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 C’était la veille de Noël, les commerces de la ville étaient en fête, des décorations illuminaient les rues et les façades.

Gaëlla s’arrêta au pied du grand immeuble qui lui faisait face, un bâtiment gris d’une soixantaine d’étages. Sur la façade, des informations défilaient sur un large écran digital, indiquant qu’il s’agissait du Centre des Séances d’Approche, le point névralgique du Quartier des Rencontres.

La jeune fille s’était inscrite à un créneau d’une Après-Midi des Cœurs, à quatorze heures, au trente-et-unième étage, d’après les informations indiquées sur son e-wrist.

Elle souffla un bon coup, puis s’approcha des hautes portes d’entrée de verre. Après un bip, celles-ci coulissèrent sur le côté et elle pénétra dans un sas immaculé.

Identification et analyse en cours. Veuillez rester immobile, annonça la voix robotique de l’accueil.

Un laser vert transversal descendit du plafond, passa de haut en bas sur son corps, et une légère sonnerie retentit.

Veuillez laisser dans les bacs à disposition, tout objet tranchant, abrasif, hautement inflammable, ou susceptible de constituer un danger.

Une pile de barquettes rectangulaires en plastique blanches, descendit lentement d’une trappe au plafond, sur un bras en métal coulissant. Gaëlla tendit la main et se saisit de l’une d’elles.

Elle se demanda si elle était censée retirer sa ceinture, elle ignorait si c’était considéré comme un objet dangereux, et décida de la garder.

Elle laissa retomber le bac vide à ses côtés et fit un pas en avant, dans l’attente de l’ouverture du sas. Rien ne bougea et la voix robotique répéta :

Veuillez laisser dans les bacs à disposition, tout objet tranchant, abrasif, hautement inflammable, ou susceptible de constituer un danger.

Gaëlla soupira, irritée. Avec toute la technologie qu’ils étaient capables de développer, pourquoi n’étaient-ils pas fichus de lui indiquer directement ce qui posait question, au lieu de la laisser deviner ce qui ne passait pas ?

Elle ôta sa ceinture, mais rien ne se produisit et le message se répéta.

Impatiente, elle tâta ses poches, fouilla son sac-à-main, en quête de la source du problème, mais ne trouva rien de spécial. Elle conclut que le système faisait erreur et avança d’un nouveau pas en avant, mais le sas resta clos. Une fois de plus, elle entendit :

Veuillez laisser dans les bacs à disposition, tout objet tranchant, abrasif, hautement inflammable, ou susceptible de constituer un danger.

Désormais franchement agacée, la jeune fille tapa du poing contre la surface immaculée devant elle et s’écria :

– Hé ! Où est le bouton d’aide ? S’il vous plait ? Je ne comprends pas ce que je dois laisser !

Elle se tut subitement lorsque les portes coulissantes derrière elle s’ouvrirent. Une fille de son âge pénétra dans le sas.

Identification et analyse en cours. Veuillez rester immobile, dit la voix.

Le laser vert la scanna de la tête aux pieds, puis elle avança au niveau des barquettes en plastique.

– Oh, tu es coincée ? l’interrogea-t-elle, en voyant l’expression courroucée de Gaëlla.

– Oui… Je ne vois pas ce qui bloque, grommela cette dernière en inspectant une nouvelle fois le contenu de son sac-à-main.

La jeune fille s’approcha d’elle. Ses longs cheveux blonds, retenus dans une élégante queue de cheval, se balançaient au rythme de ses mouvements.

– Laisse-moi regarder, proposa-t-elle.

Gaëlla lui tendit son sac. Elle remarqua la grâce avec laquelle la fille s’en saisit. À présent qu’elle était plus près, elle apercevait une myriade de taches de rousseur sur son visage pâle aux traits harmonieux. Son nez fin et ses pommettes hautes lui donnaient des airs scandinaves.

– Hmm… Pour moi, il n’y a rien de spécial non plus, déclara la jeune fille en lui rendant son bien. Attends, c’est probablement sur toi. Tu permets que je te tâte ? Il y a peut-être un bout de matériau problématique dans tes vêtements.

Gaëlla ouvrit la bouche, prête à dire quelque chose, mais se contenta de hocher la tête en signe d’approbation. Elle frémit lorsque les doigts délicats de la fille se posèrent sur sa taille et s’activèrent le long de son corps pour tenter de localiser l’origine du blocage.

– C’est la première fois que tu viens à une Séance d’Approche ? la questionna la jeune fille.

– Oui. Je vais à une Après-Midi des Cœurs. Et toi ?

Les mains fines remontèrent le long de ses jambes.

– J’en ai fait quelques-unes, dit-elle. Mais pour l’instant, rien de concluant. C’est quoi, ton nom ?

Gaëlla frissonna lorsqu’elle se redressa pour lui palper le dos, l’air concentré. Elle lui répondit d’une voix qu’elle espérait affirmée, avant de lui retourner la question.

– Moi c’est Hona. Oh, je crois que j’ai trouvé !

Le visage soudain éclairé, elle désigna le collier que Gaëlla portait au cou.

– Ton pendentif, dit-elle, c’est une dent de requin, n’est-ce pas ?

Gaëlla acquiesça. Elle n’avait pas porté ce bijou depuis des années. Il s’agissait d’un des rares cadeaux de son père éleveur, à l’occasion de l’anniversaire de ses douze ans. À l’époque, elle l’avait suspecté de simplement s’être débarrassé d’une vieillerie dont il ne voulait plus, au vu de la nature du bijou et de la taille du cordon, mais elle avait tout de suite aimé la dent beige polie et brillante.

– Enlève-le, on va bien voir si c’est ça, suggéra Hona.

La jeune fille s’exécuta et déposa le collier dans le bac blanc. Au contact du bijou, le fond de la barquette s’éclaira. Un bip résonna et le sas s’ouvrit enfin.

Avec un sourire triomphal, Hona s’exclama :

– Et voilà ! Tu ne risqueras plus d’attaquer qui que ce soit avec ta dangereuse dent polie !

Les deux jeunes filles éclatèrent de rire et sortirent ensemble du sas.

Comme Gaëlla ne connaissait pas le chemin jusqu’à la salle où se déroulait son événement, Hona lui expliqua la disposition des lieux et proposa de l’accompagner.

Elle lui apprit que depuis l’annonce de la nouvelle loi concernant l’âge maximal pour être référencé avec un conjoint, le nombre de jeunes fréquentant les Séances d’Approche avait explosé. Ces activités proposées par le gouvernement, telles que les Après-Midis ou les Bals des Cœurs, étaient bondées, si bien que près d’une centaine en étaient organisées chaque jour en simultané.

– Mon Après-Midi des Cœurs à moi est à l’étage 48, l’informa-t-elle encore. Et ce soir, je vais au Bal des Cœurs du 56ème. Ce sera la troisième fois que j’y vais, le DJ mixe des sons supers !

Après un rapide coup d’œil à son e-wrist, Hona reprit :

– Ça va être l’heure pour moi, si je ne veux pas arriver en retard. C’était un plaisir de faire ta connaissance !

– Merci pour ton aide, dit Gaëlla avec un sourire. Peut-être à une prochaine !

Et tandis qu’elle l’observait s’éloigner dans le long couloir du 31ème étage, une part d’elle-même ne pouvait s’empêcher de constater à quel point elle avait de belles jambes.

Secouant la tête pour s’éclaircir les idées, la jeune fille se tourna face à la porte de la salle où avait lieu son activité. Elle plaqua un sourire sur son visage, s’encouragea mentalement, et poussa la poignée, le ventre un peu noué par l’appréhension.

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