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Sans bien savoir pourquoi, Gaëlla n’était pas véritablement étonnée par cette révélation. Elle prit le temps de l’assimiler, puis réfléchit et lança sur un ton de défi :

– Et alors ? Tu comptes m’éliminer pour voler ma puce et te l’implanter à la place, c’est ça ?

À ces mots, le visage de Romickéo s’affaissa, puis il éclata brusquement d’un rire sonore. Décontenancée, la jeune fille maugréa :

– Je ne vois pas ce qu’il y a de marrant là-dedans. Permets-moi de m’interroger sur tes intentions, après tout ce que tu as fait !

– Oh, excuse-moi, mais… Pour être franc, je m’attendais sincèrement à toutes les réactions sauf à celle-ci !

– Bref, tu as dit que tu n’étais pas un cas isolé. Tu as trouvé d’autres personnes qui ont vécu la même chose, alors ?

Romickéo retrouva son sérieux et répondit, moins enjoué :

– Oui, les fameux… individus antisystèmes. Certains ont simplement été victimes de bugs et laissés de côté comme moi peu après la naissance, d’autres ont eu des parcours différents… Mais le point commun qui nous unissait, c’était cette puce manquante. Cette puce qui nous aurait permis d’avoir une vie référencée, même si elle ne fait pas rêver. Sans elle, on n’est rien, on n’est personne, et on ne peut rien faire. On est mis à l’écart, méprisés et traités comme des parias. Et c’est pour se venger de l’injustice de cette réalité que j’avais créé les Édiles de l’Ombre, au départ.

À l’évocation du nom du groupe terroriste qui avait bouleversé sa vie, Gaëlla fut parcourue d’un frisson, auquel le froid était étranger, cette fois.

– Et ensuite, comme je te l’ai expliqué, je me suis laissé entrainer par les belles paroles d’une poignée de recrues, qui voulaient viser les civils pour se venger de leur confort, tandis qu’on croupissait dans l’ombre. Ils ont vite pris les décisions, m’ont remplacé, et ont instauré un tout autre régime, mais je ne réalisais pas le danger à ce moment-là. J’ai continué à les suivre quand ils ont voulu montrer aux citoyens comment on se sent quand on est terré comme un rat, la peur au ventre et privé de ressources, dans un trou. C’est ce que j’ai fait subir aux gens dans leurs bulles, sur leurs ordres, en hackant les habitations de ton quartier. J’ai choisi d’opérer depuis le Bitonio parce qu’il est souvent vide, que personne ne me dérange car le patron n’est pas là pour me virer si je ne consomme pas, et surtout parce qu’il y a une machine à carte pour payer manuellement…

– Oui, et la suite, je la connais. Tu n’as soi-disant rien vu venir jusqu’au projet de l’attentat, puis il était trop tard, tu as subi des pressions, eu des remords, et tu n’as pas réussi à désamorcer la bombe à temps le jour J…

Romickéo acquiesça sombrement. Manifestement mal-à-l’aise, il changea de sujet :

– Enfin, dans tout ça, tu sais au moins pourquoi je t’ai rejetée, quand tu m’as fait ta déclaration au Bitonio. Étant hors du système, je ne pouvais pas me référencer avec toi…

– J’avais compris, merci. Et crois-moi que je regrette amèrement ce moment.

La jeune fille se détourna, pour clore leur échange. Elle se prépara à dormir sans plus parler, et resta avec ses pensées jusqu’à ce que son ravisseur ne s’installe à son poste de garde, devant la porte.

Lorsqu’elle ferma les yeux, avachie sur le matelas toujours aussi odorant, un sourire fleurit sur les lèvres de Gaëlla. Elle avait un plan en tête.

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