Traduction (rapide via un traducteur en ligne) (mais quand même pas laissée telle quelle)

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Salut Ben, je vais supposer que c'est bien toi qui es là. Je suis un français de 29 ans, j'habite un petit village dans ce qu'on appelle la « petite montagne », à l'est du pays, dans le Jura. Il est 6 heures du matin maintenant et il y a du brouillard ici. Je t'écris sans le moindre espoir, par pure nécessité, le genre de nécessité qui n'est pas pesante. J'ai découvert ta musique vers 2010 je crois, et j'ai immédiatement, profondément établi un lien avec elle. Ce n'était pas vraiment une période heureuse pour moi, je vivais à côté de moi-même et ta musique était probablement l'un des rares endroits où je pouvais me rencontrer. Puis tu as sorti I Forget Where We Were et Noonday Dream. Pendant ce temps et tant qu'il a duré, sans trop d'effusion, j'ai perdu ma connexion avec toi, comme deux amis qui s'éloignent tranquillement. J'écoutais encore tes vieux trucs de temps en temps, avec grand plaisir, mais tu étais néanmoins devenu un peu un souvenir pour moi.

Et l'année dernière, Collections From The Whiteout est apparu. J'ai écouté les quelques morceaux que tu avais sortis auparavant (je crois que c'était What A Day et peut-être Crowhurst's Meme), dubitatif, avec l'attention négligente que l'on porte à un artiste qu'on a aimé autrefois. Et je les ai réécoutés, et quand ç'a été possible, l'album entier, toujours avec circonspection d'une certaine manière, mais quelque chose dans Follies Fixture était différent, ce morceau m'a frappé d'une manière que j'avais du mal à comprendre. Et sans qu'il y ait eu de "saut" dans un amour pour lui, maintenant j'écoute ce dernier album comme si je n'avais jamais cessé d'aimer ce que tu fais. Peut-être qu'en fait ça n'a pas été le cas et que je ne le savais pas. Maintenant je me rends compte que tu es un peu comme un grand frère pour moi – nos âges iraient bien dans ce sens (je n'en ai pas, seulement deux petites sœurs) –, que tu aimes d'abord, puis que tu n'aimes plus, puis qu'après avoir pris du recul, dans le cadre duquel tu as compris d'autres choses, tu recommences à aimer. Ces choses que j'ai comprises ne sont pas des moindres, et je pense qu'elles sont semblables à celles que toi aussi, avec une avance de deux ou trois ans, tu as comprises, qui sont si difficiles et inutiles (étant donné, dans ce cas, l'existence de la musique) à mettre en mots.

Cela me fait penser à te dire que j'écris moi aussi, mais pas pour la musique, et que j'aime exprimer cette même "qualité" de, disons pour mémoire, complexité chaleureusement distante (ou l'inverse), de matière rêveuse, d'abstraction lourde et cohérente, avec une aversion pour le sentimentalisme (qui nous atteint bien plus que nous ne le croyons) et un faible pour la subtilité. C'est simple, tu es aussi proche de moi que, à leur manière et pour des raisons différentes pas du tout des mêmes ordres, (je ne sais pas si tu les connaîtras, mais c'est pour te donner un autre indice à travers une sorte de constellation, comme voir une casserole dans le ciel te fait réfléchir à nouveau sur ce qu'est une étoile) Krishnamurti (l'influence totale), Baudelaire (l'influence de longue date et naturellement, bien que curieusement, non démentie) et Marcel Proust (l'influence stylistique et à l'égard de la plénitude dans la solitude).

Je suis désolé, je commence peut-être à avoir l'air un peu bavard. Il est 8 heures du matin maintenant, la lumière du jour commence à se lever et j'écoute en boucle la version jouée à Kingston de Follies Fixture. Ce que tu as fait avec cette chanson m'a complètement déconcerté. Ces trois versions, la façon dont elles varient les unes par rapport aux autres et autour d'un même point insaisissable... Je suis particulièrement sensible à la variation entre la version Tiny Desk et la version Kingston. Je ne suis pas musicien (ou bien je suis batteur mais je ne connais rien à la théorie musicale non-rythmique) mais je peux tout à fait repérer quelle "graine" dans la version Tiny Desk tu as découverte et fait pousser, ce ton que tu as transformé en un ton largement dominant dans la version Kingston, résonnant pour moi avec un sentiment amusant qui est le sentiment d'être condamné au succès, je veux dire, indépendamment du phénomène de reconnaissance, sans qu'il soit aucunement question d'arrogance.

Bref, je devrais m'arrêter là. Je suis vraiment étonné par ton évolution, en quoi, douze, treize ans depuis Every Kingdom ? à tel point que j'ai du mal à y croire. Pour moi, on dirait que tu as trouvé un endroit où être, et peut-être que la raison pour laquelle je n'arrive pas à y croire et que j'aime tant ta musique est que j'arrive à cet endroit aussi.

Terminons cette lettre avec une citation de Maître Eckhart : « Je t'aime parce que je n'ai pas besoin de toi ».

Je te souhaite le meilleur,

Camille.

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