Tout cela, j'aurais aimé le vivre. Mais voilà, ce ne sont que des phantasmes. Dans la réalité, la jolie brunette est passée près de moi. Je ne sais si son regard a croisé le mien ou pas. Elle est passée à ma hauteur, puis s'est noyée dans la foule de ce dimanche matin d'été, Place des Salins, à Clermont-Ferrand...

Je ne l'ai pas revue, ou plutôt je crois l'avoir revue après , mais sans en être sûr. Dans les grandes villes en effet, on croise tellement de visages, qu'ils finissent tous par se ressembler. Et puis, d'autres jeunes femmes sont venues m'émerveiller depuis, chacune à leur manière dégageant leur propre érotisme. Alors, comme le ruisseau joignant la rivière, le souvenir des belles inconnues s'est perdu dans le fleuve de mon vécu.

Mais celle que j'ai croisée ce matin-là, au Marché aux Puces, et dont l'abricot moulé dans le fin tissu de sa robe a marqué mon esprit, celle-là je ne l'oublierai jamais. Plus de quinze ans après, je me permets de lui dédier ce texte, en espérant qu'elle ne s'offusque point si elle croit se découvrir dans mon oeuvre. Mon but n'est pas de faire d'elle une icône contre sa volonté, seulement de lui rendre sa jeunesse à travers la mienne. Car comme les fleurs, la beauté finit malheureusement par se faner un jour.

Des cheveux en chignon valorisant ses traits fins, des lunettes de soleil pour cacher son mystérieux regard, une longue robe moulant son intimité, et un déhanchement tranquille au fil des pas... La jolie brunette était l'érotisme à l'état pur, à la fois latent et subjectivement puissant, quand je l'ai croisée ce matin-là, et elle le restera toujours pour moi.

( Fin )