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Gaëlla ouvrit de grands yeux incrédules. Non, c’était forcément une blague…

– Tu n’es pas sérieux, là, quand même ? s’enquit-elle, estomaquée.

Romickéo, l’air grave, ne semblait pourtant pas plaisanter.

– Je sais que c’est une nouvelle dure à avaler, dit-il. Mais les groupes qui ont mené ces recherches ont trouvé des documents gardés top-secrets par l’Etat, qui prouvent cette version de l’Histoire. Au moment du traitement de l’eau, le gouvernement ordonnait de balancer ces produits dont on t’a souvent parlé à l’école, qui ont eu pour conséquence la stérilisation chimique irréversible de la majeure partie des habitants, en l’espace de quelques mois. Le temps que l’alerte soit donnée – puisque tout a évidemment été mis en œuvre pour que ça ne soit pas découvert tout de suite –, il était trop tard… C’est à ce moment que l’Etat a joué la carte de la secte révolutionnaire dont l’ambition serait de renverser le pouvoir, et que le conflit s’est déclaré suite à cette « révélation », ou plutôt cette mise-en-scène.

Sous le choc des informations que lui transmettait Romickéo, Gaëlla en oublia momentanément ses doutes.

– L’Etat…, commença-t-elle lentement, l’Etat lui-même aurait empoisonné le pays avec les produits chimiques qui ont provoqué la stérilisation massive de la population, puis accusé des groupes antisystèmes d’en être la cause ?

– Oui, confirma sombrement Romickéo, principalement dans le but de reprendre le contrôle sur la croissance démographique.

– Mais… On a eu des cours, à l’école intermédiaire, sur la politique de l’enfant unique dans certains pays du monde, avança Gaëlla, retrouvant son esprit rationnel. S’il était tant poussé par cette urgence de surpopulation, pourquoi notre gouvernement n’aurait-il pas mis cette mesure en place, au lieu de commettre un crime pareil ?

– Parce que le chaos était trop généralisé, entre autres. La révolte dans les classes sociales délaissées par l’Etat, démunies face à la précarité qui réduisait leur pouvoir d’achat d’année en année, grondait et menaçait de plus en plus d’éclater. Il fallait un élément extérieur, pour diriger la haine du peuple ailleurs que sur le gouvernement. Sans quoi la détresse des pauvres les aurait sans doute menés à renverser le pouvoir, comme pendant la Révolution française. De plus, il n’était pas seulement question de surpopulation, c’était tout le système qui ne fonctionnait simplement plus, saturé de tous côtés, poussé dans ses retranchements.

Romickéo secoua la tête et poursuivit :

– Croulant sous la dette publique qui ne cessait de se creuser, l’Etat voulait un moyen de se débarrasser du nombre toujours croissant d’individus casés en cités ou autres, tout en matant l’esprit de rébellion général, et en récupérant le contrôle sur les ressources vitales qui se rarifiaient.

Le regard flamboyant d’une haine brûlante, le jeune homme avait la voix tremblante de colère, lorsqu’il précisa :

– Il n’y avait d’espoir de redressement nulle part, le gouvernement s’était enfoncé trop profondément dans sa propre fange… Le seul moyen de sauver les meubles, de sauver le régime, c’était de le faire couler pour de bon. Du moins, d’un point de vue externe. En réalité, ceux qui avaient les rênes du pouvoir n’ont fait que remplacer un vieux système obsolète, par un nouveau, flambant neuf, à l’issue de la Guerre Propre, mais tout aussi corrompu. Notre fameux système actuel. Ils avaient tout cassé, l’unique solution pour éviter que le pouvoir ne leur soit arraché par le peuple, était d’anéantir la république et tout ce qui allait avec et était dépassé… On nettoie tout et on fait place nette, en apparence.

Gaëlla avait du mal à croire ce qu’elle apprenait. Ces révélations toutes plus scandaleuses les unes que les autres… C’était tellement fou, impensable. Et pourtant, cela semblait se tenir… La jeune fille voulait d’abord toutefois constater les soi-disant preuves par elle-même, avant de se faire un avis. Encore dubitative, elle demanda :

– Mais s’il n’y avait plus de moyens financiers pour redresser le pays tel qu’il était autrefois, comment ont-ils trouvé les ressources de bâtir le nouveau gouvernement, à partir de rien ?

– En fait, grâce à la menace mise en scène, selon laquelle la république était attaquée par une entité rebelle, l’Etat se déchargeait de sa responsabilité dans la Guerre Propre, et a ainsi pu obtenir le soutien financier des pays alliés. Lorsque tout s’est effondré, sa dette auprès de nombreux pays a été effacée, puisqu’il n’y avait apparemment plus rien à en tirer. Depuis, le système s’est bâti un nouveau visage, celui qu’on lui connait, avec le Décret et toutes les lois changées, majoritairement grâce à des emprunts tout neufs réalisés auprès de sources externes, de gouvernements, de puissances étrangères… Et cela sous un Etat en apparence distinct de celui qui le précédait, et qui n’est ainsi pas tenu responsable de la ruine de l’ancien régime, donc indépendant et libre.

Il fallut un temps à Gaëlla pour intégrer la nouvelle masse d’informations que lui avait livré Romickéo. Étourdie, elle lui demanda de lui montrer les preuves de tout ce qu’il prétendait. Le jeune homme sortit alors son EC, pianota un instant sur le clavier avec habileté, puis tourna l’écran vers elle.

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