Dans cette histoire se mêleront destin et décisions humaines. Ces deux éléments étant par nature cruels cette histoire le sera nécessairement, et comme toute histoire cruelle, elle se doit de commencer ainsi :

Il était une fois un homme, jeune, ordinaire. Pas plus grand que la moyenne des hommes de son âge. Il vivait chaque jour comme la répétition du précédent, se plaisant dans sa vie routinière. Son métier ? Peu importe. Disons qu’il faisait partie de ces gens dont chacun reconnaît l’utilité du travail mais auxquels personne ne veut s’intéresser.

Sa vie était simple : le matin il se levait, prenait son petit-déjeuner, faisait une rapide toilette, embrassait sa femme, partait au travail, rentrait le soir, embrassait sa femme, travaillait encore un peu afin d’achever les tâches quotidiennes, mangeait en compagnie de son épouse, buvait une tisane ou un lait chaud qu’il agrémentait de miel, bouquinait quelques minutes, vérifiait les réglages de son réveil et se couchait avec la satisfaction du devoir accompli. Le lendemain quand son réveil sonnait, sa vie recommençait et cela lui plaisait. Le week-end il voyait ses amis, peu nombreux mais loyaux et ensemble ils refaisaient le monde par la pensée.

Pour lui tout se passait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, l’illustration parfaite de la pensée de Pangloss. Mais cette situation ne pouvait durer éternellement, et cela fait bien nos affaires sinon, il n’y aurait rien à raconter, rien à écrire et rien à lire.

Un soir, alors qu’il rentrait du travail et que, se grattant la barbe, il faisait le point sur ce qu’avait été sa journée il sentit son téléphone vibrer dans la poche droite de son jean. Il s’en saisit et, ne reconnaissant pas le numéro affiché répondit avec hésitation à l’appel.

« -Allô ?

-Allô monsieur Tod ?

-Euh… Oui. Qui êtes-vous ?

-Docteur Soricide. C’est à moi qu’incombe cette tâche difficile…J’ai le regret de vous annoncer le décès de votre mère. Vous êtes attendus à l’hôpital afin de régler les diverses formalités. Je vous présente toutes mes condoléances.

-Je… »

Il ne savait que répondre à cela… Sa journée s’était déroulée comme toutes les autres, tranquillement, son monde était stable, et soudain, tout s’écroulait… Les larmes qui ne s’échappaient que très rarement de ses yeux se mirent à rouler sur ses joues. Une seconde. Il avait suffit d’une seconde et de quelques mots pour que sa vie, si bien réglée s’écroule. Sa tête se mit à tourner, tout lui semblait flou et vacillant.

« -Navré de devoir vous annoncer cette nouvelle. »

Cette phrase, qui sortait de son téléphone le ramena à la réalité. Comment cela avait-il pu arriver de façon si brutale ? Quand cela avait-il eu lieu ? Tant de questions auxquelles le médecin promis d’apporter des réponses quand ils se rencontreraient, le lendemain.

Quand il franchit la porte de l’appartement quelques interminables minutes après l’annonce de cette nouvelle, encore ébranlé il s’effondra dans les bras de sa femme qui, ne comprenant pas la situation, mit tout en œuvre pour comprendre et apaiser son époux. Entre les larmes, elle comprit rapidement ce qu’il se passait. Elle le serra le plus tendrement possible et tenta d’apaiser sa peine. Après de longs instants, les contacts physiques aidant, c’est dans le lit, dans les caresses et les baisers que les larmes se dissipèrent, laissant finalement le couple nu et endormi.

Au petit matin le réveil sonna inutilement, le couple s’étant réveillé depuis quelques minutes déjà quand il s’activa, et alors que la veille une vie s’en était allée, une autre commençait son développement, multipliant déjà le nombre de ses cellules.