Avant, les Ardennes
C’est lui qui avait demandé sa mutation après quelques paires d’années passées dans les Ardennes, Briquenay à deux pas de la frontière belge. Ah ! La forêt était belle ! De magnifiques chênaies-hêtraies ondulaient sur les vallons d’Argonne, des plantations éparses d’épicéas et de douglas, de rares sapins et une recolonisation permanente de pins sylvestres dans les trouées défrichées. Une grande partie de la forêt était classée en "reconstruction d’après-guerre" et mise en défens ce qui profitait pleinement à l’éclosion de la faune et flore sauvage. Les anciens gardes avaient procédé à des plantations en enrichissement de résineux dans les écarts de mauvaise terre et les adrets à l’encontre des feuillus précieux en fonds de vallon sur des terres grasses et profondes. Des taillis de bouleaux et d’aulnes longeant ruisseaux et tourbières, où fourgonnaient les sangliers, et des recrus ligneux de toutes sortes où se déployaient ronces et framboisiers sauvages, formaient un paradis pour les cervidés de tous poils. Bref un endroit béni des dieux pour un garde forestier, à l’instigation de monsieur Louis Pardé, ingénieur général des Eaux & Forêt, directeur de l’école forestière de Nancy vers 1870, qui avait si bien défini le travail du forestier selon l’adage : imiter la nature et hâter son œuvre. Jusqu’à la refonte du code forestier en 1985, les forêts domaniales étaient propriété privées de l’Etat, c’est à dire que le quidam n’était pas toléré sur ces espaces forestiers, hormis chasseurs et autres privilégiés, sur convention uniquement. Dès lors, la forêt était le véritable terrain de jeu des gardes… Il était bien stipulé sur la commission d’assermentation de Michel qu’on lui confiait un territoire à gérer « en bon père de famille ». Dont acte, chaque garde s’appropriait "sa" forêt.
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