CHAPITRE 1
Vingt ans. Voilà vingt ans que je vis avec Mésa, ma mère. En réalité, ce n'est pas ma mère. J'étais bébé quand elle m'a trouvé dans un panier en osier caché derrière un buisson. Elle m'a avoué avoir eu le coup de foudre instantanément pour mes jolies petites joues joufflues. Elle m'a prise sous son aile et m'a élevé comme sa propre enfant. Elle m'a protégé comme sa fille au péril de sa vie. Parce que oui ! nous vivons dans un monde où vivent toutes sortes de créatures : elfes, nains, fées, sirènes, loups, vampires et j'en passe des vertes et des pas mûres.
Aujourd'hui est le jour de mon vingt-cinquième anniversaire d'après Mésa qui l'aurait estimé. Je descends délicatement les marches et rentre dans la cuisine sur la pointe des pieds afin de lui faire peur.
— BOUH !
Elle ne crie même pas. Je suis déçue.
— Combien de fois vais-je devoir te dire que lorsqu'un sens est obstrué les autres se décuplent. Je t'ai entendu du haut des escaliers, elle rit doucement en se retournant pour m'embrasser la joue.
J'ai failli oublier mais ma mère est aveugle. Ses yeux sont cachés par un foulard noué derrière sa tête. Un jour, plus petite, j'ai osé lui demander pourquoi elle le portait. Elle m'a répondu que ce qu'il y avait en dessous n'était pas joli à voir et que je pourrais en faire des cauchemars. Depuis, je n'ai plus osé parler de ses yeux. Bien entendu, en grandissant, je ne cache pas avoir été curieuse et je n'ai plus peur d'être réveillée la nuit à ce sujet.
— Peux-tu me sortir les baies jilyou s’il te plaît, trésor ?
Je me retourne et approche du réfrigérateur. En l'ouvrant, je repère de suite le petit panier rempli de ces baies violettes. Lorsque je me retourne, maman est postée juste derrière moi et me tend sa main. Je ne comprends pas comment elle fait pour me surprendre à chaque fois. Je ne l'entends même pas se déplacer.
— Tiens, maman.
Elle me remercie et s'affaire à cuisiner. À chacun de mes anniversaires, elle me prépare le même repas : tartelette aux jingxu, brioche aux banlinx, gâteau aux maxnily et aux gintoslux. Bref que de la nourriture grasse et bien sucrée, mais bon, il faut bien se l'autoriser certains jours et c'est bien le seul où Mésa m’en prépare.
— Je pars ouvrir les fenêtres et nourrir les plantes, maman.
— D’accord, trésor, répond-elle en beurrant le moule à gâteau. Oh ! Fait attention à Hink, elle est de plus en plus agressive lorsque la pleine lune arrive.
Je ne réponds pas et ouvre déjà la grande fenêtre du grand salon. Je continue ainsi de suite en passant du petit salon au débarras jusqu’à la salle de divination. En revenant au rez-de-chaussée, j’enfile les pantoufle trop petite de ma mère et sors chercher les seaux de nourriture. Des baies hulinq pour Rosie et Felina des fleurs rouge-orangé et d’une senteur si agréable et douce, des baies dylia pour Yilian et enfin du gurgounia pour Hink, la plante carnivore toute douce de maman. Quand j’arrive proche d’elle, elle se réveille par l’odeur du gurgounia et ouvre sa gueule en élançant sa tige vers moi.
Féroce, comme disait Mésa.
— Du calme, Hink. Ce n’est que moi. Je viens te donner du gurgounia, tu sais ta nourriture faaavorite, je déclare pour tenter de la calmer. Moi aussi j’ai le droit à mon repas préféré aujourd’hui. Et oui, c’est mon anniversaire !
Je lui lance la nourriture à ses pieds et elle se radoucit et commence à manger.
— C’est bien, Hink. Voilà, bonne appétit.
Je regagne le devant de la maison et rejoins la petite fontaine pour rincer les seaux.
— Mamaaaann ?
— Oui, Némésis ?
— Je peux t’aider ? je demande en empoignant le saladier et le fouet qu’elle avait laissé de côté pour enfourner les tartelettes.
— Hep, hep, hep ! Pas touche, jeune fille. Va bouquiner ou écrire mais ne met plus les pieds dans cette cuisine à moins que je t’y appelle. Il est hors de question qu’une jeune fille qui fête son anniversaire ne se mette à faire sa propre nourriture. Allez ! Hop, hop, hop, dehors !
En rechignant, je quitte la cuisine et regagne ma chambre. Ma mère est comme ça. Toujours à vouloir me faire plaisir sans que je ne lui vienne en aide. Toujours à vouloir se débrouiller seule.
Je m’installe à mon bureau et sors du petit tiroir à droite mon manuscrit.
Oui. J’écris. Depuis que je sais utiliser une plume, j’écris, donc c’est-à-dire très tôt. Au départ j’écrivais des histoires de princesse enlevé par un méchant assassin et ensuite sauver par un prince, puis je suis passer à écrire tout le malheur du monde. Ah les années d’adolescences, quel supplice. Mais maintenant, maintenant que j’ai mûrir et que je vois le monde tel qu’il est vraiment, j’écris sur la beauté du monde tout en y glissant des parts de sagesse et de vérité que j’y trouve dans les livres que j’étudiais avec Mésa.
Je n’ai pas encore trouvé de titre, mais l’histoire parle principalement d’une déesse amnésique envoyé sur Terre pour ne pas être un point pour sa famille. Cependant, elle découvrira peu à peu ses faculté et blessera ses amis. Je n’ai pas encore la fin mais pour le moment je trouve que l’histoire est assez captivante. Après ce n’est que mon avis d’auteure. Je ne l’ai pas encore fait lire à maman et je ne le ferais pas de sitôt, j’ai bien trop peur de ce qu’elle pourrait en pensée. Je suis comme ça, très peu sûr de moi et assez fermée sur ce qui est de partager mes textes. Peut-être un jour, elle le lira, mais pas maintenant.
J’entame la relecture de mon dernier chapitre écrit et me lance dans la rédaction du suivant.
— Quelle est cette histoire, Trésor ? Je veux savoir, tu l'as commencé il y a si longtemps.
Je stoppe mes gestes et l'observe en coin. Il en est hors de question.
— Mésa, tu sais très bien ce que j’en pense.
Elle ne dit rien.
— Oui, pardon, ma Némé.
Un bruit sourd retentit au dehors de la maison. Hink grogne.
— Ne bouge pas d’ici, chérie.
Surprise par son ton plus qu’autoritaire, j’obéis.
Si quelqu’un s’est introduit dans le domaine de Mésa, cette personne peut être sur qu’elle ne sotira pas vivante, surtout étant donné l’humeur de Hink. De la fenêtre, je vois un bout de son pot bringuebaler signe de son animosité. Toutefois, je ne vois pas le malheureux qui l’a met dans cet état. Sans connaître sa distance, je lui donne dis minutes avant que Hink casse ça chaîne et l’engloutisse. C’était sans compter sur maman qui ouvre la porte et n’interromps l’agitation de notre carnivore.
Pour capter ne serais-ce qu’une bribe de conversation, j’ouvre la fenêtre et tends l’oreille.
— Déguerpit avant que je ne m’énerve !
— J’ai reçu l’ordre de fouiller votre maison. Nous sommes à la recherche d’une jeune femme sûrement d’un blond platine au yeux bleus lagon.
— Et moi je vous dis de partir de chez moi avant que je ne relâche ma plante carnivore qui n’attends que de vous bouffer ! Il n’y a aucune fille ici. Comment voulez-vous que je m’occupe d’une jeune fille en étant aveugle, pauvre imbécile. Maintenant, allez-vous en !
La personne qui semble être un homme ne semble pas persister puisque j’entends la porte claquer. Ma pensée se confirme lorsqu’un homme aux cheveux sombres se matérialise après avoir contourné Hink. Grand, sûrement musclé sous ses habits blancs ornés de dorures, il marche avec assurance vers le grand portail métallique du manoir. Comme s’il avait senti mon regard sur sa peau claire, il se retourne vers la fenêtre et je m’accroupis aussi vite pour éviter qu’il ne me vois.
Qu’elle imbécile ! Pourquoi s’être baissée ? Il peut bien me voir cela ne changera rie-
Pourquoi Mésa a-t-elle omis ma présence en assurant qu’elle ne pourrait s’occuper d’une jeune femme ? Et pourquoi m’a-t-elle ordonné de rester ici ?
Avant de me relever, je tends l’oreille pour vérifier que Mésa ne monte pas. Il a repris sa marche et étrangement, cette homme me laisse perplexe. Il m’attire, mais quelque chose me dis de ne pas chercher à en apprendre plus. Cependant, les paroles de maman me reviennent une par une et attirent ma curiosité. Sur la pointe des pieds, je me précipite à mon bureau et déchire une feuille de mon anet d’écriture. J’y inscrit une phrase et je rejoins la fenêtre. Il n’est pas si loin que ça. Pinkie va pouvoir lui apporter. Je temps mon morceau de papier au lierre enraciné proche de ma fenêtre et sans même lui demander quoi que ce soit, elle commence à descendre petit à petit vers le portail que va bientôt franchir l’homme.
Un peu plus et il n’aurait remarqué Pinkie. C’est alors qu’il se retourne après avoir ouvert le mot. Il me voit. S’en est une certitude. S’il ne m’a pas vu alors il n’est que malvoyant. Mais je le sais. Je le sens. Il m’a vu moi et-
Oh putain !
Je repense à ses paroles. Cheveux blond platine, yeux bleu lagon. C’est moi. Enfin peut-être. Il y a plein de jeunes femmes aux yeux bleus et aux cheveux blond. Seulement le fait que Mésa soit aussi dure dans ses paroles et aussi agressive envers cet homme me laisse penser que quelque chose cloche. Qu’il y a une chose que je ne sais pas.
Je repense au mot que j’ai laissé à l’homme qui maintenant s’enfonce dans la forêt noir entourant notre chez nous, à moi et Mésa :
« Rendez-vous à deux heures cette nuit. Vous marcherez du trou dans le muret à gauche du portail pendant cent dix-neuf pas, jusqu’à trouver un arbre tordu. Après celui-ci tournez-vous vers la gauche et marchez deux cent cinquante-neuf pas. Vous m’y trouverez. »
— Némésis, tu descends ?
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