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Lorsque son réveil la tira du sommeil, elle sentit aussitôt une violente migraine lui vriller le crâne. Groggy, elle fit taire la sonnerie de son e-wrist en effleurant son poignet, et ouvrit lentement les yeux.

Il était 7h, elle était censée se préparer pour aller en cours. Sa soirée de la veille lui revint en mémoire, et elle se massa les tempes, encore assommée par la fatigue.

En grognant, elle s’extirpa de sa couette pour plonger sa tête sous l’évier de la cuisine et laisser couler l’eau fraîche sur sa face bouffie, tout en avalant de grandes gorgées avides.

Au bout de trente secondes, cependant, le système automatique de sa bulle coupa le débit. Bougonnant de frustration, la jeune fille se tamponna le visage à l’aide de sa robe, et se rendit alors compte qu’elle était encore vêtue de sa tenue de la veille.

En rentrant chez elle, chancelante, misérable, elle avait seulement quitté sa veste et ses chaussures, avant de s’affaler dans son lit.

La perspective de passer une journée de cours dans son état la déprima aussitôt. Son seul souhait, en cet instant, était de replonger dans les abysses du sommeil, et elle n’y résista pas longtemps.

Lorsqu’elle émergea à nouveau, il était plus de midi. Nulle culpabilité ne l’envahit néanmoins à la pensée qu’elle manquait une journée d’examens. C’était même le cadet de ses soucis.

Alors qu’elle prenait sa douche, une alarme se déclencha dans sa bulle, sans qu’elle ne parvienne à en localiser l’origine. Elle mit vingt minutes à trouver la source du problème, mais eut beau ordonner au système de sa bulle de faire stopper cette insupportable sirène, celui-ci était buggé. De désespoir, la jeune fille frappa le boitier indocile d’un marteau, mais l’alarme ne s’arrêta pas pour autant.

Exaspérée par son système défaillant, la jeune fille faillit bien tout casser autour d’elle. Ce ne fut qu’une demi-heure plus tard que la sirène cessa, sans raison apparente, lui offrant enfin le répit.

Mâchonnant distraitement un bâtonnet de réglisse en guise de dessert, après un sommaire déjeuner de pousses de soja assaisonnées de vers, Gaëlla ne pouvait s’empêcher de retracer le fil de sa dernière conversation avec Romickéo, avant qu’elle ne vire à la querelle.

Ses nombreux verres de liqueur l’avaient rendue apathique et flegmatique sur le moment, mais à présent qu’elle avait de nouveau les idées claires, la théorie avancée par le jeune homme l’intriguait sincèrement.

Se pouvait-il que l’Etat coordonne et planifie réellement les décès des citoyens qui vieillissaient ?

Certes, le sens manquait derrière cette hypothèse folle, dont le but final lui échappait, mais d’après Romickéo, il y avait bien des explications.

« Les origines de tout ça se cachent dans les prémices de la chute de l’ancien gouvernement, à l’aube de la Guerre Propre, » avait-il dit, mystérieux, avant de se refermer comme une huitre.

Elle reconnaissait que la mort de son éleveur était troublante, et même si un cas isolé ne pouvait prouver toute une théorie, la jeune fille avait envie d’en savoir plus et de creuser le sujet.

Elle regrettait d’avoir tant bu la veille, annihilant ses sens et engourdissant son esprit, l’empêchant d’être attentive aux éclaircissements de Romickéo, et la poussant à être brutale à son égard… Elle l’avait ouvertement traité de complotiste et ne s’était pas gênée pour décrédibiliser son avis.

Mais en dépit de sa curiosité et de ses remords, Gaëlla ne comptait pas revenir vers lui pour lui demander de continuer à développer sa pensée.

Même si elle ne s’était pas montrée très aimable en premier lieu, l’attitude qu’il avait eue envers elle avant de quitter le bar, l’avait profondément froissée. Comment avait-il pu se permettre de la rabaisser de la sorte, se plaçant au-dessus d’elle comme un soi-disant bien-pensant à la parole divine ?

Son orgueil l’avait dégoûtée, et bien qu’elle aurait voulu approfondir le sujet, Gaëlla se força à ravaler son fiel : elle ne connaitrait jamais la fin de la théorie, car elle ne lui adresserait plus la parole.

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