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Les sirènes résonnaient dans l’obscurité.

De leur refuge provisoire, Gaëlla et Hona apercevaient les secours s’activer autour du bâtiment, entrer et sortir.

La majeure partie du grand immeuble du Centre des Séances d’Approche n’était plus qu’un tas de ruines. Le spectacle était désolant. Toute une moitié de la largeur était complètement effondrée sur elle-même. Le côté où les jeunes filles se trouvaient au moment de l’explosion, s’avérait le plus épargné.

Amputé de son élément central, le Quartier des Rencontres ressemblait à un navire sans mât. De partout, des gyrophares crevaient la nuit.

D’un geste tremblant, Gaëlla essuya les larmes qui coulaient sur son menton, où un large pansement recouvrait sa plaie. Elle percevait toute la douleur physique que lui infligeaient ses blessures, mais avait du mal à ressentir autre chose que du vide, à prendre véritablement conscience de la situation. C’était comme si son cerveau était ankylosé, ses émotions paralysées. Elle ne comprenait donc pas pourquoi des larmes roulaient sans discontinuer le long de ses joues.

Hona, serrée contre elle, avait le teint cireux et le regard inexpressif. Gaëlla évitait de la fixer, elle avait l’impression de revoir les dizaines de cadavres ensevelis qu’elles avaient découverts un peu plus tôt dans les décombres de l’immeuble.

Après avoir quitté la salle d’arcade dévastée, les deux jeunes filles avaient continué d’arpenter le couloir jonché de gravats et de corps inertes. Au terme de plusieurs nouvelles tentatives, elles avaient enfin trouvé des survivants, dans diverses salles du rez-de-chaussée.

En tout, vingt-sept personnes avaient montré des signes de vie sur leur passage. Certaines étaient coincées sous les décombres, d’autres étaient si profondément blessées que les jeunes filles doutaient qu’elles n’en réchappent, et seuls six garçons et trois filles avaient été en capacité de les suivre pour sortir du bâtiment écroulé sur lui-même.

Leur état était alarmant, et malgré le sentiment de déréalisation qui l’engourdissait, Gaëlla avait saisi l’urgence de la situation, jaugeant que s’ils n’étaient pas pris en charge rapidement, peu s’en tireraient, ou avec d’irrémédiables séquelles. Elle avait alors clopiné jusqu’à la route, et intercepté le premier camion de secours à être arrivé sur les lieux.

L’alerte avait dû être donnée à peine quelques instants après la déflagration, et une myriade de véhicules de police et de pompiers n’avait pas tardé à débarquer, tous feux sortis.

En attendant de les évacuer, on les avait placées pour quelques instants en lieu sûr, à l’écart du bâtiment détruit, et les premiers soins leur avaient été prodigués. Les rescapés les plus grièvement blessés avaient été privilégiés pour être pris en charge au plus vite.

– Mesdemoiselles, les interpella un secouriste, vous allez être transférées à l’hôpital. Venez, je vais vous aider à monter à l’arrière du camion.

Chaque cahot sur la route provoquait instantanément une intense douleur dans la mâchoire de Gaëlla, qui se mordait la langue pour ne pas crier. Hona, assise à côté d’elle sur un brancard, arborait une expression de profonde souffrance, tandis qu’une urgentiste désinfectait sa blessure au bras. Une fois une épaisse compresse appliquée sur sa plaie, la jeune fille soupira, puis se tourna vers Gaëlla.

– Tiens, dit-elle en tendant son poing clos vers elle, le regard éteint.

Gaëlla ouvrit machinalement la main. Hona laissa tomber un collier dans sa paume. Ahurie, la jeune fille contempla la dent de requin polie, rattachée au cordon en tissu noir par un fin joint de fer.

– Il nous a sauvé la vie.

Gaëlla leva les yeux vers son amie et la fixa sans comprendre, incrédule.

– On était dans le sous-sol au moment de l’explosion, développa celle-ci. Autrement dit, dans la partie la mieux protégée du bâtiment. On porte les dents de requin en amulette, ça ne doit pas être pour rien…

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