Sortie en forêt

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 Un craquement sous ses pieds, une odeur âcre, un temps froid et sec... Pas besoin de voir les couleurs chaudes parant les arbres alentours pour se rendre compte que l'automne s'était installé.

 Depuis que Lizzie était enfant, elle attendait le mois d'octobre avec impatience. Elle qui n'avait jamais aimé la chaleur, elle pouvait enfin sortir de chez elle profiter des merveilles offertes par la nature.

 Connaissant la forêt mieux que les personnes qui pouvaient la voir, elle aimait les longues promenades avec Spike, son chien guide. Chaque pas lui faisait ressentir quelque chose. Les feuilles qui bruissaient à son oreille lui murmuraient leurs secrets et celles qui craquaient sous ses pas l'aidaient à se repérer. Les racines qui sortaient du sol, celles qui l'avaient si souvent faite trébucher dans son enfance, étaient devenues des amies, des guides sur le chemin qu'elle empruntait. Les glands et les châtaignes roulaient sous ses pieds et finissaient par emplir le petit panier d'osier que Lizzie emportait toujours avec elle...

 Elle aimait aussi effleurer les arbres à proximité. La mousse lui chatouillait le bout des doigts et les écorces rugueuses, si différentes mais en même temps si semblables, lui permettaient de reconnaître les arbres qui l'entouraient. Ces repères lui étaient essentiels pour se diriger, certes, mais les sensations qu'ils lui procuraient l'étaient encore plus.

 Elle avait besoin de la nature comme de l'air qu'elle respirait. Cet air frais sur son visage et qui lui emplissaient les poumons. Cet air qui lui apportait l'odeur des feuilles en décomposition, des aiguilles de sapin dont elle se faisait des petits sachets comme d'autres en font avec la lavande, des champignons qu'elle préférait dans la nature plutôt que dans son assiette... Cet air qui la faisait se sentir vivante alors qu'elle avait failli mourir tant de fois.

 Elle entendait Spike haleter à ses côtés, sage mais impatient de courir. Lui aussi humait l'air, sentant les oiseaux et les écureuils tout proches. Bientôt sa maîtresse allait lui permettre de se dégourdir les pattes et il avait hâte.

 Après quelques longues minutes de marche qui lui avaient semblé des secondes, Lizzie avait abouti dans une clairière où un tronc, couché par une tempête plus vieille que ses grands-parents, allait lui servir de banc. L'écorce, lissée par le temps, la nature et les nombreux fessiers qui y avaient pris place, faisait un siège confortable pour quiconque voulait profiter de la nature calmement.

 Libéré, Spike commença à jouer, à sauter dans les feuilles, les faisant voler autour de lui. L'une d'elle alla se loger dans les cheveux de Lizzie qui la saisit et la fit glisser dans ses doigts, sentant les reliefs tracés par les veines, les bords rudes comme coupés au scalpel, la douceur aussi de l'ensemble. Elle la glissa dans son panier, décidant de la faire sécher dans un livre et de la garder en souvenir de cette première sortie automnale. Pendant ce temps, Spike courait après les animaux de la forêt, aboyant et jappant, n'oubliant pas de venir voir régulièrement si sa maman humaine allait bien et réclamant une caresse au passage. Lizzie se prêtait volontiers au jeu, aimant glisser ses doigts fins dans la fourrure si douce de son animal de compagnie. Elle aimait un peu moins quand la langue râpeuse et humide (parfois même trempée) s'agarait sur son visage, mais elle laissait faire, consciente que c'était là une manifestation d'amour. Un amour inconditionnel qu'elle lui rendait bien.

 Souriante, Lizzie humait à pleins poumons les nombreux parfums libérés par les jeux de son chien. Elle voyait à travers ses sens et, même si elle ne pouvait pas voir les nuances de rouge, d'orange et de jaune qui l'entouraient, elle se plaisait à les imaginer.

 Inspirée, elle sortit son carnet de croquis, sa palette d'aquarelles, son pinceau et le petit pot de bébé en verre rempli d'eau, du fond de son panier. Elle se mit à peindre ainsi quelques heures, ne sentant pas le temps passer, le soleil déclinant doucement sans qu'elle puisse le voir. Que lui importait qu'il fasse nuit, elle passait sa vie dans le noir. Seule l'envie de s'installer au coin du feu et une sensation de faim grandissante la firent se lever pour rentrer. Elle fit boire son chien à la gourde spéciale qu'elle emmenait toujours en sortie, rangea ses affaires, mit sa laisse et son harnais à Spike, dans cet ordre immuable et rassurant, puis se mit en route pour chez elle.

 Un autre plaisir qui venait avec l'automne et avec le froid qui s'installait était de se poser dans son salon, un plaid fait de grosses mailles laineuses souples sur les genoux, un café brûlant à la main, le crépitement des flammes la berçant doucement sur son canapé si confortable avec de la musique classique en fond sonore. Souvent, elle se laissait bercer jusqu'à s'endormir, une main posée sur la tête de son toutou d'amour, comme elle aimait l'appeler, installé aux pieds du sofa, le plus proche possible de son humaine.

 Accélérant le pas pour profiter de ce moment réconfortant, elle ouvrit grand les narines comme pour pouvoir humer plus encore de l'air qui s'était humidifié, offrant son visage à la lune qui montait doucement dans le ciel nuageux, inspirant profondément. Décidément, sans aucun doute possible, l'automne était sa saison préférée.

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