Par une ruse à ma façon
T’es méchante. Je t’aime pas, je préfère le chien à toi. C’était facile à dire, elle lui jetait ses fausses vérités avec le désespoir de ceux qui veulent être serrés dans les bras. Mais la grande sœur n’hésitait qu’entre la gifle et le coup de pied avant de claquer une fois encore la porte sur son nez dépité. Les portes étaient solides. Qu’ai-je fait au bon dieu pour avoir deux gamines aussi insupportables, se lamentait la mère en s’enfuyant faire des galettes au beurre. La pauvre espérait encore les réconcilier en remplissant les estomacs, mais c’était sans compter l’indéfectible constance de la rivalité, elle en a eu plus que moi, je veux pas la trouée, méchante, toi-même.
Sa sœur aimait ne pas aimer étudier, elle restait des heures à regarder ses cahiers et geindre, elle découpait des petits papiers qu’elle pliait, elle collait de petits papiers qu’elle coloriait, elle assemblait de petits papiers qu’elle gribouillait. Avec méthode et rigueur. Ses devoirs n’avançaient pas.
Pour ne pas lui ressembler, elle dévalait ses leçons comme une piste de ski les yeux fermés, ça glissait, ça roulait. Le résultat de sa vitesse, c’était la joie de ses poupées. Qui l’attendaient. Il fallait les habiller, les soigner, les pauvres étaient souvent malades, certaines devaient être amputées et d’autres avaient des poux, leurs cheveux avaient besoin d’une bonne coupe. Évidemment que ses poupées parlaient, il fallait bien leur donner de la voix, mais la grande ne comprenait pas, ses papiers à elle étaient silencieux. Les chambres étaient mal insonorisées, la cloison trop fine. Les hurlements reprenaient, tu m’empêches d’étudier, Maman elle fait trop de bruit, Maman fais la taire.
Alors l’évidence la terrassait, sa sœur la haïssait.
Annotations