Marigot

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Parigot, marigot. La proximité sonore n'est pas un hasard. Tout ici se putréfie ; tout empeste l'excrément, la décrépitude, la stagnation méchante. Au hasard des rues, des stations de métro, soudain des bouffées hargneuses, presque vénéneuses, émanant, dans le meilleur des cas, de canalisations engorgées de siècles d'humains. Plus souvent, l'odeur vient de défécations, liquides comme solides, répandues le long des parois dans les rigoles qui, dans un simulacre de nettoyage, seront gorgées de l'eau dont on aura arrosé le sol, et qui ira s'écouler dans les méandres carrelés et dispersera les poisons bactériens d'individus à l'amour et l'éducation pas très propres.

Paris est une ville de concentration. Paris est dans des mains effroyables, inconsidérées. Paris est dessinée en miniature dans des bureaux immenses. Paris se resserre. Paris est un sablier. Bientôt les tas humains confinés dans les hôtels se répandront dans les rues, commenceront par boucher des impasses, des ruelles, avant d'obstruer des artères et provoquer l'arrêt de son cœur. Ce sera l'occasion de vérifier qu'elle en a encore un.

Le rythme de la ville se fait de plus en plus lent, laborieux, douloureux. Le ventre se tend, s'enflamme. Les chaleurs d'été l'emplissent de nouveaux venus, de passagers temporaires. Mais les corps étrangers sont déjà présents depuis longtemps, corrodent les immeubles, dénaturent les cours intérieures et infectent les trottoirs.

C'est autant affaire de dimension que de densité. Dans cette ville étroite sont entreposés de force bien trop d'êtres quasi vivants.

Sans cesse vous y êtes pénétrés par des protubérances de corps, des cris aigus animoïdes, des borborygmes en langue rappeuse.

Aux mains de dirigeants fous, la ville s'épuise comme un vieillard obligé de voyager debout. Le long des axes de circulation, on a répandu des résidus vivants qui, aux températures extrêmes, deviennent des cadavres cartonnés.

Cette ville n'a plus vingt ans depuis longtemps. Personne ne la veut plus dans son lit. Comme une vieille prostituée, son sexe est un coeur informe, et si souillé qu'à l'odeur, on le confondrait aisément avec cet autre orifice plus sombre.

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