Cinq garçons, et trois filles
Neuf heures trente, jour de rentrée.
Ils s’étaient installés en silence. Cinq garçons et trois filles. Attentifs.
Par la fenêtre extérieure, je distinguais le parc qui s’évanouissait en contrebas, dans les brumes matinales.
L’infirmière m’avait prévenu : « Si le premier contact passe mal avec Théo, il ne t’adressera pas la parole de toute l’année. Tu vois le Docteur Etienne ? Huit mois qu’il ne lui a pas sorti une syllabe ».
Sympa, l’infirmière. Dans le genre débrouille-toi avec ça !
— Bonjour à tous ! Je m’appelle Jonathan. Jonathan Froger. Et je suis ravi de commencer cette année avec vous.
Pas de réaction.
Tu parles. Les gens ravis de les rencontrer, les médecins évoquant mon abcès de cornée pour la petite Noémie, mon glaucome de la sept pour le jeune Matthias, les psychologues expliquant que, oui, ils étaient malades, que demain ce serait différent, pas mieux, mais différent, l’éducatrice du secteur B à la voix suraigüe…
La salle était spacieuse. Et les gamins rassemblés au beau milieu. Une entité. Huit visages tournés dans des directions différentes, comme dans ce tableau de Rembrandt aperçu au Rijksmuseum.
Et ce nouvel intrus. Moi. Cette voix tombée de nulle part.
— Je ne vois qu’une solution pour vous enseigner quelque chose, mais ça va être compliqué.
Un ange passe. Discrètement.
— Je préfère vous prévenir, vous n’êtes pas sortis de l’auberge. Et ne vous moquez pas si je me trompe.
L’ange repasse, moins discrètement.
— Il va falloir que vous m’appreniez le Braille.
Eclat de rire général.
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