7 - LUI
Ce n’est pas le moment de bander, Grégoire s’énerve contre lui-même et redescend sur terre.
Tremblotant, il fait un premier numéro de téléphone…et, la voix chevrotante, demande à la personne à l’autre bout de la ligne à parler à Fanny. Bien sûr, la réponse est négative. Il n’y a pas de Fanny ici.
Déçu et soulagé à la fois, il prend sa tête entre ses mains. Elle ne lui pardonnera pas d’appeler sur son lieu de travail, il le sait, il risque de la perdre.
Mais a-t-il le choix ?
Il tente un deuxième numéro. Le scénario est identique. C’est à s’arracher les cheveux.
Heureusement, un de ses collègues le sort de son angoisse en lui proposant un dossier épineux sur lequel travailler à deux.
Durant le reste de la matinée, Grégoire passe de l’angoisse à l’espoir, et bénissant son collègue de lui changer les idées sans le vouloir.
En rentrant chez lui pour déjeuner, il remet le masque. Sa femme ne doit rien soupçonner de son inquiétude.
Ce jour-là elle est particulièrement ravie de le revoir, presque euphorique. Sabine est certes d’humeur enjouée généralement mais ils se voient un midi sur deux pour déjeuner ensemble chez eux, la situation n’est en rien exceptionnelle et ne justifie pas un tel comportement.
Alors qu’ils s’installent dans la cuisine, Grégoire tente de faire bonne figure et d’avaler quelque chose, tandis que sa tendre moitié semble d’humeur coquine. Elle lui fait du pied sous la table, le regarde lascivement. Il connait ce regard, et surtout où il mène. Il prie en son fort intérieur, pas aujourd’hui Sabine, pitié.
Il adore sa femme et est toujours prêt à la satisfaire, mais là, il est vraiment pris de panique pour sa maitresse. Quelle horreur, devoir repousser sa femme alors qu’il pense à une autre. C’est inconcevable, il va devoir passer outre ses états d’âme, Sabine ne mérite pas ça.
Elle est en demande, provocatrice. Elle ne s’est jamais comportée de la sorte. Sensuelle et joueuse oui, mais vulgaire…C’est bien la première fois qu’il voit sa femme lui proférer des insanités, certes à caractère sexuel, mais ce n’est pas son genre. Grégoire ne sait pas comment réagir.
Evidemment qu’ils ont déjà fait l’amour sur leur 12 -13 tellement envié par leurs amis, mais cette façon qu’elle a de…
- Chérie, tu te sens bien ?
- Oui mon amour, très bien…je suis chaude comme la braise…je veux ta bite mon ange, ta belle grosse queue pour me remplir.
Le rire qui retentit est presque en train d’effrayer Grégoire. Qu’est-ce qui lui prend ?
- C’est quoi cette nouvelle façon de parler ?
- Quoi ? Tu n’aimes pas ? Tu n’as pas envie de me baiser comme une petite chienne ? Hmmmm je le veux tellement mon amour…
En joignant le geste à la parole, Sabine grimpe sur la table et avance à quatre pattes vers son mari.
Grégoire se croit pris d’hallucination.
- Chérie, ma douce, calme toi on va aller au salon si tu veux ou dans la ch…
- Ferme la maintenant !
- Quoi ?
- Ferme la et prends-moi, ici et maintenant ! ma chatte est en ébullition, trempe toi dedans et soulage moi.
- Non non attends, laisse moi passer par la salle de bain avant…
En faisant mine de râler, Sabine commence à se déshabiller en insistant sur le fait qu’elle attendait, elle dévoile ses jambes fines et musclées, son string rouge en dentelle et son soutien gorge assorti. Elle se veut aguicheuse, elle veut le rendre fou.
Grégoire tente de gagner du temps, et surtout, de comprendre. Tout se mélange dans sa tête…la peur, la stupeur, il ne sait plus comment réagir. Il est trempé de sueur, Sabine ne doit rien remarquer. En enlevant sa chemise, il ouvre la porte de la buanderie, qui reste bloquée. Il insiste, force, rien à faire.
- Sab pourquoi je peux pas rentrer dans la buanderie ?
- Laisse cette foutue pièce et vient me bouffer le cul, chéri je t’en supplie je suis en transe !
Non mais elle est pas bien cette fois ! Jamais au grand jamais elle n’a utilisé ce vocabulaire. Grégoire suffoque, et les idées noires vont bon train.
Il doit savoir. C’est complètement fou. Ce pourrait-il que ce soit…non il refuse de croire à ce scénario sordide. Il a toujours pris ses précautions, il est sûr de n’avoir jamais laissé de traces, nulle part. Sabine ne peut pas savoir, et surtout, surtout, elle serait bien incapable de faire du mal à qui que ce soit…enfin…la femme qu’aime son mari…la femme qui fait l’amour avec son mari…non non il ne veut pas y croire, ne peut pas envisager.
- Sab merde viens ouvrir la porte ou je la défonce.
- NON !
Sabine s’est précipitée, à moitié nue, vers son mari.
- Laisse cette porte tranquille. Elle est fermée pour une bonne raison.
- Quelle raison, ouvre !
- Non.
La colère gagne Grégoire qui transpire de plus en plus.
- Non chéri, s’il te plait fais moi confiance. J’ouvrirai ce soir je te le promets.
- Sab je plaisante pas.
- Moi non plus Greg. Merde à la fin, il t’arrive quoi là ? J’ai envie de toi et tu m’embrouilles avec ta porte. Merci franchement merci.
Grégoire se radoucit devant les larmes de sa femme.
- Pardon mon amour, mais je ne comprends pas que…
- Moi non plus il y a des choses que je ne comprends pas, et pourtant je fais avec.
Des claquements de porte ont mis fin à cette conversation, et Grégoire se retrouve esseulé, perdu, stupéfait par ce qu’il vient de vivre.
Il doit repartir au travail, avec cette fois la double angoisse de ne pas savoir où est Fanny, et de pas avoir compris les intentions étranges de Sabine.
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