Blanche-Neige, tu saignes...

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Guérir. Plus rien n'importait. Guérir pour ne plus jamais ressentir ce gouffre aspirant sa vie et son souffle, comme un terrible monstre tapi dans l'ombre, avide de la moindre faiblesse. Le romantisme n'était-il finalement qu'une bassesse de son esprit ? Un manque d'entendement ? Une tenace réminiscence de son adolescence ? Se pouvait-il que l'amour ne soit que magie incantatrice de mauvais sorts pour mieux nous pousser, inconscients, à croquer la pomme ? Impossible... non... Elle les avait bien connus (et même dévorés) la toute première fois... Si loin... S'était-elle ensuite égarée, puis littéralement perdue dans les méandres mouvants des relations humaines ? Où s'était-elle donc trompée ? Guérir. Elle devait guérir pour mieux s'épanouir. Mais comment ? Par où amorcer ce qui s'apparentait à ses yeux à une entreprise titanesque ? Une véritable métamorphose ? Comment ne pas y perdre son identité ? Son essence ? Son individualité ? Sa spontanéité ? Guérir. Guérir par la spiritualité. S'y accrocher comme une damnée. De toutes ses forces. Jusqu'au bout. Jusqu'à une quelconque réponse...

Blanche-Neige, folle de désespoir, avait trouvé refuge chez son amie la Chasseresse. Entre femmes, elles pouvaient bien se soutenir... Cette dernière prenait donc soin de la princesse, s'appliquant avec beaucoup de tact, et entre deux blessures à panser, à lui proposer régulièrement et, "pour se détendre", de courts entraînements aux gestes d'auto-défense et au maniement des armes. Les gestes de Blanche-Neige, en premier lieu hésitants, devinrent chaque jour plus précis, plus vifs, plus concentrés. Elle comprit très vite qu'elle devait également se protéger de cette façon. Alors, elle reportait sa rage contenue et invisible sur des cibles toujours plus ardues, moins conventionnelles. Des fixes, des mobiles, des aériennes... La colère transpirait de tous les pores de sa peau. Une colère d'une noirceur intense contre tous ces hommes sans foi ni loi. Une colère tempétueuse contre elle-même et sa nature profonde. De quelle façon allait-elle donc relever la tête ?! Elle s'en voulait. Elle portait le blâme. La violence psychologique supplémentaire qu'elle s'infligeait la transperçait de part en part. Foudroyée sur place par ses bourreaux, les mutilations morales qu'elle s'imposait l'asphyxiaient d'une détresse indomptée.

Il était donc grand temps de s'élever. Lambeau par lambeau, de s'arracher cette peau tatouée de souvenirs doux-amers, dans le seul et unique but de renaître à elle-même. De découvrir son potentiel. Blanche-Neige choisit donc de s'initier timidement au yoga, puis à la méditation. Ces cours lui permirent rapidement de s'apercevoir qu'il était vain de s'obstiner à se cacher dans une tour d'ivoire. La vie se déroulait devant elle. Visiblement colorée, emportée ici, sereine là-bas... Son professeur, blond comme les blés sous un écrasant soleil d'été, fit montre d'une pédagogie hors pair. Conscient du piteux état de son élève qu'il comparait parfois à un moineau tombé du nid, il l'écoutait libérer sa vie. Persuadée qu'il était encore trop tôt pour elle de chausser à nouveau ses crampons, elle se plaisait, toute en discrétion, à rester sur le banc de touche, en s'investissant dans une pratique assidue de cet art de vivre et de penser venu du pays où les gens atteignent un stade supérieur de conscience, malgré le chaos ambiant.

Ainsi, la vie de la princesse, et sa vision d'elle-même, empruntèrent peu à peu un tournant plus positif. Elle prenait pleinement conscience de son corps, travaillait à s'accepter telle qu'elle était. Assise en tailleur dans la nature, le dos bien droit, les yeux clos, les mains sur les genoux, elle percevait plus distinctement le chant des oiseaux, les caresses du vent, les senteurs de rose, la douce chaleur du soleil, les frissons de sa peau... Son chemin était encore long, mais elle reprit un peu confiance. Elle comprit que, pour garder son équilibre, elle devait rayonner. Communiquer sa lumière en ne mémorisant que les avantages de toutes les petites victoires qu'elle remportait sur elle-même et son combat. Tendre la main, voir avec le cœur, (se) reconnaître avec les sentiments, demeurer dans la douceur des lectures qu'elle adorait, des mots écrits, parlés, criés, parfois même à l'unisson ! Consolider ses fondations pour affronter les ouragans avec plus de force et de courage. Les ailes brisées du moineau ne demandaient qu'à s'étendre à nouveau. Tranquillement.

Force lui fut de constater les échanges de plus en plus exaltés qu'elle entretenait avec son professeur, en toute quiétude. Intellectuellement stimulée, et à présent profondément convaincue de l'importance de ce facteur pour une harmonie générale, elle y répondait avec grand plaisir, sa satisfaction grandissant à chaque retour de cet homme des blés. La bienveillance, si tant est qu'elle existait, avait-elle une chance, aussi infîme soit-elle, de les guider ? Échaudée par toutes ces mésaventures, elle n'osait parler d'amour, jusqu'au jour où ce dernier, roc apparent, osa baisser les armes devant la princesse. Inspirée, attendrie et mue par cette spontanéité qu'elle croyait morte et qu'elle redoutait tout à la fois, elle s'avanca vers lui pour (se) partager. Des rires, des sourires, des questionnements, des réponses encore inconnues à ce jour... Blanche-Neige avait presque envie de chanter avec les oiseaux... Romantisme ? La prudence (ou était-ce son nouvel instinct de survie ?) la rappelait régulièrement à l'ordre, comme une alarme incendie se déclenchant à la moindre étincelle... Blanche-Neige vit prestement s'ouvrir à elle, et à travers lui, un monde sublime de mots ronds, de lyriques tentations, d'images brillantes de légèreté... Mais la princesse s'efforçait de rester dans la mesure, craintive d'un malheur éventuel. Ce maître à penser, ce mentor, déposait chaque jour à ses pieds un bouquet de fleurs différent, majestueux. Mais la princesse demeurait craintive. Les poèmes succédèrent aux lettres d'amour enflammées et grisantes de ce frisson qui lui avait tant de fois causé sa perte. Alors, notre heroïne, troublée, et toute à son exceptionnelle admiration devant ce qu'elle n'espérait plus, décida de cajoler cette histoire. Prendre le temps de fabriquer chacune des marches de cet escalier qu'elle désirait infini, du plus profond de son cœur. C'était beau. C'était passionné. C'était ravissant. C'était... renversant...

Mais le blond des blés ne l'entendit pas de cette oreille. La course du temps le détenait entre ses griffes acérées, et il s'impatienta. Trop. Les paroles fusèrent et explosèrent au-dessus d'eux, les éclaboussant de points d'interrogations, d'images en noir et blanc, d'épines qu'ils ne se destinaient pas...

Tous deux s'éloignèrent, toujours plus malheureux de ce contact rompu...

Le diable désespoir, tout à son ouvrage,

S'emploie bel et bien à flétrir, de sa belle, la fleur...

Le poète, maintenant plus sage ?

Ne devrait vouloir que cultiver, à tous deux, leur bonheur...

Non, la vie ne devait pas se montrer aussi injuste.

Un jour est venu mon Prince...

Et... de cet amour... je saigne...

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