědü, agite tes nénupodes* ! On y va, moi, je suis déjà en train de saliver ! Pense aux belles coques* qui nous attendent, je n’ai aucune envie de moisir ici pour encore manger du gerbirat* à la sauce cailloux !
Gn'ull ponctua sa phrase d’un vigoureux coup de pied et se projeta au-dessus de son camarade pour atterrir, sur ses raquettes, bien à plat dans le sable. Là, il ne put reprendre un appui aussi solide que sur la roche aussi continua-t-il sa progression avec précaution. Ědü plus grand et plus rapide n’eut pas de mal à le dépasser.
- Passe devant si tu veux jeunot, mais jette quand même un œil du côté des pinsamorts. Dès que leur repas sera terminé, il faudra que tu coures très, très vite pour sauver ta belle peau noire.
- Excuse-moi, je ne pensais pas t’humilier. Mais, quand je vois tout cet espace, je repense à ma vie dans la plaine quand j’étais libre de courir où je voulais… Ědü n’en dit pas plus. Il était heureux dans les tunnels de Ligéris, pourtant il rêvait souvent du soleil de son enfance. Pour lui sa lumière s’était éteint lorsqu’un raid décima son clan et l’obligea à fuir dans les abris souterrains.
Ils arrivèrent vite sur l’emplacement convoité depuis l’entrée de leur tunnel. Sans perdre de temps, ils se mirent à ratisser le sable avec les doigts. La récolte était abondante, les coques de nacre étaient très rarement dérangées.
- Surveille-les mon garçon, ne te laisse pas distraire.
- Je les ai à l’œil, répondit Ědü en glissant un beau coquillage dans le sac de peau serré contre lui. Je peux même te dire que cette coque sera ma dernière, regarde là-bas, les sales pinsamorts en sont au dessert.
Tout en fouillant le sol le jeune garde ne pût s’empêcher d’admirer la cité qui s’élevait devant lui.
Les Servicis bâtisseurs avaient réussi l’exploit de transformer l’ancienne cité de grottes et de niches en cette solide et gracieuse Ville-Mont. Partout, le sable fondu devenu verroi était l’unique matériau de construction. Les habitations, les ponts, les tunnels, jusqu’aux conduits d’éclairage et de chauffage, tout était de verre. Teinté par l’ajout de minéraux, il prenait des nuances roses, grenat, émeraude. Les habitants de Ligéris semblaient être pris d’une frénésie de couleur, comme s’ils voulaient lancer un défi au désert en ciselant un joyau en son centre. Deux voies s’élevaient en hélice du pied au sommet de Ligéris. Ces stries étaient taillées à même le roc et abritaient les nombreux palais Augiares. En bas, s’appuyant sur les anciennes demeures creusées dans le grès, les constructions étaient surchargées de colonnes, de chapiteaux et de volutes. Mais, au fur et à mesure que l’on s’élevait dans les stries, les palais rivalisaient non plus par l’importance de leur façade et l’accumulation écœurante de sculptures, mais par la hauteur et la hardiesse de leurs nombreuses flèches. Au sommet, le dernier palais était un pur enchevêtrement de cristal qui défiaient le soleil écrasant du désert.
Soudain dans la caravane une sangle de nénupode se déchira et libéra le pied d’un animal, un jeune camélis. Son maître n’eut pas le temps de réagir : l’animal posa la patte sans raquette sur le sable et s’enfonça jusqu’au genou. Déséquilibré, le tri-bosse tenta de se rétablir d’un coup de reins, mais son chargement fit balancier. L’animal perdit ses appuis et s’effondra en projetant à terre son conducteur et deux Servicis en arme, ainsi qu’une petite caisse qui se brisa au contact du sol. Sur le sable mou, les deux guerriers s’étaient mis en position pour affronter les monstres pendant que le conducteur s’évertuait à relever le camélis. Les scarabées géants étaient à portée de lance, pourtant les lourdes armes rebondissaient sur les carapaces sans les entamer. Les terribles animaux semblaient invulnérables. Effrayés, les hommes de Ligéris décidèrent de se réfugier derrière l’animal blessé pour y attirer les monstres.
- Ědü, tu as vu ? On dirait que ça se passe plutôt mal pour ces sales affameurs du dessus !
- Oui, approuva le second Gn'eiss en ramassant son précieux sac de coques, les Servicis seront le dessert de ces adorables pinsamorts, quel dommage ! J’aimerais bien voir la fin de ce beau spectacle, mais je retourne quand même vers nos petits trous avant que les petites bébêtes bêtes ne changent d’avis.
Gn'ull s’apprêtait à suivre son compagnon quand une image furtive, là-bas sur le champ de bataille, le laissa un instant perplexe. Il resta un moment à regarder sans comprendre. Mais, la délicieuse vision de coques cuites sur de la mousse de namib* fut la plus forte : il reprit le chemin des tunnels.
Dans sa demeure souterraine, Ědü s’assoupissait. Il écoutait avec ravissement les gargouillis de son estomac tendu par le merveilleux repas de coques. À côté de lui, Gn’ull était tout aussi repu pourtant, une pensée le travaillait et l’empêchait de goûter pleinement à la quiétude de l’après dîner.
- On y retourne, lança-t-il en se levant d’un bond.
- Hein ? Tu as encore faim ? Tu veux retourner dans la loge réfectoire ? marmonna Ědü dans un demi-sommeil. L’après repas était un moment trop précieux pour qu’il soit perturbé dans sa digestion.
- Mais non, je veux retourner là-bas, dehors… Pas pour chercher des coques ! Merci, j’ai l’estomac tendu. Non, c’est plutôt que… J’ai cru voir quelque chose cet après-midi et j’aimerais aller vérifier.
La perspective de sortir dans la nuit et d’affronter les pinsamorts avait complètement réveillé le jeune guerrier.
- Tu es en train de me dire que tu vas sortir en pleine nuit, faire une petite promenade au clair de lune uniquement pour le plaisir de satisfaire ta curiosité.
- Hé oui.
- Gn'ull, tu sais ce que je crois ? Je crois qu’une coque devait être pourrie et que son poison te monte au cerveau.
- Je vais très bien, merci. Je te demande simplement de me faire confiance. Je suis de plus en plus persuadé que la caravane de cet après-midi a oublié quelque chose au milieu de la plaine.
- Tu n’y penses pas ! Ce qu’ils ont laissé ce sont uniquement les os de leurs camarades, rien d’autre. Et les soldats du guet, qu’en fais-tu ? tu peux être sûr qu’ils auraient eux aussi remarqué ce "quelque chose".
- Je suis ton frère d’armes et notre loi t’oblige à me suivre. Pourtant, la loi dit aussi qu’un Gn’eiss ne doit jamais mettre sa vie en péril par vanité, alors si tu veux rester…
Ědü se savait fort, il combattrait. Enfin… Après tous ces entraînements fastidieux sur des mannequins de tissu. Il se sentait prêt. Aussi, hors de lui, il explosa :
- Il est hors de question que tu me demandes de ne pas accomplir mon devoir. Je te suis. Je te signale aussi que la loi de notre peuple me donne la possibilité de choisir l’équipement. Je choisis la fronde et le poignard, pas de casque de cuir, ni de corset ou tout autre arme pouvant nous alourdir et faire le moindre bruit.
- C’est parfait. Tu verras comme ta jolie peau noire fera joli sous la lune Minore… Viens, allons à la porte grise.
Gn’ull souriait, il avait piqué l’orgueil de son ami, ce n’était pas pour lui déplaire.
- Mais j’y pense, fit-il en se retournant. N’est-ce pas ma fille qui devrait être de garde ce soir ?
- Heu oui, Argis, fit Ědü soudain rêveur.
- Et son compagnon n’est autre qu’Ědüiv le balafré. Tu es jaloux n’est-ce pas ! s’esclaffa Gn’ull avant de s’engager dans les galeries de la cité souterraine.
Ils riaient encore quand ils passèrent dans la salle des anciens. En voyant l’immense caverne creusée dans le granit de la montagne, Ědü pensa que les hommes du dessous ressemblaient à cette roche, solidement soudés les uns aux autres comme ces minéraux soudés les uns aux autres. Tous étaient les exclus du désert. Tous avaient vécu la morsure du soleil et l’agression du sable sur leur peau. Tous, après une longue marche, se réfugiaient ici dans les souterrains sous la majestueuse Ligéris, Gn'eiss à la peau blanche comme la craie ou noire et brillante comme le mica, Végétis aux bras et aux jambes interminables, sombres et rudes Vulcamars* et tant d’autres représentants de peuples moribonds. Tous rejoignaient le sombre labyrinthe de couloirs et de salles, par nécessité non par choix : la cité du haut leur était interdite…
Ědü passa encore une fois la main sur les gravures des mondes disparus. Souvent il restait des heures à contempler de fins et hauts végétaux disparus courbés par le vent et admirait les peintures de vallées emplies de plantes. Il s’imaginait marchant parmi des senteurs inconnues, dans ce monde qui n’existait maintenant plus que figé sur la pierre. Avec son compagnon il remonta de longs couloirs étroits pour pénétrer dans la salle des gardes. À peine eurent-ils franchi le seuil qu’ils furent assaillis par le bruit des conversations. Les soldats y commentaient avec force la courte bataille de l’après-midi.
- En voilà trois de moins, disait un Végétis aux longs cheveux couleurs lichen.
- Et le pinsamort… s’exclamait un autre, au visage aussi noir que la nuit. J’entends encore le doux claquement de sa pince sur le pauvre petit Servicis.
Il avisa les deux Gn'eiss qui arrivaient et se leva pour les inviter dans leur cercle.
- Mais que vois-je, le rapide Ědü et l’honorable Gn'ull ! Quel honneur nous vaut votre présence ? plaisanta-t-il. Vous n’étiez pas de garde à l’entrée des roches plates cet après-midi ?
- Heu, oui peut-être. Balbutia Ědü.
- Alors, vous étiez bien placés pour admirer le spectacle.
Gn'ull retint son jeune compagnon par le bras et prit la parole :
- C’est vrai que nous étions assez près, mais pas autant que ceux de la porte du levant… De notre poste nous n’avons qu’entraperçu la bataille. Fit-il d’une voie assurée : il ne voulait pas qu'en avouant leur petite promenade l’on se moque encore de sa gourmandise.
- Tu as raison l’ancien. Pour mieux voir il aurait fallu que vous soyez au milieu de la plaine. L’abandon de poste est très sévèrement puni, assura le Végétis en clignant de l’œil. Puis, il ajouta à mi-voix en se penchant à l’oreille d’Ědü :
- N’est-ce pas de la sauce aux coques qui tache son habit ? s’étonna-t-il faussement en montrant la tunique du Gn’eiss
Confus, Gn'ull bredouilla :
- Heu, j’ai égaré une courroie de nénupodes… et… et nous allons à sa recherche. Bonne soirée compagnons…
Ils sortirent de la pièce par la porte menant au poste des pierres plates.
Tandis que des rires fusaient dans leur dos, ils aperçurent deux ombres qui se fondaient aux roches de la muraille.
- Bien le bonsoir. Que la Lune éclaire ta beauté et illumine ce poste de guet, plaisanta le jeune Gn’eiss
- Holà Ědü. Ne viens pas troubler notre garde avec tes blagues à deux cauris*.
Celle qui lui répondait ainsi n’était autre que la farouche Argis, fille de Gn’ull. Elle riait, heureuse d’être distraite au milieu d’un tour de garde bien morne.
- Papa, Ědü !
- Soyez les bienvenus et prenez un gobelet de vin de ciste*, gronda une voix forte sortie de l’ombre.
- Merci, répondit Gn’ull à la voix, mais s’il est aussi fort que la dernière fois, j’ai peur de ne pas retrouver le chemin de ma loge.
Un énorme soldat Gn'eiss se détacha dans la pâle clarté de la Lune et s’approcha d’eux. Il était couturé de partout. Son visage aurait fait peur à quiconque n’ayant pas été prévenu de sa laideur tellement il était déformé par les coups et les blessures.
- Mais c’est Ědü le noirot. Est-ce moi ou ma jolie compagne que tu es venu voir mon petit ?
Le jeune Gn’eiss rit pour masquer sa gêne. Argis le troublait, elle était si volontaire, si guerrière et si jolie…
- La gerbille* que je suis tremble devant le lion que tu es, mais, si je devais me promener le soir sous les remparts, devine qui je choisirais entre la belle Argis et vigoureux guerrier ? répondit Ědü blagueur.
Cette réplique lui valut une vigoureuse bourrade de la part du colosse. Alors que son camarade se massait l’épaule endolorie, Gn'ull expliqua que lors du combat contre les pinsamorts un guerrier Servicis avait lancé une arme contre les animaux, il avait vu la lance rebondir pour atterrir à quelque distance de là…
- … et c’est ainsi qu’avec Ědü nous avons décidé d’attendre la nuit pour la récupérer.
Ědüiv connaissait la valeur d’une arme, il écoutait attentivement le mensonge du Gn'eiss. Quant à Argis, elle regardait alternativement les deux gardes, ne sachant pas si leur récit était une fable inventée par son père ou la véritable raison de leur présence hors des souterrains.
- Petit papa, par pitié ne réveille ni les Servicis ni les pinsamorts, je veux terminer ma garde dans le calme ! fit-elle d’une voix faussement plaintive.
- Toi ? Voyons Argis, tu ne rêves que de bataille. Ne t’inquiète pas, les affameurs du haut sont trop occupés à préparer la venue de l’étoile bleue*. Quant aux sales bêtes, elles ont le ventre plein !
Gn’ull ponctua sa phrase par un petit claquement de langue, sortit ses nénupodes et les chaussa avant d’être avalé par l’obscurité.
- Voilà, il part encore sans m’attendre ! À plus tard Argis… Tu verras Ědüiv ! Une arme magnifique… À une autre fois pour une coupe de ton merveilleux nectar ! ricana Ědü et, s’enfonçant à son tour dans le désert, il courut sur les traces de son ami.
Au soir ils rentraient chargé d’un couffin.
Samaël sortit de sa méditation, un être étrange était devant lui, petit comme un nain, poilu comme un raton laveur avec une queue longue et maigre, des oreilles de fennec, aussi mobiles et aussi grandes.
- Al-Nabul mon frère, je suis heureux de te revoir. Que deviens tu ?
- Samaël ! comme tu as grandi… petit, tu étais laid… maintenant tu es monstrueux.
- Ah mon ami comme tu m’as manqué. Mais comment m’as-tu reconnu ?
- Ton odeur mon frère, ton odeur.
- Ainsi vous avez réussi à prendre Ligéris et à en chasser Thorv.
- Oui mais elle est en ruine. Et il lui reste la Dent Noire, des milliers de fidèles et des armes nouvelles et fort dangereuses.
- Je vais diriger sur ta ville deux cohortes de sapeurs et un bataillon de technoprètres, ils aideront à la reconstruction de Ligéris. Je te le dis mon frère, je finirai par la vaincre cette maudite forteresse. Mais si dans des lustres l’on admirera mes conquêtes dans les pays du soleil, le monde sera encore plus étonné de m’avoir vu dompter la nature et créer une nation. Pour mon peuple choisi je me sens capable d’écraser mes ennemis, je me sens capable de traverser les mers, les montagnes les plus hautes, les déserts les plus arides et de déplacer des nations. Quand j'entrai en vainqueur dans cette forteresse où ma pensée vit continuellement, mon armée m'acclamera comme un Dieu en me voyant sur les créneaux du donjon. J'aime la victoire, le succès possède pour moi un parfum plus enivrant que les roses du désert. J’ai connu la solitude du désert, maintenant des peuples entiers viennent à moi et je commence à entrevoir des prouesses que je n’avais pas même imaginer ? Contemple ce camp où l'on parle tant de langues et de dialectes. Des troupes arrivent comme les ruisseaux qui grossissent un fleuve. Quel est leur nombre ? Nul ne le sait. Al-Garci disait hier qu'ils étaient deux cent mille je crois qu'ils seront bientôt encore plus nombreux. Leur confiance aveugle en Samaël les entraine, ils présagent qu'en me suivant ils créaient une grande nation. Peut-être leurs devins leur ont-ils dit qu'ils étaient à l’aube d'une série de prouesses destinés à surprendre le monde. Admire, Al-Nabul. Ces peuples ont passé des siècles à guerroyer entre eux, toujours ils se détestèrent, et aujourd'hui, le marteau de Samaël, pareille au bâton du pâtre, les guide pour former un peuple et un avenir commun. Non, par le feu du ciel. La forteresse est là, à une semaine de marche devant nous, elle se rit de ma grande armée. Tu as raison. Il faut en finir. Il faut que les tentes de toile écrasent le donjon de verre. Aiguise bien tes armes. Autour de moi souffle ce parfum prophétique que je flaire toujours la veille d'une victoire. Bientôt nous abattrons la Dent Noire.
- Méfis toi Samaël, tu parles de toi comme d’un Dieu.
- N’ai craintes mon ami, tes amies ne vont pas tarder, je compte sur toi pour faire les présentations.
- Et ce soir, ou demain, nous aurons la visite d’un membre de la Guilde Souveraine. Mais j’ai une question : Vos fours à verroi sont toujours en état de marche.
- Oui Samaël c’est la première chose que nous avons réparé.
- Alors j’ai quelque chose pour vous gens de Ligéris. Mes technoprètres ont mis au point un nouveau verroi renforcé avec de la soie d’araignée des sables* et de la sève de Nénamenzi c’est presque indestructible. Mes technoprètres ne désespèrent pas d’obtenir un matériau proche de la qualité des rails de la Guilde Souveraine. Cependant j’ai une demande ou plutôt une commande pour vos manufactures il me faudrait trois miroirs circulaires de six pieds de diamètre et autant de loupes de même dimension, pour les considérations techniques vous verrez avec mes technoprètres.
- Cela sera un honneur de vous satisfaire seigneur Samaël. J’ai vu dans votre camp une bonne centaine de potiers fabriquer de longs tubes d’argiles pourquoi seigneur ?
- C’est simple si nous devons faire le siège de La Dent Noire, il faudra bien nous approvisionner en eau et ces tubes sont en réalité une canalisation qui fera quinze parassanges entre la forteresse et une source au débit suffisant pour 10 000 soldats. Cela devrait suffire à les empêcher de sortir de leur forteresse.
***
Chameaux et camélis blatéraient en tirant sur leurs longes puis les guerriers les conduisaient aux abreuvoirs. Par toutes les pistes, des charrettes chargées de vivres, de fourrages et d’armes arrivaient à la ville de toile. Les grincements de leurs essieux se mêlait aux chants des soldats qui sentaient le besoin de se rappeler de leurs pays et de leurs ancêtres. C’était un tumulte de chansons, de cris, un tintamarre d’objets s’entrechoquant. Chaque tribu occupait un emplacement distinct. D'une peuplade à l'autre, on se saluait avec des hurlements joyeux. Au-dessus du campement montait les effluves du kfé* à la cardamone, du tchaï* à la menthe ou à la bergamote, du tabac parfumé des pipes à eaux, c’était l’heure du bain des femmes.
Bientôt on entendrait le choc bruyant des marteaux des charpentiers. Ils fabriquaient les tronçons d’engins de siège qui seraient montés devant la forteresse.
Des guerrières au manteau flottant, montées sur des méharis rapides, couraient entre les tentes. Samaël, à pied et tête nue, assis sur un rocher, contemplait les corrals, la lisière du camp.
Il était résolu à se mettre en marche dès que son armée aurait terminé ses préparatifs. Six cents Hommes de Main, armés de vouges, se massaient aux environs du campement, ils surveillaient les allées et venues.
- Seigneur Samaël demain nous pourrons nous mettre en route.
- C’est bien Tamara, tu peux disposer.
- Seigneur, nos éclaireuses nous ont appris qu’une très importante caravane marche en direction de la Dent-Noire, doit on l’intercepter ?
- De quelle direction vient-elle ?
- Du nord-est Seigneur.
- Ont-ils pu voir notre armée ?
- Non Seigneur ils sont passés par la Gorge des Runes. Il est impossible qu’ils aient vu quoique ce soit.
- Dans ce cas laisse la passer, elle doit être attendue, je ne veux surtout pas éveiller des soupçons. Demains une tempête de sable se lèvera, nous marcherons derrière elle. C’est bien tu peux disposer.
- Bien Seigneur. Mais il y a encore une chose importante…
- Dis-moi ?
- Oui Seigneur, une petite colonne c’est séparé de cette caravane.
- Et ?
- Et seigneur, elle vient vers nous. J’ai laissé plusieurs éclaireuses pour la suivre à distance. Elles sont invisibles à leur regard.
- Tu peux m’en dire davantage ? ce n’est pas pour rien que je vous ai fourni des longues vues.
- Voilà, c’est très étrange, dans cette caravane il y a juste trois personnes. Un homme et deux femmes… nues et bleues.
- Et ?
- L’homme monte une espèce de très, très grosse autruche. Et les femmes marchent devant trois tri-bosses. Et il y a aussi deux grosses libellules qui les survolent en permanence.
- Oui, je vois, surtout ne faites rien, laissez-les venir, de toute façon ils vous ont repérées depuis bien longtemps.
- Mais, pourtant seigneur ?
- Va ! je t’expliquerai en temps voulu.
***
Un peu plus tard à l’ombre d’un vélum tendu entre des pommiers du désert. Djezabelle assise sur un tabouret, bien à l'opposé du pavillon de Samaël, car elle se tenait non loin d’une des trois portes du camp qui s'ouvre sur le grand reg qui mène à la Gorge des Runes, semblait attendre, les yeux tournés, tantôt vers le couchant, tantôt vers le milieu du camp, les derniers rayons du jour et la venue de quelque personne désirée.
Six jeunes femmes finissez leur tchaï, ainsi que quelques brochettes de coques des sables. C’était une fin d’après-midi et la fin d’une conversation pas comme les autres. Argis, se leva pour reposer sa tasse de bambou.
- Alors Tamara, qu’a dit Samaël ?
- Djezabelle, il laisse passer la caravane.
- Sous le ciel et sur le sable*. J’en étais sûr ! alors les filles vous me suivez ? nous allons offrir un beau cadeau à Samaël.
Toutes acceptèrent.
- Nous nous connaissons depuis peu mais je te fais confiance, je pense que tu es aussi folle que moi, et j’aime ça.
- Merci Argis.
- Alors on attend quoi ? demanda Amétys.
- On attend ça ! et en dépit du peuplement du camp elle désigna un homme sur un roojas.
Il s'avançait vers elles, il avait les traits cachés par un léger foulard de lin, quoiqu’on devinât que son visage était mangé par une barbe grise mal taillée, d’une main il baissa son écharpe il avait la peau brune, ridée comme une carte marine, Il paraissait d’un âge indéfinissable. Son habit et surtout un certain air d'autorité indiquaient un de ces mercenaires, chefs de bande. Et c'était en effet le cas. Il était resté en arrière, sans descendre de sa monture. Il toisait ce qui pour lui n’était qu’une bande de fillettes. Le rusé bonhomme avait compté trop de printemps, ou plutôt d'hivers pour s’en laisser compter.
Le crépuscule pausait son regard sur le camp dont les portes seraient bientôt fermées. Les nuages du soir pourprés d'opale et d'or, s'amoncelaient à l'occident du côté de la Gorge des Runes par-dessus le bastion du poste du grand reg.
- Alors ! les donzelles, vous attendez quoi ? une invitation ? la caravane ne va pas vous attendre.
***
(Là il me manque un bon bout de texte, je ne sais pas où j'ai bien pu le mettre ARG!!!)
- Samaël nous serons bientôt en vue de la forteresse de la Dent Noire, c’est une nuit avec seulement le premier croissant de la Lune Minore, quand la garnison se réveillera, la place sera encerclée comme tu le veux… Ou…
- C’est bien Al-Garci je savais que je pouvais compter sur toi… et ta fille ? D’ailleurs où est-elle ? Je ne la vois pas avec ses amazones.
- Elle est rentrée en ville avec la dernière caravane, tu sais comme elle est… une vraie tête brûlée, elle vaut tous les fils que je n’ai pas eus. Elle veut t’offrir la Dent Noire en offrande de toutes tes bontés.
- C’est une bourrique, comme son père, mais je l’aime bien… Ce qu’elle veut faire, je le devine. Mais c’est stupide, je connaissais d’autres moyens pour prendre cette cité, ne suis-je pas Samaël le Saigneur du Désert ? Et le croirais-tu ? J’ai de nombreux amis en ce lieu. Mais à cause de sa témérité, je crois que ce n’est plus à l’ordre du jour… Ta fille va précipiter les choses, je le sens comme le sable sous mes pieds. Heureusement je leur ai adjoint ce que je crois être un ange gardien.
***
Kôrin pensa que décidément depuis le début, c'était une mauvaise journée.
L’après-midi avait viré au cauchemar avec l’incident du camélis… On avait dû en catastrophe mettre deux esclaves dans le panier de la catapulte afin de faire diversion. Et bien que l’un d’eux ait pu se trainer quelque temps cela n’avait pas suffi à distraire les pinsamorts.
Heureusement, on avait pu sauver le lot des belles danseuses qui étaient enfermées dans les grands paniers en rotin harnachés sur les flancs des plus vigoureux tri-bosses. Des filles du désert il y avait même une Caudalis reconnaissable à sa petite queue. Celle-là, on la ferait danser à coups de fouet avant que Thorv ne s’amuse avec.
La soirée avait été toute aussi mauvaise, quand on avait découvert, que profitant du désordre, les filles avaient découpé les fonds de paniers pour disparaître dans la cohue. Les bougresses s’étaient évaporées, à quoi avait servi leurs chaînes et les cordes qui devaient les entraver, à rien, à rien du tout.
Heureusement maintenant, il faisait nuit, les pinsamorts montaient une garde vigilante et Kôrin pouvait enfin boire une bonne pinte de brune tranquillement assis dans un des trois fauteuils de la salle des gardes du châtelet. Dans son dos, le cabestan qui commandait la herse était sous la garde de deux de ses compagnons.
Les portes de la Dent Noire étaient verrouillées la herse baissée enfin la paix.
Djezabelle avait rejoint le châtelet qui commandait l’entrée principale de la citadelle, elle s'était tapie dans l’ombre avec dix de ses compagnes.
- Je prends Zaïlia, Amétys et Shéchana, la première fenêtre n’est qu’à six mètres, cela va être un jeu d’enfant. Vous autres, occupez-vous des gardes de la porte, ils ne sont que quatre.
- Des huîtres accrochées à leur rocher, on va les bouffer tous crus.
- Calmez-vous Argis et toi aussi Tamara, il faut attendre l’aube, alors vous pourrez leur planter une dague dans le cœur… pas avant… pas avant, que tu n’entendes la herse se lever. Avant amusez-les, vous savez faire, soyez les belles garces qui font saliver nos gars, ce n’est pas pour rien que vous deux et vos quatre autres amies avez des vêtements de danseuses.
- Bien, t’écouter, c’est t’obéir Djezabelle. Mais comment vas-tu monter six mètres ? C’est haut tout de même et t’as vu les murs sont aussi lisses que du verre, aussi dur que du granit.
- Pourquoi crois-tu que j’ai demandé à garder les chaînes et les cordes de nos entraves ? comment croyez-vous que Samaël est sorti de son puits ?
- C’était qui l’homme qui nous a aidé ? et c’est la première fois que je vois des femmes bleues.
- Il m’a dit une des phrases secrètes du Clan. Une phrase que seul les fondateurs et les chefs du Clan connaissent.
- Et tu n’as pas cherché à en savoir plus ?
- Evidemment, mais il n’a répondu à aucune de mes questions, il m’a juste dit combien de sentinelles il y avait au châtelet et le temps entre chaque ronde. Bon assez parlé, on se gouge.
Elle n'était pas une combattante pour rien, son clan en savait quelque chose.
Rapidement, presque, sans bruit, car elle avait entortillé sa tunique autour des chaînes qui formaient un grappin improvisé, elle avait pu escalader le mur lisse et encore chaud d’une des deux tours du châtelet.
La salle des gardes était un étage plus haut.
Djezabelle était une splendide pucelle, une vierge combattante, son amant devrait être au moins à sa hauteur et ce n’était pas peu dire. Mais les filles parlent et des hommes, elle en connaissait tous les travers.
Sous la tente, autour du feu, un verre de tchaï* à la main, elles discutent beaucoup et partagent leurs expériences. Surtout les filles qui vivent dans les campements loin de leurs familles et dont le mariage ne sera pas célébré avec un drap taché de sang.
Elle entra la première presque nue, une simple ceinture de cuire pour unique vêtement, dans ses cheveux emprisonnés dans un chignon deux longues aiguilles, ses seules armes.
Il est étonnant de voir comment un corps féminin, comment la vue de deux seins rendent l'homme fou, stupide, comment il lâche sa garde. Djezabelle souple, bondit, ses cuisses enserrent vigoureusement le cou de Kôrin. Ses mains retirant les longues aiguilles, elle balance la tête ses longs cheveux à l’odeur de musc et de cannelle coulent, tombent en cascade sur ses épaules ronde. Et elle frappe l'homme à la base du cou avec ses poignards improvisés. Et c’est fini et Kôrin est mort… C’était vraiment pour lui une journée de merde.
Pour les deux autres, ce fut aussi rapide, quoique moins esthétique.
En fin de compte Amétys et Shéchana ne furent que des spectatrices admiratives.
Zaïlia, fit son apparition un peu plus tard, elle tenait une tête sans corps par les cheveux.
- Merci Djezabelle ! Mais quel tranchant… Ce sabre que tu m’as offert ! Je lui ai à peine mis la lame sous la gorge que sa tête tombait.
- Et tes aiguilles à chignon en métal Gn’eiss, elles paraissent incassables et ce noir luisant, j’adorrrre. Je suis couverte de sang par les couilles de Samaël !
- Moi pareille, il doit bien y avoir un puits ou une réserve d’eau dans ce châtelet ?
En effet, il y avait un puits, et même un four dans une des pièces.
On attendit tranquillement la pointe du jour.
Tout se déroulait comme prévu, un plan parfait.
Aux premières lueurs, la herse montait, les portes s’ouvraient, les hommes tombaient et toutes les filles se barricadaient dans le châtelet.
Derrière les dunes, le son des trompes résonna. De grands cris suivirent ; ceux-là, venaient des courtines et des échauguettes presque toutes désertes. Sur les murs un mouvement se fit parmi quelques Servicis qui y étaient postés.
C'est que là-bas sur la crête des dunes, aux bords des sables mouvants ceinturant la forteresse, un vif scintillement avait soudain jailli.
D'abord fugace, cette lueur tremblante avait des reflets pâles et des clartés ondulantes. De minute en minute, elle se déployait, s’étendait, se fixait, bougeait à nouveau, grandissait encore, avec une force et une majesté sinistre. Cette grande nappe argentée étincelait sur le fond du ciel rosé de l’aurore. Pourtant, ce n'était point le soleil avec ses rayons d'or qui caressait les dunes blanches, ce beau et puissant soleil du désert, qui allumait les dunes de milliers d’éclairs argentés. Oh ! Non, ce n'était pas le soleil, mais l’acier de milliers de pointes de lances. Car les Servicis commençaient à voir émergeant des murs de poussière, un autre mur, celui des boucliers. A entendre le piétinement sourd des bottes de cuir souple et des sandales aux semelles de cordes, le cliquetis des armes, le claquement des étendards déployés au vent du désert.
Les myriades de Samaël approchaient dans un ordre bien plus parfait que ne l’aurait laissé penser leurs origines de pilleurs.
La pire des tempêtes marchait sur eux. Et pour leur malheur les portes de la Dent Noire étaient grandes ouvertes. Du rouge, du rouge, bientôt les rues de la forteresse ne seraient que rouge sang.
Il n'y avait plus à en douter. Les Samaëliens, les brigands du désert avaient abandonné leurs lointains campements... Et ils portaient devant eux l'incendie, en guise d’étendard.
L’armée marqua le pas, les porteurs de trompes et de tambours de guerre attachés sur les tri-bosses s’avancèrent et jouèrent le chant des morts et du carnage.
Puis soudain le monstre au marteau noir surgit des rangs, il ne portait qu’une longue et fine tunique de lin rouge. Sa masse frappa le sol et l’impensable advint : les pinsamorts* vinrent se ranger à ses côtés. Ils étaient bien cinquante monstrueux insectes aux mandibules battant l’air.
Il monta sur le plus gigantesque.
Son armée allait prendre position au pied de la première enceinte en deux points de la citadelle, tout d’abord le long du mur ouest qui s'avançait en terrain plat et dégagé avec peu de sables mouvants, ce qui permettrait d'atteindre sa base sans rencontrer d'obstacle. Le deuxième point était le châtelet qu’ils avaient investi. Samaël avait compris qu’il était trop tard pour un assaut, et même si la prise du châtelet avait été rapide, ce n’était pas ce qu’il voulait faire
***
En un autre endroit du campement,
Les fantassins Samaëliens réunis en gros bataillons, portaient de longues échelles de bambou, ils attendaient les ordres. Les machines de siège s'avançaient lentement sur le sable, on leur avait retiré les roues pour les remplacer par des sortes de patins ressemblant à des skis. Des catapultes avec leur puissante verge maintenue par un câble tendu et prêtes à lancer des jarres de naphte. Des scorpions avec leurs provisions de javelots. Des béliers qui, lorsqu'on les tramait, oscillaient suspendus à leurs chaînes. Des tours de siège avec une ossature légère de bambous qui attendaient de recevoir leurs pavois en épais cuir de kurts, toutes ces machines de mort glissaient de concert sur le sable.
Samaël alla à sa tente, passa au milieu des chameliers qui brossaient sans hâte leurs dromadaires ou leurs camélis, pendant que d’autres fourbissaient leurs armes, tous persuadés que jusqu'au dernier moment ils n'auraient pas à participer à l'assaut. Le Saigneur s'équipa à la légère d'une cuirasse d'écailles d’hydre rayée*. Puis il se couvrit d'un camail de mailles rouges et il choisit parmi ses boucliers, un peltè recouvert d’un cuir de trabuks*. Sortant de la tente, il trouva Al-Nabul chargé de l’intendance, Al-Garci et Res Teixó le représentant de la Guide Souveraine en grande conversation. Son général lui demanda :
- Tu pars sans te couvrir les jambes ? Tu ne les protèges pas ?
- Non, répondit le monstre. Nous n’allons pas donner l'assaut, juste occuper la courtine de la première enceinte et pour courir sur les remparts, il faut avoir le pied léger. Les dards venant des hauteurs me respecteront comme toujours.
En sortant du campement, il crut apercevoir entre deux tentes, Hyppotarque la députée Augiares qui le suivait de ses yeux rieurs. Et quand leurs regards se croisèrent, elle lui fit un large sourire avant de s'éloigner vers la tente des ambassadeurs.
Trompes, olifants, buccins sonnèrent, une partie de l’armée sembla se déplacer, marcher vers le châtelet et la première enceinte de la forteresse.
Les mantelets avançaient, véritables murailles avec des ouvertures pour laisser passer les traits décochés par les archers. Derrière ces remparts mouvants marchaient les fantassins armés de vouges, cependant que sur d'autres points de sombres et rudes bataillons de Vulcamars* portant avec eux échelles et fascines atteignaient le premier rempart.
A cause de la prise du châtelet les Servicis avaient évacué toute cette partie de la fortification laissant ainsi un stade* de muraille sans défense.
Samaël devant la herse levée fit appeler Djezabelle, Zaïlia et Argis.
- Je devrai vous punir bande de chipies… Une Générale et deux ambassadrices qui se comportent comme des mercenaires… vous n’avez pas honte ?
- Seigneur, nous voulions vous faire la surprise. Nous sommes des combattantes, ce châtelet était une proie bien trop facile et tentante et je vous ai entendu parler de la tempête de sable et comme Argis et Res Teixó m’ont proposé son aide… Comme on dit c’est l’occasion qui créait le larron.
- C’est moi qui ai insisté pour faire partie de ce coup de main. J’ai trop de haine envers Thorv pour laisser à quiconque le soin d’ouvrir les portes du château.
- Mes filles vous êtes loin du compte et ce n’est pas par-là que je comptais donner l’assaut. Enfin c’est fait et on ne va tout de même pas leur rendre leur porte. Mais si vous ne vous étiez pas précipitées, vous auriez écouté mon plan. Vous ne savez même pas à quoi ressemble cette forteresse.
- Nous partions avec de bonnes intentions…
- L’enfer et pavé de bonnes intentions. Alors regardez et écoutez. Samaël s’accroupit et commença à dessiner dans le sable. La Dent Noire n’est pas qu’une forteresse, c’est aussi une oasis. D’un doigt il traça un point d’interrogation, voilà à quoi cela ressemble. Ce trait qui est assez épais représente les remparts qui sont sur les flancs d’un ancien volcan. Presque au milieu du cratère il y a un lac entouré d’une palmeraie et comme pour le point d’interrogation la boucle n’est pas fermée naturellement, du moins ici elle est fermée par une première enceinte convexe avec quatre tours de flanquement et le châtelet au milieu. A chaque extrémité du rempart se trouve aussi une tour forte qui est adossée au flan du volcan. Celle de gauche c’est la tour ouest dite de la porte jaune. L’autre tour est dite de la porte noire. Ces tours possèdent quatre étages au-dessus de notre courtine. Comme le terrain s’élève considérablement, les chemins de ronde des courtines ne sont pas au même niveau. Nous avons grâce à vous le chemin de ronde en contre bas, il est bien à 15 mètres au-dessous du chemin de ronde ennemi. On sait que pour chacune de ses tours il y a une porte qui s’ouvre sur notre chemin de ronde. C’est une de ces deux tours qu’il fallait prendre par surprise et non le châtelet qui débouche sur une lice barrée par une enceinte concave plus forte et plus haute. Maintenant il va falloir faire avec. Les ennemis postés dans les étages des tours sont seuls en communication directe avec notre courtine. Même si nous parvenons à détruire les hourds et le crénelage supérieur des tours et même si nous pensons avoir rendu l’ouvrage indéfendable, cela ne serait qu’une illusion, alors même si on tente l’assaut de l’une des tours, nous serons reçus de flanc par les postes établis dans les étages inférieurs, lesquels, sont facilement défendables. Quant à utiliser des catapultes ou des pierrières pour bouleverser les murailles autant oublier tant elles sont épaisses. Voyez ! elles commandent les chemins de ronde. C’est la seule façon d’arriver sur la lèvre du volcan là où sont les casernes, les magasins et le palais. Thorv connait son affaire, ce n’est pas pour rien qu’il a aplani et tronqué le sommet du cratère. Il n’a laissé du relief que pour adosser ses superstructures. Sans compter que les flancs du volcan au sommet desquels sont les murailles ont été rendus lisses par plusieurs couches de verroi, Il n’est pas besoin de dire que les hourds battent les pieds du volcan. Alors les filles vous proposez quoi pour racheter votre bévue ?
- Cela ne sert à rien de nous excuser, Seigneur Samaël, encore une fois vous prouvez à tous votre clairvoyance. Répondit Zaïlia, Vous avez raison, il ne sert de rien de vouloir enlever une des tours fortes, on peut les considérer comme deux bastions inexpugnables. Nous n’avons pas de beffrois ni d’hélépoles* assez hauts et assez forts pour dominer leurs remparts. Entamer un long siège au milieu de ce désert parait impossible même pour nous. Le manque d’eau va poser un problème.
- Qu’en pense ma générale ?
- Seigneur, ce qu’a dit Zaïlia est on ne peut plus juste. Mais rien n’est perdu. Il est certain qu’ils vont s’attendre à ce qu’on fonce sur la deuxième enceinte, celle qui verrouille l’oasis au centre du cratère. C’est le point faible de leur dispositif. On peut tout de suite tenter l’assaut… mais il y a peu de chance pour que nous vainquions, mais cela les confortera dans l’idée que c’est leur unique point faible.
- Parce que tu penses qu’il y en d’autres points faibles à cette forteresse ? intervint Samaël.
- Oui seigneur, au moins trois autres.
- Nous t’écoutons.
- Tout d’abord il y a une autre entrée creusée dans la falaise, au nord, elle traverse le flanc du volcan pour sortir dans l’oasis cette poterne n’est pas facile à prendre mais c’est faisable. Ensuite avec tout ce sable et les techniques de Ligéris on peut construire une rampe d’accès au volcan sur laquelle on pourrait mettre un ou deux beffrois. C’est un peu long comme méthode mais c’est faisable. Et pour finir il y a…
- Il y a l’eau ! intervint Argis.
- Oui tu m’as comprise ! l’eau qui alimente le lac, car ce ne sont pas les maigres pluies qui peuvent entretenir un tel plan d’eau.
- Et bien générale vous nous avez mis dans la merde avec vos amies. Alors pondez moi un plan qui nous en sorte pendant que je vais secouer les puces de ces chiens.
Samaël sortit du porche laissant les filles à leur nouvelle mission.
A sa vue, les murailles se couvrirent de défenseurs. Au-dessus des créneaux des casques rutilants, des bras agités se montraient, lançant des javelots, des frondes se dressaient tournoyantes en sifflant comme des cobras, lâchant des balles de pierres, les arcs tiraient moulte flèches qui assombrissaient le ciel.
Pour encourager les siens, Samaël marchait devant les six cents Vulcamars*, qui se riaient des projectiles de toute sorte qui heurtaient, se plantaient ou ricochaient sur le bois des boucliers. Ils étaient parvenus jusqu'au pied du mur qui était bien plus solide que celui de la première enceinte. Sa base était formée de grands blocs cyclopéens de granit. Sachant qu'il était difficile voire impossible d'escalader les murs, les Vulcamars*, voulaient ouvrir une brèche dans les fondations pour jeter à bas la muraille grisâtre devant laquelle les troupes risquaient de se briser. Arrivés tout près d'elle, les Vulcamars* abandonnaient l'abri des mantelets et des fascines pour se lancer avec fureur contre le mur aux énormes pierres. Ils n’avaient pas oublié qu’ils étaient des mineurs hors pair. Aussi ils travaillaient à la construction de rampes et de galeries apportant des vineae* ainsi que d’autres fascines* afin d’être protégés, ils les disposaient derrières les mantelets, comme de longs cordons qui les suivaient de façon à former de longs couloirs. Des boucliers en osier (plutei*) étaient utilisés pour protéger l'avant du couloir. Nus, noirâtres et tapageurs, levant et baissant leurs bras musclés au bout desquels brillait le fer de la pioche, ils étaient pareils à des esprits infernaux crachés des enfers. Les Vulcamars* étaient là pour détruire le mur. Poursuivant avec acharnement leur tâche de démolition, ils travaillaient en rugissant, insensibles aux coups qui pleuvaient d'en haut.
Samaël se fraya un chemin parmi eux pour atteindre le front de taille.
- Alors les gars ?
- On va y passer des semaines, mais on l’aura ce putain de rempart.
- Les gars je vous en demande pas tant. Tout ce que je veux c’est que vous fassiez le plus de bruit possible le mur est trop épais et trop dur creuser des galléries sous les fondations c’est vous envoyer à une mort certaine ils feraient des contre mines qu’ils noieraient de verroi en fusion. Non je veux simplement qu’ils croient que vous attaquez la muraille.
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Accubita* : Lit de repas.
tchaï* : Boisson chaude ou froide, ressemblant au thé quoiqu'ayant un léger goût de violette et de prune. Elle est forte en « vigilite » (substance proche de la caféine et de la taurine.)
rétribution* : La notion de rétribution (jazâ'), avec ses concomitants que sont la récompense (thawâb) et le châtiment ('adhâb), est très présente dans la doctrine de Samaël,
mushafar jazâ'thawâb*: code des rétributions des récompenses. Pour devenir chef de clan, il faut accomplir un certain nombre d'exploits qui sont comptabilisés dans le papyrus des chefs.
Sous le ciel et sur le sable*: idem que... Ma foi.
reg*: desert de cailloux.
Pinsamorts* : ils font partie des premières espèces d'insectes connues sur Exo capables de changer rapidement de couleur pendant la copulation et lorsqu'ils sont dérangés ou qu’ils désirent manifester leur humeur.
Les trois vies du Pinsamort
La femelle pond des grappes d'œufs dans de profonds trous qu’elle referme avec une boule de nourriture. Le développement du Pinsamort va ensuite passer par trois étapes :
- La phase larvaire. Une larve épineuse de la taille d’un bras, jaunâtre ou doré émerge de son œuf en 25 à 30 jours. Les tortues dorées car c’est leur nom en tant que larves, se protègent en collant du sable et des pierres et des matières fécales à leurs fourches anales comme un bouclier afin de se cacher des éventuels prédateurs lorsqu’elles s’enfoncent dans le sable, la larve peut vivre jusqu’à 9 ans en se nourrissant de charogne et de prédations.
- La phase nymphale. Au cours, après avoir passé plusieurs années dans ses galeries peux profondes à fleur de sol, la larve creuse une solide coque ovoïde à base de sable afin de se nymphoser ;
- La phase adulte (imago). La nymphe va se transformer en adulte et sortir de sa loge pour se reproduire.
Au terme de la reproduction, les adultes survivent en moyenne une centaine d’années.
On ne sait pas grand-chose sur la raison pour laquelle ces coléoptères géants changent de couleur comme ils le font, mais cela pourrait être en rapport avec la défense et/ou la signalisation sexuelle. Il a été suggéré que pour les coléoptères qui passaient de terne à dorée, pourraient signaler au sexe opposé qu'ils sont prêts à s'accoupler. Les coléoptères qui ne sont pas assez mûrs pour produire la coloration dorée ne s'accouplent pas. Il a été également suggéré que la qualité métallique de l'or pourrait les rendre plus difficiles à voir pour les proies, en raison de l'éblouissement. Le Pinsamort présente un dimorphisme sexuel très prononcé : le mâle possède des mandibules ainsi qu’une corne hypertrophiée qui rappellent les Centrosaurus et affiche des dimensions bien supérieures (jusqu’à 10 m de long) à celles de la femelle (de 5 à 7m). Le plus grand Pinsamort doit sa taille à la qualité nutritionnelle des fonds sableux, des bans de coques et des hordes de gerbilles dont il se nourrit. C’est pourquoi, en fonction des régions, son gabarit est classé en major, médium ou minor.
À quoi servent les mandibules ?
La nature étant bien faite, les puissantes mandibules du mâle servent d’armes de combat lors des joutes entre rivaux pour accéder à une femelle et s’accoupler. Les mâchoires ne peuvent pas percer la solide carapace de l’adversaire mais elles permettent de lui saisir les pattes et de le déséquilibrer tout en restant à distance. Le vaincu étant celui qui se fera renverser sur le dos. Le mâle utilise également ses pièces buccales pour maintenir sa partenaire lors de l'accouplement. Chez la femelle, les mandibules sont plus petites mais sont tout aussi dangereuses peuvent. Elle emploie d’ailleurs cette force pour s'enfoncer dans les souches pourries du fond des sables et y pondre ses œufs.
Le peltè* : Bouclier léger porté par le peltaste, combattant d'infanterie légère. Il a une forme de croissant (côté concave vers le haut) et est réalisé d'une armature de bois, souvent de l'osier, recouverte de peau de chèvre ou de mouton. Comme l'aspis koilè, sa face externe porte un emblème, souvent un dessin géométrique mais qui peut aussi être plus représentatif (serpent, œil, croissant…).
Trabuks* : le trabuk est à la croisée entre un saurien et un crocodilien. De couleur bordeaux vivant à fleur de vase il ne mue pas. Il ressemble à un peu à un varan. Les trabuks sont généralement des animaux solitaires et territoriaux. Ils ont une alimentation très variée. Leur peau est très épaisse et recouverte d'écailles qui ne se chevauchent pas. Ils ont deux rangées de dents coniques et une morsure à la fois puissante et venimeuse. Ils ont un cœur à six chambres et un système unidirectionnel du flux d'air autour des poumons. Ils sont aussi ectothermes. Ces animaux sont bien connus en raison de la crainte qu'ils inspirent, certains spécimens vivants pouvant atteindre jusqu'à 5 mètres de long et peser presque une tonne. Ils sont semi-fouisseurs et leur queue est courte.
L'hélépole : (en grec ἑλέπολις / helépolis : « preneur de cités ») est une grande tour de siège inventée par Polyeidos de Thessalie au IVe siècle av. J.-C. Cet engin de siège est alors considéré comme le plus grand et perfectionné de son temps. Diodore de Sicile en offre une description détaillée1 : il s'agit d'une tour de neuf étages bardés de fer, de 40 mètres (125 pieds) de haut et 21 mètres (60 pieds) de large, pesant 180 tonnes.
Une fascine* : (du bas latin fascenina, « faisseau, botte ») est une structure composée de branchages enchevêtrés et assemblés de manière à former un barrage, en amont duquel les matériaux fins s'accumulent. Ce fagot de branchages est utilisé pour combler des fossés, réparer de mauvais chemins, modérer l'érosion des sols par ruissellement et par le vent (érosion éolienne) sur les dunes (technique qui peut remplacer celle des ganivelles) et les petits bassins versants, et faire des ouvrages de défense. Elle peut aussi servir à faire du petit-bois pour allumer le feu. La pose de fascines ou l'ouvrage constitué de ces branchages s'appelle « fascinage ». Les fascines ont aussi un usage militaire de comblement des fossés notamment. Une fascine peut servir à : combler les fossés avant une attaque ; protéger les combattants ; protéger les engins et pièces d'artillerie. La fascine fait partie des outils d'attaque et de défense des places fortes.
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