CHAPITRE 3
Cela faisait maintenant une bonne dizaine de minutes que la famille patientait dans le couloir, attendant que le docteur Aris, un ami à leur défunt père, finisse d’examiner Willow. Alors que Séraphin, angoissé, faisait des allers-retours dans le couloir, Ben, lui, était adossé au mur, les bras croisés, lançant des regards meurtriers à son frère. Seules les trois femmes, assises sur le parquet, restaient impassibles face à la situation.
_ Tout est ta faute, blâma Ben, furax.
_ Pardon ? Demanda Séraphin, interloqué.
_ Tu as très bien compris, grand frère. Si seulement tu ne t’entêtais pas à la maintenir ici, elle n’en serait pas là, l’accusa son cadet.
_ Ça suffit, Ben ! lui cria son épouse. Ce n’est pas le moment de blâmer qui que ce soit.
_ Bien sûr que si, intervint Blair. Désolé de te dire ça, Séraphin, mais Ben a entièrement raison. Si tu t’étais décidé à la laisser partir, elle ne serait pas dans cet état. Le mieux pour nous tous, c’est qu’elle parte d’ici, et au plus vite. Nous avons assez supporté son insolence.
Séraphin resta là, stoïque, avec un air de désolation. Comment pouvaient-ils lui jeter la faute alors qu’ils n’avaient même pas essayé de la raisonner ?
_ C’est bien facile de tout me mettre sur le dos, alors que vous n’avez fait aucun effort envers elle. Dites-moi, oseriez-vous abandonner l’un de vos enfants s’il se comportait de la même manière ?
À cette question, ils gardèrent le silence, honteux de leurs propos.
Peu de temps après, la porte s’ouvrit, laissant apparaître un homme blanc dans la cinquantaine, arborant un sourire rassurant. Aussitôt, Séraphin poussa un soupir.
_ Tout va bien, dit le docteur. Je lui ai fait une injection, et elle se repose. Mais veillez à ce qu’elle se nourrisse convenablement et qu’elle prenne du repos. Et donnez-lui ces médicaments à son réveil, ajouta-t-il en tendant quelques flacons.
_ Bien, docteur, répondit Séraphin. Merci pour votre aide.
_ Pas de ça avec moi, voyons. Je suis toujours le médecin de la famille, et je me dois d’être présent en cas d’urgence.
Ils lui adressèrent un sourire, et Séraphin raccompagna le docteur à la porte. À son retour, il demanda à son frère de le suivre dans son bureau.
_ Referme la porte derrière toi, ordonna Séraphin en prenant place derrière son bureau.
Ben s’exécuta et s’assit en face de son aîné.
_ Que se passe-t-il ?
_ Je veux que tu retrouves son père. Je ne veux plus risquer de la perdre à cause de mon entêtement.
_ C’est déjà fait, annonça Ben avec fierté. Il se trouve en Oregon, dans la ville de Forest Grove.
_ Et comment… ?
_ J'avais déjà entamé les recherches après notre petite réunion dans ton bureau, l’interrompit Ben.
_ Très bien. À son réveil, nous l’informerons, et elle fera son choix, conclut Séraphin.
**
Réveillée par les rayons du soleil couchant qui s’infiltraient à travers sa fenêtre, Willow se leva du lit avec un léger mal de tête. Elle passa sa main sur son visage et se remémora le cauchemar qu’elle venait de faire. Bien que cela soit fréquent, c’était la première fois qu’elle avait eu si peur. Si ce n’était pas à cause de ce phénomène inattendu, elle aurait sans doute mangé encore de la viande crue. À cette pensée, un frisson lui parcourut le corps et elle se dirigea nonchalamment vers la douche.
Pendant qu’elle prenait sa douche, Willow aperçut une ombre passée au seuil de porte et sursauta. Elle éteignit le pommeau d’eau, enroula une serviette autour de son corps et s’avança lentement vers la porte en déglutissant. Tournant délicatement la poignée, son cœur se mit à tambouriner, et elle ouvrit brusquement, tombant nez à nez avec Rebecca. Aussitôt, elles sursautèrent toutes les deux.
_ Mais qu'est-ce que vous foutez dans ma chambre ? demanda Willow en se remettant de sa frayeur. Est-ce trop vous demander d’avoir un peu d’intimité ? ajouta-t-elle.
Rebecca leva les yeux vers la jeune fille et secoua légèrement la tête. Décidément, elle restera toujours une peste.
_ Eh bien, bonjour la politesse, répondit-elle après une grande inspiration. Tu ferais mieux de me parler sur un autre ton, gamine. Contrairement à tes oncles, je ne tolère aucun manque de respect de ta part. Et si tu veux tout savoir, j’étais là pour mettre de l’ordre dans le bazar que tu as foutu. Et puisque ma présence semble te déranger, alors je te laisse t’en occuper. Après tout, tu es une grande fille maintenant, dit-elle en se dirigeant vers la sortie. Oh ! J’allais oublier, Séraphin veut que tu le rejoignes dans son bureau, informa-t-elle avant de claquer la porte.
Willow fronça les sourcils, se demandant ce qu’il pouvait bien lui vouloir. Décidément, avoir la paix était impossible dans cette maison. Non seulement il l’empêchait de partir, mais en plus, il ne la laissait même pas rester dans sa bulle. Elle s’habilla rapidement et sortit de la chambre.
Séraphin traitait des dossiers lorsqu’on frappa à la porte de son bureau. D’une voix roque, il ordonna d’entrer. Le nez dans ses dossiers, il ne vit pas Willow s’avancer vers lui.
_ Alors, qu’est-ce que tu me veux cette fois-ci, demanda-t-elle sans détours.
_ Assieds-toi, lui ordonna-t-il.
_ Non, merci, je suis très bien comme ça.
L’homme leva la tête et soupira, exaspérer qu’elle s’oppose à tous ses ordres. Vraiment, cette fille était difficile à gérer.
_ Crois-moi, tu ferais mieux de t’asseoir, lui dit-il d’un air sérieux.
Sans un mot, Willow s’exécuta, comprenant qu’il s’agissait de quelque chose d’important.
Passant ses mains sur son visage, Séraphin n’osait pas aborder le sujet. Bien que décidé, une part de lui ne voulait pas la laisser partir. Au bout de deux minutes de silence pesant, il prit enfin la parole.
_ Si je t’ai demandé de me rejoindre ici, c’est pour t’annoncer une nouvelle. Nous... Nous avons retrouvé ton père, informa-t-il après un soupir. Il vit dans une petite ville de l’Oregon.
À ces mots, la jeune fille resta figée, le regard horrifié. À cet instant, elle sentit son cœur faire un énorme bond.
_ Tout va bien ? S’enquit Séraphin, voyant son expression.
_ Vous me faites une blague, c’est ça ? demanda-t-elle, un sourire crispé sur les lèvres. Si c’est le cas, elle est de très mauvais goût.
_ Qu’est-ce qui t’arrive ? Demanda l’homme. Ce que je viens de te dire est la stricte vérité.
_ Non, c'est faux ! cria-t-elle en se levant. Mon père est mort, dit-elle au bord des larmes.
_ Comment ? s’étonna Séraphin.
_ Ma mère me l’a dit. Alors ne venez pas me raconter des salades juste pour vous débarrasser de moi, répondit-elle, la voix tremblante.
Les larmes aux yeux, elle, quitta le salon à toute vitesse, laissant son oncle stoïque.
Déboussolé, Séraphin ne put dire un mot, choqué par ce qu’il venait d’apprendre. Pourquoi Mélissa lui aurait-elle raconté une chose pareille.
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