Je sortais presque du centre-ville, afin de me diriger vers les maisons éloignées dont celle du groupe, lorsque j’eus la désagréable sensation d’être observée, comme un frisson dans le dos inexplicable. J’accélérai le pas, juste au cas où.

Arrivée à l’angle de l’une des dernières rues, je me retournai pour vérifier qu’il n’y avait personne derrière moi. Ma marche fut alors brutalement stoppée par un obstacle. Je levai les yeux et me figeai, mon cœur manqua un battement.

Le vampire.

• Comme on s’retrouve chérie, murmura-t-il.

Le sourire qui marqua alors son visage me glaça le sang.

• Tu m’as manqué, continua-t-il en s’approchant.

Je voulu reculer, mais d’un geste rapide, il me prit par les épaules pour me bloquer contre le mur d’une maison proche. Alors il se pencha, collant son corps chaud contre moi, m’empêchant le moindre mouvement.

Ma respiration s’était accélérée, mon cœur battait vite, trop vite. Ses yeux, c’était bien cela qui m’apeurait le plus en ce moment. Il avait ce regard qui en disait long sur ses intentions, des pupilles dilatées qui me laissaient deviner ce qu’il avait prévu pour moi.

• Reprenons où nous en étions, tu m’as abandonné trop vite la dernière fois.

Je ne pouvais plus bouger, ni parler.

• Alors, t’a perdu ta langue ?

D’une main, il me prit à la gorge pour remonter ma tête et me forcer à le regarder dans les yeux. Des yeux emplis d’excitation et de sérieux.

D’un geste lent, son autre main caressa mon bras jusqu’à arriver à la poche de mon pantalon, il sortit mon téléphone avant de brusquement l’écraser à côté de ma tête.

Un bruit de moteur de voiture vint jusqu’à mes oreilles. Une lueur d’espoir. J’ouvris ma bouche pour hurler, mais le vampire se pencha très vite, prenant mes lèvres. Je tentai de le repousser, en vain, il avait bien trop de force bien sûr. J’essayai de reculer ma tête un peu plus vers le mur, mais il agrippa alors ma lèvre inférieure de ses dents. Ses crocs, comme des aiguilles, transpercèrent ma chair. Le sang emplit ma bouche et ne tarda pas à couler sur mon cou.

Il m’avait embrassée, pour ne pas alerter les humains, pour qu’ils ne comprennent pas ce qu’il était en train de se passer.

Lorsqu’il s’éloigna enfin, lâchant ma bouche, la voiture était loin. Je frissonnai d’horreur à la vue de sa langue léchant ses propres lèvres pour profiter de mon sang.

• Maintenant on va jouer, j’te laisse dix secondes.

Jouer ? Il s’éloigna de moi, me libérant de ses bras.

• Dix… Neuf…

Je n’eus pas besoin de plus et partis à vive allure vers le centre-ville. J’aurais plus de chance de le ralentir par là. Il devait y avoir encore dix minutes de marche pour rentrer chez moi, c’était impossible que j’y arrive à temps. Je devais trouver quelque chose.

Quelle conne j’ai été, de vouloir marcher un peu seule. Mon cœur se comprima dans ma poitrine.

Je me sentais comme ces personnages de films d’horreur qui décident alors de se séparer, pensant que c’était mieux. Quelle abrutie.

La vue d’une maison délabrée au bord de la ville me parut une excellente idée. Il ne devait y avoir personne, aucun humain ne mourrait par ma faute.

J’entrai dans un immense hall. Pourquoi toutes les maisons étaient immenses ici ?

Peu importait, je n’avais plus beaucoup de temps. Je me précipitai dans l’escalier, montant les marches deux par deux sans réfléchir.

Les dix secondes étaient bientôt écoulés. La première pièce à ma droite fut mon refuge.

Il n’y avait qu’un lit, encore muni de son matelas. La seule cachette possible, je m’allongeai rapidement sur la poussière pour me glisser en dessous.

La voix du vampire résonna très vite sur les murs abîmés :

• Ma chériiiie, où es-tu ? Je vais te trouver tu sais, ça sera différent de notre première rencontre, j’irais doucement, je te le promets. Personne ne viendra nous déranger cette fois.

Il jouait. Bien sûr qu’il jouait ! C’était impossible pour moi de me cacher d’un vampire ainsi, il me retrouverait à l’odeur, je le savais.

Ses pas lourds grimpant l’escalier vinrent troubler le silence de la demeure. Mon cœur accéléra encore.

• Pourquoi tu veux pas jouer avec moi ? Je s’rai gentil.

Je l’entendis ouvrir une autre porte. Ma respiration se figea lorsque ses pas s’arrêtèrent devant la chambre où je m’étais réfugiée. Un silence vient s’installer, me torturer, voilà ce qu’il avait prévu.

La poignée de la porte tourna lentement. Je retiens mes larmes alors que ses pas s’approchèrent.

Ma respiration commençait à s’affoler, contrairement à la sienne que je pouvais entendre, encore une fois il était parfaitement calme. Mon cœur semblait sur le point d’exploser.

A mon plus grand étonnement, ses chaussures disparurent de ma vue.

C’était trop beau. Je le savais. Il jouait avec moi, me laissant croire que j’avais une chance. Peut-être pourrais-je gagner du temps ?

Je forçai mes jambes ankylosées par la peur à bouger. Aussi silencieusement que possible, j’ouvris la porte. Je le vis entrer dans la dernière chambre, la plus éloignée de l’escalier. Sur la pointe des pieds je partis donc, descendant les marches aussi silencieusement que possible, maudissant chaque grincement.

Je m’apprêtais à courir vers la sortie mais des pas lourds derrière moi m’en dissuadèrent. J’entrai donc dans la première pièce venue. Une cuisine. Je me retrouvai quelques instants plus tard dans la plus merdique des cachettes du monde, un placard.

• Mon cœur où es-tu ? Je commence à m’impatienter, c’est jamais bon de faire trop attendre les autres tu sais.

Je levai très vite mes mains à ma bouche pour me retenir de crier lorsque je l’entendis entrer dans ma pièce. Par les interstices des portes devant moi, son ombre fini par se dessiner.

Un sursaut prit mon corps en totalité lorsqu’il ouvrit les portes en grands. Son visage était alors extrêmement sérieux.

• T’es nulle à ce jeu, dit-il.

L’un de ses bras s’avança très vite pour agripper mon t-shirt et me tirer.

• Non ! Attends ! Je t’en prie ! me mis-je à crier alors qu’il me forçait à m’allonger sur une table.

Il se pencha dans un large sourire.

• Tu peux gémir autant que tu veux, moi ça m’excite, murmura-t-il.

Il s’approcha encore, sur mon cou, avant de laisser sa langue parcourir ma peau dans un râle de satisfaction. L’une de ses mains, jusque-là à côté de moi, se mit en mouvement, venant sur mon ventre avant de descendre vers mes hanches.

Non, pas ça.

Je relevai ma jambe aussi fort que je le pu, assénant un coup des plus violents dans ses parties intimes.

Il poussa un hurlement en s’éloignant pour se plier en deux.

Il le méritait !

Je partis rapidement vers la porte. Mais alors que j’allais sortir de la pièce, une étreinte autour de ma taille me souleva du sol en un instant. Je fus retournée, le vampire alors face à moi, me tenant contre son torse, avait changé, ce n’était plus le visage calme et joueur à présent, dans ses pupilles dansait une colère pure.

• Tu penses vraiment pouvoir m’échapper comme ça petite, dit-il.

Très vite, il avança pour me coller au mur proche de la porte close. Ses mains partirent sur mes cuisses, m’obligeant à les écarter de chaque côté de lui. Je ne pus retenir un gémissement d’horreur alors qu’il se collait à moi. Sa bouche partit dans mon cou, cette fois, ses crocs me firent lâcher un cri, mais il ne fit que ça, descendant ensuite, mordant mon épaule.

• Je veux la suite, maintenant, murmura-t-il en s’écartant.

Sa main droite lâcha ma jambe pour remonter.

• Non, soufflai-je, je t’en prie, pas ça.

Il eut de nouveau un sourire alors que ses doigts déchiraient mon jean.

Je devais faire quelque chose. Je devais l’en empêcher !

• Ils ne te pardonneront jamais si tu fais ça, je t’en prie.

Ses gestes se figèrent alors, il leva sur moi des yeux plus sérieux encore qu’avant.

• Qui te dit que je veux être pardonné ? dit-il.
• Eux ils le veulent, eux ils voudraient que tu redeviennes comme avant, ça ne te sert à rien de me torturer.

Mes paroles l’avaient au moins arrêté, je devais continuer, je devais le forcer à me parler.

• Ça m’amuse moi, murmura-t-il.
• C’est faux, il n’y a que de la colère dans tes yeux.

Cette fois son visage prit un air menaçant. Son poing monta à ma gorge alors qu’il approchait son visage du mien.

• Qu’est-ce que tu en sais hein ? Comment tu peux savoir ce que je ressens ?

Je laissai les larmes perler mes joues, il commençait à resserrer sa prise, bloquant ma gorge, pourtant je me forçai à continuer.

• C’est vrai… je ne sais pas…
• Alors laisse-toi mourir comme toutes les autres.

Il partit dans mon cou, approchant ses crocs.

• Et toi ? commençai-je, le faisant s’immobiliser. Comment tu peux savoir que je suis comme elle ? Qu’est-ce qui te fais croire que…

Sa bouche se pressa avec violence sur la mienne, coupant ma phrase. La blessure de ma lèvre se mit à brûler, le sang coula très vite sur mon cou, se mêlant à mes larmes de plus en plus nombreuses.

Finalement il nous éloigna du mur pour m’allonger au sol. Dès que ses lèvres eurent quitté les miennes, je m’empressai de respirer avant de parler.

• Je t’en prie, arrête, tu peux encore…

Ma voix se perdis dans un hurlement de douleur alors que l’une de ses mains s’était posée sur mon poignet droit. Le bruit de mes os résonna dans la totalité de mon corps.

• Tu parles trop, dit-il en se redressant au-dessus de moi.
• Arrête… murmurai-je.

Mais son visage se rapprocha de mon cou alors que sa main libre remonta ma jambe sur lui.

• La ferme, t’es comme toutes les autres, à essayer de me faire croire que tu te soucis de moi, de ce que je ressens.

Mon esprit embrumé sembla s’endormir un instant, pourtant des mots s’échappèrent de ma gorge.

• Non je m’en fou de toi… je te déteste…

Tout devient calme alors. Je me risquai à ouvrir mes paupières closes sous la douleur. Le vampire était toujours là, au-dessus de moi, il me fixait sans qu’aucune expression ne soit visible sur ses traits.

La seule chose que je compris ensuite, ce fut son corps qui tombait à côté de moi, ses yeux avaient viré au blanc en quelques secondes. Un autre visage s’était alors penché, j’avais cru discerner les mèches grises de Loriell mais déjà mon esprit était parti, me plongeant dans le noir.

Pourquoi ? Pourquoi moi ? Pourquoi tout ceci m’arrivait à moi ? Qu’avais-je fait pour mériter autant de souffrances ? Mes rêves n’avaient jamais été ainsi, jamais si horribles. Je me serais réveillée, depuis le temps, depuis autant de douleur.

J’espérais alors ouvrir les yeux dans mon lit, mon lit de chez moi, de ma vraie maison, avec ma mère, ma sœur et mon frère, leur dire bonjour comme avant, aller à l’école avec mes amis, comme avant. Je ne voulais plus savoir que la magie existait, comme avant.